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Echec de l'OMC et mondialisation de la colère

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  • Echec de l'OMC et mondialisation de la colère

    Dans une précipitation qui traduit un certain embarras, le Fonds monétaire international a annoncé qu’il allait allouer une enveloppe de plusieurs milliards de dollars aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables aux conséquences de la hausse vertigineuse des produits alimentaires.

    Des grand pays à l’instar du Japon, des Etats-Unis, de la France et de l’Allemagne, ont pris des décisions identiques. Dans le même temps, les citoyens de ces grands pays, crient à l’insupportable devant la flambée des cours du baril du brut qui a fait une progression de près de cent pour cent en six mois, rompant tous les équilibres et désorganisant toutes les prévisions des marchés.
    Bref, en cette presque moitié de l’année 2008, l’inquiétude a gagné tous les coins de la planète, tous les pays, et tous les secteurs de l’activité économique internationale. Aux manifestations violentes des Africains qui déferlent dans les rues pour décrier des régimes qui les ont affamés par des politiques inappropriées et qui ont confisqué leur destin au travers des constitutions truquées, correspondent les blocages des ports européens par des pêcheurs qui ne supportent plus les prix du gasoil. La colère est donc partout, chez les pauvres comme chez les supposés riches, au grand dam des catégorisations classiques. En fait, Cuba avec ses privations sous Fidèle Castro, ou Moscou des années de l’économie de guerre sous le régime communiste pur et dur ne sont plus très éloignés des clochards, des sans abris, et des chômeurs qui s’accumulent dans les rues des capitales d’Occident. Faut-il conclure que toutes les idéologies et toutes les doctrines ne sont que mensonges lorsqu’ils promettent bonheur et prospérité des sociétés humaines ?
    C’est pour tenter de comprendre le sens de ce nouveau décor plutôt surprenant, que nous plongeons aujourd’hui dans de nombreuses interrogations. Prenant la parole à Abidjan lors d’une cérémonie d’hommage national à Aimé Césaire, Laurent Gbagbo, le président ivoirien s’est exclamé en ces termes : Tous les africains qui ont côtoyé le marxisme, et ils sont nombreux, doivent pouvoir dire ce qu’ils en ont retiré. A la lumière de la lettre de Césaire à Maurice Thorez pour sa démission du parti communiste français, les Africains doivent réfléchir sur la différence entre le marxisme et le communisme d’une part, et sur l’apport de chacun des deux à la construction d’un monde meilleur d’autre part.
    L’importance de ces propos, se situe dans notre propre réflexion sur l’état actuel du monde. C’est au moment où l’on nous vente les vertus d’une globalisation de la pensée marchande et de l’unification des centres d’intérêt, que se produit en effet une succession d’explosions qui remet en cause le postulat central du succès de l’idéologie libérale et sa pratique capitaliste, face aux thèses marxistes déclarées justement obsolètes.
    Le début du dernier siècle du deuxième millénaire avait été dominé par une concurrence à outrance entre les capitalistes et les autres. Il s’agissait de savoir si la société industrielle fondée sur la liberté de circulation de l’argent, la liberté de circulation des personnes, la liberté d’entreprise à travers les frontières, et l’élévation du profit au stade de loi universelle, pouvait effectivement constituer le salut du citoyen pour son développement harmonieux, et son bonheur ultime. Les marxistes soutenaient alors que la réponse ne pouvait jamais être affirmative car le propriétaire du capital ne pouvait être qu’un cupide exploiteur dont la finalité est la ruine du travailleur dans tous les sens.
    La société industrielle dépeinte par les tenants de l’économie libérale, produirait selon eux assez de biens, de lois justes et d’opportunité pour organiser et garantir le bonheur de tous. Dans la vision libérale, les classes moyennes allaient bientôt remplacer partout les classes pauvres. Cette thèse faisait de la production des biens, de leur abondance, et des mécanismes de régulation dans la distribution des revenus, un acquis.
