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L'Europe du capital tente une nouvelle offensive sur l'Afrique

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  • L'Europe du capital tente une nouvelle offensive sur l'Afrique

    L’Union européenne (UE), hantée par le spectre du géant chinois, semble décidée coûte que coûte à inonder le marché africain. Sa dernière arme : les accords de partenariat économique (APE), ou comment, après avoir pillé le continent, lui ôter toute possibilité d’autonomie économique, selon la bonne vieille logique suivant laquelle pour que les riches restent riches, il faut que les pauvres deviennent plus pauvres.

    Les accords économiques entre Europe et Afrique ne datent pas d’aujourd’hui. En effet, dès les indépendances proclamées naissent les premières conventions. Sans entrer dans le détail, leur fondement idéologique est clair : continuer à piller les ressources des ex-colonies. Ainsi, les conventions Lomé, de 1975 à la fin des années 80, sous leurs atours progressistes et sous couvert d’humanisme, ont entravé tout décollage économique de l’Afrique en encourageant les pays dits ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) à se concentrer sur la production des produits de base non transformés, et en mettant en place une relation ambiguë de dépendance avec l’UE. Sans parler de l’aide au développement, qui a bien plus profité aux potentats et dictateurs soutenus par l’Occident qu’aux populations. Quoi qu’il en soit, ces conventions reposaient sur le concept de préférences tarifaires (droits de douanes, quotas, etc.) pour les exportations des pays ACP vers la Communauté économique européenne (hormis les produits agricoles couverts par la Politique agricole commune).
    Le premier tournant se situe dans les années 90, avec les plans d’ajustement structurels du FMI, qui impose sa logique libérale à la convention de Lomé. Ainsi, l’Organisation mondiale du commerce (OMC), créée en 1995, dénonce ces conventions et juge ces préférences commerciales comme discriminatoires, une entrave au libéralisme. Suivant cette logique, l’UE propose la création de zones de libre-échange comme unique possibilité de maintenir des accords économiques avec les pays ACP. Naissent alors les accords de Cotonou, signés en juin 2000 entre l’UE et 77 pays ACP, pour une période de vingt ans. Le système de préférences non réciproques est remplacé par des accords commerciaux entre l’UE et six zones géographiques : Afrique de l’Ouest, Afrique centrale, Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique, Afrique australe et Caraïbes. Après la fin de la prorogation des préférences tarifaires de Lomé 4, autorisée par l’OMC jusqu’à fin 2007, l’UE négocie avec chaque zone des accords bilatéraux de libre-échange. Voici donc venue l’ère des APE, qui livrent ainsi en pâture à l’économie de marché les économies africaines déjà extrêmement fragilisées.
    Pour résumer, les APE comprennent l’élimination complète et réciproque des droits de douane entre l’UE et chacune des régions (les pays ACP doivent s’ouvrir à 100 %), ainsi que la création d’un Fonds européen de développement (FED) de 15 milliards d’euros par an pour financer des programmes d’appui aux plans d’ajustement structurel (PAS), au dialogue social et à l’intégration régionale, le tout en parfaite conformité avec les dispositions de l’accord instituant l’OMC et compatible avec les règles de l’OMC dans le cadre de l’AGCS (Accord général sur le commerce des services).
    Concernant l’appui aux PAS, l’UE n’hésite pas à remettre en négociation ce que les pays ACP avaient refusé lors des discussions de l’OMC à Cancun en 2003, c’est-à-dire la concurrence libre et non faussée, le traitement à égalité des entreprises nationales et privées pour les marchés publics, la facilitation des échanges e l’investissement.
    Ces accords, en exigeant la libéralisation des marchés, vont mettre en concurrence des économies très inégalement développées. En outre, si les marchés des pays ACP sont ouverts aux produits de l’UE, leurs paysans seront davantage exposés à la concurrence des produits des agricultures modernes et subventionnées de l’UE. Le tout dans un contexte de libre-échange accentué, au sein duquel les agricultures productivistes peuvent aujourd’hui vendre à perte et ainsi totalement ruiner celles des pays pauvres.
