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Valse avec Bachir.

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  • Valse avec Bachir.

    Grand oublié du palmarès cannois, Valse avec Bachir est un objet filmique absolument singulier tout en s’inscrivant dans une généalogie répertoriée du cinéma de genre. Ancien troufion de Tsahal au moment de la guerre du Liban en 1982, “témoin” du massacre de Sabra et Chatila, Ari Folman raconte ici son expérience, et celles de ses proches camarades de bataillon, telles que filtrées par vingt-cinq années de distance et par les méandres de l’inconscient et de la mémoire. Valse avec Bachir se présente donc comme un film de guerre par un auteur qui a vécu les événements (à la Samuel Fuller), comme un film-trip où la réalité de la guerre est retravaillée par une subjectivité débridée (à la Francis Ford Coppola), comme une enquête journalistique où l’effort de mémoire et la parole jouent un grand rôle (à la Claude Lanzmann), comme un film d’animation “pour adultes” à fort contenu politique (à la Marjane Satrapi).

    On a étiqueté Valse avec Bachir “documentaire d’animation”, catégorie inédite, imparfaite, mais qui synthétise le caractère hybride du film. Il existe en effet un fond documentaire ici, au sens où le film est basé sur des événements historiques, sur le vécu du réalisateur et, surtout, sur des entretiens avec ses anciens collègues soldats, avec un psy et avec un journaliste ayant couvert le conflit : ce sont bien les vraies voix et les vraies paroles de ces divers protagonistes que l’on entend ici, traduisant divers types de rapport à l’événement passé (l’oubli, l’analyse, le récit, le rejet…) comme autant de pièces d’un puzzle à reconstituer.

    Mais il y a bien dans ce film un travail de romancier, de plasticien et de DJ dans la représentation de divers épisodes d’une guerre temporellement lointaine et dont la réalité est transformée par une forme d’amnésie parcellaire, volontaire ou inconsciente, par la recréation des souvenirs, par la peur de la mort, la musique, les drogues et la distanciation esthétique permise par l’animation. Si les rues des villes libanaises, l’aéroport de Beyrouth, les armes et uniformes, les visages sont dessinés avec réalisme, Valse avec Bachir se permet de nombreuses échappées oniriques : le fantasme de se lover sur le ventre d’une femme géante, un navire de guerre transformé en yacht de croisière, des cieux orange, l’omniprésence des tubes de l’époque transforment la guerre en un trip à la fois beau et sauvage, une expérience folle et déréalisante, à la façon d’Apocalypse Now, l’une des sources d’inspiration d’Ari Folman.

    Autant que Coppola, Valse avec Bachir ravive dans une nouvelle combinaison le travail de Claude Lanzmann et d’Art Spiegelman, deux artistes pouvant emblématiser le mélange documentaire-animation opéré par Folman. Du premier, Folman a gardé l’usage de la parole des protagonistes comme moyen de reconstituer et revivifier des événements traumatiques enfouis dans le passé et figés par l’Histoire, ainsi que le principe général du non-recours aux images d’archives. Mais là où Lanzmann remplaçait ces images par celles des lieux de l’Histoire filmés par lui-même au présent, Folman opte pour l’animation et rejoint Spiegelman, le dessin étant la technique qui permet à la fois le réalisme et la stylisation, la proximité et la mise à distance, la représentation non-obscène d’événements obscènes.

    L’animation est peut-être aussi pour Folman le moyen adéquat de figurer son étrange statut de témoin non-témoin de Sabra et Chatila. Car au moment des faits, Folman n’a sans doute pas compris ni réalisé les tenants et aboutissants du massacre se déroulant à cent mètres de lui, il n’a pris la mesure de l’événement qu’après-coup. Il lui a ensuite fallu vingt-cinq années, une psychanalyse et ce film pour retrouver les images manquantes de cet épisode traumatique de sa vie, celles de Palestiniens hurlant de douleur sortant du camp à sa rencontre.

    L’insert d’actualités télévisées de l’époque à la fin de ce dessin animé apparaît comme le retour du refoulé, point de départ interrogatif de ce projet et conclusion logique de sa réalisation. Comme Spiegelman insérait les photos de ses parents à la fin de Maus, Folman termine par la piqûre de réel, point d’ancrage d’un film qui est un intelligent travail de (et sur la) mémoire, une œuvre forte, belle et utile.

    SERGE KAGANSKI

  • #2

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    • #3
      C'était le film favori des critiques à Cannes. Ca fait deux semaines que j'attends sa sortie et demain je ne le raterai pas Inch-Allah. J'ai hâte de voir la vision du réalisateur du drame de Sabra et Chatila.
      Dernière modification par Blofeld, 27 juin 2008, 11h34.

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      • #4
        Pour ma part, je pense que s'il y a un mot pour décrire le film, c'est bien le mot bouleversant.
        Le documentaire décrit les pires instants de la guerre, ceux qu'on ne lit jamais dans les livres d'histoire:
        Des types qui, pétrifiés par la peur, tirent sur tous ce qui bouge, des soldats qui entrent en transe alors qu'ils se font canarder, des miliciens qui urinent sur les cadavres de leurs ennemis...etc
        Dernière modification par absent, 27 juin 2008, 12h03.

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        • #5
          ... J'ai cru lire "Valse avec Bachi" ... Voir le Croco valser




          Un documentaire à voir !
          « La voix de la mer parle à l'âme. Le contact de la mer est sensuel et enlace le corps dans une douce et secrète étreinte. »

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