    En réalité l’on a pu dès le milieu du vingtième siècle, atteindre le plein emploi dans presque toute l’Europe et l’Amérique du Nord, au point de considérer que toutes les familles, tous les citoyens, tous les habitants, avaient accès au minimum, aux fruits du développement industriel phénoménal, et aux prouesses merveilleuses des sciences et des techniques. Il est possible de soutenir qu’au moment où le premier homme marche sur la lune (1969), l’Occident est à son apogée. Pendant ce temps, le reste du monde patauge encore dans de multiples appréhensions. L’Urss et ses satellites vivent dans une économie de rationnement, l’Asie n’est pas encore tout à fait au bout de la lecture et de l’exploration de Confucius, la Chine surtout n’est encore qu’un géant aux pieds d’argile qui n’a rien montré au monde au-delà du petit livre rouge de Mao. L’Afrique n’est qu’un champ meurtri, endormi, et froissé par mille douleurs du colonialisme. L’Amérique latine et les Caraïbes ne sont rien que des champs de banane et de canne à sucre sur lesquels règnent quelques multinationales et des potentats politiques sous la protection des la puissante Cia.
    Nous voici à la renverse, réunifiés dans la contestation, la protestation, et des revendications qui de tous les coins du monde sonnent de la même façon, vibrent des mêmes élans de vexation, et crient contre les mêmes injustices.
    Si le processus de la restructuration des mécanismes de la coopération inter nationale avait connu quelques échecs en 1948 avec le refus du Sénat des Etats Unis de ratifier le traité de la Havane qui devait mettre en place une organisation internationale du commerce, ce manquement a été corrigé un demi-siècle plus tard avec la création effective de l’Omc qui a succédé au Gatt, outil transitoire de régulation des échanges mondiaux. Le moment historique ne doit rien au hasard. L’Omc voit finalement le jour quand l’idéologie libérale a étalé tout son modèle et dicté ses lois dans toutes les sphères d’activité de la planète. C’est la pensée unique, laquelle coïncide avec la renaissance des ultras conservateurs aux Etats Unis, et la succession conséquente de ses meilleurs représentants à la tête de la Maison Blanche. C’est ce qui fait que l’Amérique ne supporte pas l’insolence de quelques fous de l’Islam qui osent mettre des bombes sur sa terre le 11 septembre 2001, et c’est pour quoi elle croit le moment propice de rappeler sa mission sacrée de civilisation, comme déjà les Truman, Eisenhower, et Kennedy en leur temps.
    Mais voilà, non seulement l’ouverture du monde à l’unification des marchés, ne se traduit pas effectivement par une compétition sans réserves, mais plus grave, les spéculateurs parviennent à partir du contrôle monopolistique calculé des places financières et des centres de production, à évincer les pouvoirs d’Etat, et à briser toutes les règles de protection des intérêts publics.
    Le monde entre du coup dans une tourmente où tout se vent sans contrôle, et où tout se négocie non plus seulement sur les places des marchés boursiers, mais à travers de simples manipulations électroniques engeant des dizaines de milliers de dollars quotidiennement. La mécanique compromise et rompue, les pleurs peuvent commencer, donnant l’occasion au Nord comme au Sud, de constater une insatisfaction. Si en Afrique, l’on n’est pas certain de manger à sa faim ou de se soigner convenablement, en Europe, l’on est plus tout à fait certain de s’offrir tous les plaisirs de la société de consommation. Un cadre français a fait la réflexion selon laquelle, dès lors qu’il s’est mis à calculer avant d’acheter sa baguette de pain, il a compris qu’il vivait déjà une forme de pauvreté. Par ailleurs, plus de la moitié des familles en Europe et aux Etats Unis, croulent sous des dettes et vivent dans un stress permanent.
    Nous sommes donc parvenus dans la situation exacte qu’ont décrite les théoriciens marxistes dans leurs essais de projection de la société libérale à outrance sortie du capitalisme marchand et financier. Il s’agit du capitalisme monopoliste d’Etats, dont les économistes Samir Amin (égyptien), Tchundjang Puémi (camerounais) et Rosa Luxembourg (allemande), décrivent les méfaits dans leurs différents traités. Au départ l’on voyait surtout les ravages pour les pays dominés et exploités de la périphérie. Maintenant, les effets se voient partout, y compris dans les pays du centre dont sont originaires les multinationales exploiteuses et les spéculateurs. C’est à Abidjan que l’on produit le cacao, mais c’est dans de petits bureaux à Londres, que le prix du kilo est décidé.
    C’est un échec patent et incontestable pour l’Omc (Organisation mondiale du commerce) qui se voulait la garante d’un équilibre du développement humain par la liberté totale des mécanismes des marchés et une dérégulation générale annulant les pouvoirs d’Etat. La misère a remplacé le bonheur, et la contestation a remplacé l’adhésion. C’est, de fait, la mondialisation de la colère.

    Shanda Tonme
    Le Messager (Cameroun)
    Le 05-06-2008
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