    Car aujourd’hui comme avant, les inégalités de développement persistent et s’aggravent. La productivité des pays ACP reste faible ; ceux-ci connaissent des problèmes d’infrastructures (en termes de transports, communication, informatisation, équipement, notamment), et les paysans locaux rencontrent beaucoup de difficultés pour satisfaire les normes imposées par l’UE.
    Or l’agriculture constitue encore souvent le secteur économique principal. Ces accords pourraient donc sonner le glas de l’économie de plusieurs pays. De l’autre côté, les pays ACP restant spécialisés dans des produits primaires dont l’offre est abondante et la demande en baisse, l’accès des produits ACP au marché européen ne stimulera pas seul leurs exportations, et ces pays ne seront pas à même de protéger leurs industries.
    Quant à l’intégration régionale, les configurations imposées par l’UE ne tiennent pas compte des processus de construction en cours. Les nouvelles zones constituées comprennent des pays aux développements inégaux, avec des régimes commerciaux différents entre PMA (pays les moins avancés) et non-PMA.
    En effet, les PMA ont déjà un accès totalement libre au marché de l’UE et n’ont surtout pas intérêt à signer l’accord, alors que les non-PMA refusant de signer cet accord se retrouveront sous le régime des pays en voie de développement, moins intéressant en termes d’échange avec l’UE.
    L’Union européenne négocie avec les ensembles sous-régionaux (Cedeao en Afrique de l’Ouest, Cemac concernant l’Afrique centrale, etc.) : le diviser pour mieux régner restant encore la meilleure arme des puissants.
    Car tous les pays ne parlent pas d’une même voix. Certains, surtout en Afrique australe, ont déjà accepté de signer. D’autres se réservent. Et si quelques voix commencent de s’élever dans les institutions africaines (Cedeao, Association des industriels africains ou Wade, le président sénégalais, pourtant libéral), l’Union européenne n’hésite pas à sortir l’artillerie lourde en mettant le pistolet sur la tempe des ACP, sous-entendant que l’aide au développement pourrait diminuer de moitié (jusqu’à 47 %) en cas de refus de ces accords. Certains pays insulaires du Pacifique ont fait état de menaces et ont déposé une plainte formelle auprès de l’UE.
    En Europe, certains politiques essaient de dénoncer les APE. En juillet 2006, la délégation parlementaire pour l’UE de l’Assemblée nationale française a adopté à l’unanimité un rapport rédigé par le député communiste Jean-Claude Lefort, qui a clairement expliqué le danger : Vouloir instaurer des zones de libre-échange entre l’UE et les pays ACP relève d’une vision qui évacue tout simplement le fait, pourtant majeur, qu’aucun de ces pays ne peut supporter pareil défi qui peut se résumer ainsi : faire monter sur le même ring un poids plume et un poids lourd.
    Dans ses conclusions, la délégation indique qu’elle est gravement préoccupée par le fait que la mise en oeuvre du libre-échange, malgré les précautions actuellement envisagées par l’UE, entraînera un choc fiscal, agricole, industriel, un impact sur la balance des paiements d’une telle ampleur pour nos partenaires qu’il pourrait compromettre la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement, alors que l’Afrique subsaharienne souffre, dans ce domaine, de retards si inquiétants qu’ils constituent une menace pour la paix et la stabilité internationales.
    Parallèlement, et bien plus intéressant pour nous syndicalistes, des mouvements sociaux se développent en Afrique pour dénoncer cette nouvelle attaque en règle contre les peuples africains. Beaucoup dénonçant ces politiques économiques comme responsables en particulier de la crise alimentaire actuelle : la mort des infrastructures agricoles et de transports de ces pays est largement liée aux orientations imposées par le FMI, l’OMC et l’UE. Et les APE risquent bien d’achever le travail de destruction que les PAS ont entamé.

    CNT - Confédération Nationale du Travail - Afrique sans chaînes (France)
    Le 15-05-2008 (Publié sur internet le 21-06-2008 )
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