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    La langue ennemie du cou ?
    par Kamel Daoud

    En Algérie, il n'existe que deux formes de présidence et d'exercice du Pouvoir. L'une molle, dispersée, dépendante des placards et des ailes, confinée à l'occupation d'El Mouradia et des devantures, menacée éternellement pas le licenciement et encerclée autant par les cupides que par les parents proches et les comptables malhonnêtes. L'autre dure, sévère comme un fusil de Novembre, dictatoriale, amatrice du burnous et du coup de poing sur la table, penchant pour les discours très longs, impénétrable comme un maquis de 1956, entourée d'hommes terrorisés, de larbins fins et de populistes capables de lever les foules et de les faire asseoir même sur un cactus. Dans la première catégorie, on range Boudiaf, Chadli, Zeroual et Benbella. Dans la seconde on retrouve Boumediene et Bouteflika. Pourquoi cette introduction ? Pour expliquer l'un des mécanismes les plus constants de la disgrâce en Algérie. Lorsque le pouvoir est faible, un Premier ministre ou un ministre ou même un général, peut « tomber » pour des raisons de luttes de clans. Lorsque le Pouvoir est fort, est en passe de l'être ou se croit arrivé, un Chef de gouvernement, un ministre et même un général, peut « tomber » pour une phrase, un mot ou une incartade orale vite interprétée comme un signe de rébellion ou preuve que le cou du bonhomme commence à s'allonger jusqu'à en appeler à la décapitation. Selon cette lecture donc, Ouyahia est revenu aux commandes parce qu'il n'a rien dit depuis longtemps qui ne soit conforme à la stricte respiration de Bouteflika et n'a rien laissé pousser de plus que ses propres moustaches. Belkhadem serait « tombé » parce qu'il a mal « parlé » du projet napoléonien de Sarkozy et donc du chantier de l'Union pour la Méditerranée. Est-ce vrai ? Peut-être mais juste un peu. Une phrase qui ne veut rien dit ce qu'il faut à certaines altitudes. Face à un Président qui a grandi dans le sérail et qui a appris à décoder les menaces de coups d'Etat même dans les coups de brosse et les commandes d'essence pour les colonnes des blindés, une simple phrase peut signifier un début d'indocilité, une possibilité d'alternative ou le signe malsain d'une indiscipline encore secrète. D'ailleurs, et selon la même logique orale, Ouyahia avait été remercié simplement pour avoir songé, un jour qu'il était vraiment seul, une sorte de plan Orsec virtuel et tout à fait bénin et théorique à l'épisode Val de grâce. Donc, lorsque le Pouvoir n'est pas un boudoir, une phrase peut faire tomber plus que les cheveux. Les malheureux conviés aux Conseils des ministres, paraît-il, en savent quelque chose : les dictatures d'aujourd'hui ne terrorisent plus le peuple mais les employés trop proches de l'Etat. Question : si une phrase peut faire tomber une tête pourquoi le ministre des anciens Moudjahiddines n'a rien souffert après son tir de barrage contre le président français à la veille de son invitation par le président de la RADP ? Personne ne veut le dire. Peut-être parce qu'on ne peut pas faire « tomber » un ancien guerrier qui n'est pas tombé en champ d'honneur. Peut-être. Il est plus logique de croire, cependant, qu'on ne peut pas manier le sabre comme on manie les vents. Entre lui et lui-même, juste après son limogeage, Belkhadem aurait même prononcé la fameuse phrase (imaginaire) de Galileo Galilei, face contre terre : « Et pourtant elle tourne ! ». La chance, la Présidence, la chefferie de gouvernement, la vie, la terre quand on reçoit un coup sur la tête, l'épée ou les mandats ? Personne ne sait. Cette anecdote étant imaginaire, mais le mouvement de rotation est réel.
    Quotidien d'Oran
    Mieux vaut un cauchemar qui finit qu’un rêve inaccessible qui ne finit pas…
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