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Le pétrole, otage des dissensions politiques en Irak

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  • Le pétrole, otage des dissensions politiques en Irak

    L'Irak, détenteur des troisièmes réserves prouvées de pétrole au monde avec 115 milliards de barils, s'apprêtait à lancer lundi 30 juin, son premier appel d'offres international pour développer et augmenter la production d'une dizaine de ses gisements, déjà exploités mais manquant terriblement d'équipements modernes.

    Sur les 120 candidats initiaux qui se sont déclarés intéressés par le marché irakien, une quarantaine de compagnies étrangères, dont ExxonMobil, Royal Dutch-Shell, Total et British Petroleum - qui détenaient, avec Chevron, l'essentiel des droits d'exploitation en Irak de 1929 jusqu'à la nationalisation totale de l'exploitation de l'or noir par Saddam Hussein en 1972 - ont été autorisées à concourir pour des "contrats de service à long terme", d'une durée de vingt à vingt-cinq ans.

    Ces contrats impliquent, de leur part, de lourds investissements de modernisation de l'appareil de production en échange d'une partie - qui reste à définir - du pétrole extrait.
    Les entreprises qui seront finalement choisies "seront les premières à avoir le droit de développer les gisements", a indiqué un porte-parole du ministère du Pétrole, Assim Jihad. Il faudra d'abord que le Parlement vote la nouvelle loi nationale sur le pétrole qui languit depuis seize mois à l'Assemblée à cause des querelles de souveraineté et de partage des profits entre l'Etat fédéral central et les 18 provinces du pays. Les diverses factions politiques débattent depuis des mois sur la quatrième version de ce projet de loi qui doit aussi définir les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent investir, sans parvenir à trouver un accord entre elles.

    Samedi, le gouvernement a annoncé la constitution d'une "commission" mixte avec les Kurdes qui contrôlent les trois provinces du nord et qui, jouissant d'une large autonomie, ont signé, contre l'avis de Bagdad, 17 contrats d'exploration et d'exportation avec une vingtaine de petites compagnies pétrolières étrangères. Le gouvernement central, qui n'a pas été consulté, les juge "illégaux". Les Kurdes rétorquent que leur propre loi sur le pétrole a été "constitutionnellement votée" en août 2007 par leur propre assemblée autonome. La nouvelle "commission mixte" créée avec eux vise, à terme, à trouver un arrangement.

    A Bagdad, le ministre du Pétrole, Hussein Sharistani a apparemment décidé de lancer son appel d'offres sur la base des textes en vigueur sous Saddam Hussein. Une fois attribué, chaque contrat conclu devrait donc être théoriquement approuvé par une majorité des 275 élus du Parlement.

    Parce qu'en dépit des indiscutables progrès réalisés sur le terrain l'insécurité demeure très forte dans tout le pays ; parce qu'en dépit d'une petite amélioration toute récente, la corruption, les sabotages et les détournements restent très conséquents, et parce qu'enfin l'exploitation nationale de brut continue de souffrir de l'absence quasi-totale d'investissements depuis dix-sept ans au moins - dont douze années de sanctions onusiennes -, l'Irak, cinq ans après l'invasion anglo-américaine de mars 2003, n'est toujours pas parvenu à produire autant que sous la dictature : 2,5 millions de barils par jour ce mois-ci - un record depuis 2003 - contre une moyenne de 2,9 millions en 2002.

    Selon les chiffres fournis par Washington, les Etats Unis ont investi 1,83 milliard de dollars depuis 5 ans dans l'industrie pétrolière irakienne - et surtout sa "sécurisation" -, pratiquement en pure perte. Environ 85 % de la production (2,2 millions de barils/jour en juin) sont exportés, pour un tiers du total via les oléoducs qui relient les champs de Kirkouk (nord du pays) au terminal pétrolier de Ceyhan en Turquie, les deux tiers restant via les tankers géants qui viennent quotidiennement s'amarrer au sud, près des riches gisements de la région de Bassora.

    Au nord, le gouvernement qui paye les tribus arabes sunnites de la région pour protéger les oléoducs contre les attaques de la guérilla commence à obtenir des résultats - forte baisse des attentats depuis six mois -, tandis qu'au sud, l'offensive militaire lancée en mars contre les milices chiites de Bassora qui détournaient l'or noir par camions-citernes entiers, commence elle aussi à produire ses effets. Il reste que sur les 7 000 km d'oléoducs qui traversent le pays en tous sens, près des deux tiers ne sont plus opérationnels et que, là aussi, de gros investissements sont nécessaires.

    Hussein Sharistani estime que les contrats possiblement attribués aux majors étrangères peuvent augmenter la production d'un demi-million de barils/jour dès la fin de l'année. Pour l'Agence internationale de l'énergie, la simple réparation et modernisation des 27 gisements en exploitation - sur les 80 mis au jour dans le pays alors que des régions entières n'ont même jamais encore été prospectées - pourrait permettre de doubler pratiquement la production en cinq ans. Selon David Fyfe, un analyste de l'Agence, la simple mise en production des champs découverts et non exploités permettrait à l'Irak d'atteindre 6 millions de barils/jours, c'est-à-dire un peu plus de la moitié de la production saoudienne qui s'établit actuellement à un peu plus de 9,3 millions de barils/jours.

    Quand on sait qu'une étude du Cato Institute, un centre de recherche libéral américain, estime que 1 % seulement d'augmentation de la production globale de pétrole (autour de 83 millions de barils/jour) peut provoquer une baisse de 10 % sur les prix, on imagine ce que la pleine rentrée de l'Irak sur le marché international pourrait produire. D'autant, affirmait récemment Hussein Sharistani, que les réserves "probables", quoique non encore "prouvées", de l'Irak, pourraient en fait dépasser les 220 milliards de barils.

    PÉTROLE ET GAZ EN ABONDANCE

    L'EXPLOITATION PÉTROLIÈRE
    a débuté en Irak dans les années 1920, à la suite de partages âprement négociés lors de la conférence de San Remo (1920) entre les vainqueurs de la première guerre mondiale. La Compagnie française des pétroles (CFP, future Total) est créée en 1924 pour exploiter les champs irakiens.

    LA PRODUCTION IRAKIENNE
    a atteint un pic de 2,3 millions de barils/jour à la veille de la guerre contre l'Iran, en 1980. Il faut attendre 1989 et la fin de cette guerre pour que la production dépasse 2,8 mb/j, un chiffre qui ne sera plus atteint avant 2002 du fait des sanctions internationales décrétées après l'invasion du Koweït par l'Irak, en 1990.

    LES RÉSERVES
    du pays en pétrole sont estimées à 115 milliards de barils, celles de gaz à 35 trillions de mètres cubes.

    Par le Monde
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