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    Abdelaziz Belkhadem et Ahmed Ouyahia changent de rôle. Mais le scénario ne change pas.
    par Abed Charef


    Le gouvernement algérien a perdu, lundi dernier, un coordinateur. A-t-il pour autant gagné un chef ? Rien n'est moins sûr, même s'il faudra du temps pour être fixé. Les premiers éléments semblent en effet indiquer que l'exécutif continuera de fonctionner comme il le fait depuis longtemps, c'est-à-dire de manière très approximative, chaque ministre faisant ce qu'il peut, ou ce qu'il veut, dans son secteur, tout en prenant soin d'affirmer, à tout bout de champ, qu'il oeuvre à «appliquer le programme du président Bouteflika». Cette méthode de travail, à côté de la Constitution, a été progressivement imposée depuis l'avènement de M. Abdelaziz Bouteflika à la présidence, pour s'imposer comme une donnée centrale des institutions algériennes.

    Lors de sa nomination à la tête du gouvernement, il y a deux ans, M. Belkhadem avait, dès sa première déclaration, affirmé qu'il était un «coordinateur du gouvernement». Il avait, de fait, renoncé à exercer ses prérogatives constitutionnelles. Bien qu'il ait eu à assumer, dans le passé, les fonctions de président de l'Assemblée nationale, M. Belkhadem n'avait pas jugé utile de suivre les mécanismes constitutionnels qui l'auraient obligé à former son gouvernement, à présenter son programme devant le Parlement, et à obtenir l'aval des deux Assemblées avant d'entamer son travail de chef de gouvernement.

    Ces défaillances évidentes avaient déjà donné l'impression que l'Algérie n'était pas gérée comme un pays moderne, mais plutôt comme une tribu, dont les notables essaient de s'entendre pour gérer ensemble, par consensus, la décision finale revenant à celui qui détient la force si l'entente n'est pas possible.

    En outre, depuis deux ans, M. Belkhadem a lancé une campagne pour amender la Constitution en vue de permettre au président Bouteflika de briguer un troisième mandat. Mais à force d'annoncer un changement qui ne venait pas, il a fini par perdre toute crédibilité, si tant est qu'il en ait eu auparavant. Dans son cheminement, M. Belkhadem a cependant, malgré lui, rappelé que le pays avait une constitution, et que celle-ci fixait certaines règles. Qu'en pense son successeur, M. Ahmed Ouyahia ?

    Apparemment peu de choses. Le nouveau chef du gouvernement a en effet procédé de la même manière que M. Belkhadem. Il a hérité d'un gouvernement dont il va s'accommoder, et lui non plus ne juge pas nécessaire d'aller devant le Parlement pour solliciter un vote en faveur de son programme.

    Du reste, M. Ouyahia, comme son prédécesseur, ne manque jamais de rappeler qu'il est là pour appliquer le programme du président de la République, non le programme de son parti.

    Il y a donc une sorte de consensus qui s'est instauré dans les cercles du pouvoir, pour vider le dispositif constitutionnel de son contenu, et imposer un pouvoir de fait qui obéit à d'autres règles. M. Bouteflika, qui veut exercer des prérogatives ne relevant pas de lui, MM. Belkhadem et Ouyahia, qui abandonnent leurs prérogatives, assument la même responsabilité dans cette dérive institutionnelle. Ils la partagent avec les députés et sénateurs qui, eux aussi, ne sont abstenus de demander aux gouvernements successifs de se soumettre aux mécanismes constitutionnels.

    MM. Belkhadem et Ouyahia s'en tirent bien tous les deux. Ils ne sont comptables de rien, devant personne. La confusion actuelle leur assure l'impunité. Ni l'un ni l'autre n'avaient présenté de bilan de son action. Ils sont nommés, ils assurent une sorte d'intérim, et rentrent tranquillement chez eux, en attendant d'être rappelés de nouveau pour exercer de nouvelles responsabilités. M. Belkhadem a passé deux années à avancer les chiffres les plus farfelus sur le plan économique, à promettre des avancées sociales jamais réalisées, et à annoncer un changement imminent de la Constitution. Qu'a-t-il réalisé de tout cela ? Rien. Il reste pourtant ministre d'Etat et chef du FLN. Par ailleurs, nombre d'analystes essaient de comprendre les raisons de ce changement et les objectifs visés à travers le départ de M. Belkhadem et le retour de M. Ouyahia. Il y a ceux qui affirment que M. Belkhadem aurait refusé de représenter l'Algérie au sommet du lancement de l'Union pour la Méditerranée, le 13 juillet à Paris, ceux qui pensent qu'il a été simplement viré, ceux qui affirment que M. Ouyahia a été rappelé pour préparer la prochaine présidentielle. Il y a également ceux qui estiment qu'on est déjà dans l'après-Bouteflika, et ceux qui estiment que le dispositif du troisième mandat a été mis en place. D'un autre côté, certains parient sur l'efficacité de M. Ouyahia, ou sa capacité à remettre de l'ordre, alors que d'autres mettent en avant le nécessaire rééquilibrage au sein du pouvoir, après que M. Bouteflika eut placé ses clients partout.

    Quel que soit le crédit qu'on pourrait accorder à ces affirmations, et quelle que soit l'énergie qu'on perd dans ces spéculations, cela ne modifie rien aux faits: le remplacement de M. Belkhadem par M. Ouyahia ne change rien de fondamental dans le pays. Bien au contraire, la décision consacre la dérive institutionnelle, sans offrir de possibilités de sortie de crise. Les dysfonctionnements politiques ont rendu impossible la bonne gouvernance, bannissant ainsi l'efficacité économique. Le nouveau partage des rôles ne change donc rien au scénario.

    C'est pourtant le scénario qu'il faut changer.
    "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
    Socrate.
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