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Percer les ultimes secrets de la matière

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  • Percer les ultimes secrets de la matière

    La plus grande expérience de physique du monde débute

    Le grand collisionneur de hadrons, ou LHC, qui doit entrer en service à la fin de l'été, près de Genève, mettra-t-il fin au désarroi des physiciens ? Après des décennies fastes où les découvertes se sont succédé à un rythme effréné, depuis les célèbres équations d'Einstein à l'aube du XXe siècle jusqu'à l'élaboration de la théorie dite du «modèle standard de la physique des particules élémentaires» au début des années 1980, en passant par la mécanique quantique conceptualisée par Bohr, Heisenberg et Schröedinger dans les années 1910-1920, cette discipline scientifique marque le pas depuis vingt-cinq ans.

    Dans un livre au titre évocateur, «Rien ne va plus en physique !», publié l'an passé (2), Lee Smolin, l'un des plus talentueux physiciens actuels, le dit sans ambages : «Qu'avons-nous découvert (récemment) dont nous pourrions être fiers ? Rien !» Rien de comparable en tout cas avec ce passé glorieux. Étienne Klein, physicien au CEA, fait le même constat amer : «La matière est loin d'avoir livré ses ultimes secrets.»

    De fait, la physique bute, depuis des lustres, sur cinq grands problèmes théoriques, dont le plus emblématique est l'impossibilité de réunir la théorie quantique et celle de la relativité générale en une théorie unifiée. Tout se passe, en effet, comme si les lois de la gravitation, à l'œuvre dans le cosmos, ne s'appliquaient pas dans l'infiniment petit tandis que la physique quantique, qui décrit à merveille le monde foisonnant des particules élémentaires, semble totalement inopérante à l'échelle de l'infiniment grand.

    Des niveaux d'énergie encore jamais atteints

    Et puis il y a les nombreuses questions restées sans réponse : qu'est-ce qui fait que les particules ont une masse ? Pourquoi la matière a-t-elle «triomphé» de l'antimatière ? Quelle est la matière invisible qui semble influencer le mouvement des galaxies ? Sans parler de l'énigmatique énergie noire qui serait responsable de l'accélération de l'expansion de l'Univers ?

    C'est pour tenter de sortir de ces impasses que les vingt États membres de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern) ont décidé, en 1994, après dix ans d'études préliminaires, de construire le LHC. Cette machine gigantesque, qui représente un investissement de 3,7 milliards d'euros, est «tout simplement la plus grande expérience de physique jamais réalisée», souligne Étienne Klein.

    Dans un anneau souterrain de 27 kilomètres de circonférence, construit de part et d'autre de la frontière franco-suisse, les chercheurs vont provoquer des collisions frontales entre des faisceaux de protons lancés à des vitesses vertigineuses, proches de celle de la lumière. Chaque faisceau effectuera 11 245 fois le tour de l'anneau en une seconde, soit trois fois la distance de la Terre à Pluton en seulement 10 heures ! Le tout grâce à 1 746 aimants supraconducteurs refroidis dans de l'hélium superfluide, à une température proche du zéro absolu (-271 °C), qui permettront de courber la trajectoire du faisceau tout au long de l'anneau.

    Les chocs extrêmement violents, réalisés dans les quatre superbes détecteurs (Atlas, CMS, Alice, LHCb) qui jalonnent le parcours, se produiront à des niveaux d'énergie encore jamais atteints dans un accélérateur construit par l'homme (de l'ordre de mille milliards d'électronvolts !).

    Nouvelles particules élémentaires

    Dans cet environnement extrême, proche de celui qui régnait juste après le big bang, les physiciens espèrent mettre la main sur de nouvelles particules élémentaires. En particulier, le fameux «boson de Higgs “inventé” dans les années 1960 dans le but d'expliquer l'origine de la masse de toutes les particules de l'univers, y compris la sienne propre», souligne Étienne Klein. La confirmation expérimentale de l'existence de cette Arlésienne de la matière, attendue au plus tôt l'an prochain, le temps d'analyser toutes les données issues des collisions (en un an, le LHC produira l'équivalent d'une pile de CD de 20 km de haut !), serait un soulagement pour les physiciens car elle viendrait parachever le modèle standard. Mais les chercheurs voudraient pouvoir aller au-delà de cette théorie juste mais incomplète et en tester de nouvelles comme la «supersymétrie» qui permettrait d'unifier les quatre forces fondamentales à l'œuvre dans la nature (gravitation, force électromagnétique, interactions nucléaires fortes et faibles). «Si le LHC confirme la supersymétrie, alors sans aucun doute il y aura un prix Nobel pour ses inventeurs. Dans le cas contraire, on distribuera des bonnets d'âne à ceux de ma génération qui ont passé toute leur carrière à explorer cette théorie», écrit Lee Smolin. L'installation étant prévue pour fonctionner jusqu'en 2025, les physiciens ont quinze ans devant eux pour sortir de leur «crise».

    (1) Dunod, avril 2007.

    Par le Figaro
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