Nicolas Sarkozy, Israël et les Arabes
Le voyage d’un «sang mêlé» dans son pays de prédilection
Le voyage d’un «sang mêlé» dans son pays de prédilection
par René Naba
Paris, 15 juin 2008 - A une semaine de son accession à la présidence de l’Union européenne, Nicolas Sarkozy se rend le 22 juin dans son pays de prédilection, le lieu de formulation du discours fondateur de sa doctrine (1), la plate-forme de sa campagne électorale, le tremplin de sa trajectoire présidentielle, le point fixe de son parcours politique avec les Etats Unis d’Amérique.
Un pays qu’il n’a cessé de magnifier et de glorifier à chaque étape de sa conquête du pouvoir, y faisant référence jusques y compris dans les périodes les plus désastreuses pour son image, comme lors de sa guerre de destruction du Liban, en juillet-août 2006, missionnant au plus fort du conflit, dans une démarche de provocation, un réserviste de son armée, sollicitant l’avis exclusif de son ministre de la sécurité Avi Dechter pour la répression du soulèvement de la périphérie urbaine de l’Automne 2005 en France, dans une transposition symbolique du conflit israélo-palestinien sur le territoire national, se livrant enfin, périodiquement, à des incantations des «Murmures de Yad Vachem» au « Miracle du XX me siècle», au point que cet atlantiste résolu est apparu, au delà de l’attente de ses plus empressés courtisans, ses commensaux habituels des coteries du parisianisme calfeutré, comme un philosioniste exacerbé par le néo-conservatisme américain (2).
Ce pays…. c’est Israël qui a célébré, le 14 mai 2008, le 60 me anniversaire de sa déclaration unilatérale d’Indépendance, dont il a voulu que la France réserve à son président la première visite d’Etat de son mandat.
Le premier président français de «sang mêlé», tel qu’il se revendique, est sans la moindre contestation possible le plus pro-israélien des chefs d’Etat de l’Histoire de France, le plus honni aussi des dirigeants français au sein de l’opinion arabe depuis Guy Mollet, l’ancien premier ministre socialiste de sinistre mémoire, l’ordonnateur via son proconsul Robert Lacoste des ratonnades d’Alger, le maître d’œuvre de l’expédition de Suez, en 1956, l’agression tripartite franco-anglo-israélienne contre Nasser, le chef charismatique du nationalisme arabe. Triste record peu enviable dont il aurait pu s’en dispenser, qu’il s’est appliqué néanmoins à gommer lorsqu’il en a pris conscience, en abritant la conférence de réconciliation interlibanaise à la Celle Saint Cloud (Juillet 2007) et la conférence des pays donateurs du futur Etat palestinien (Décembre 2007), renouant des relations avec la Syrie, ostracisée par la cécité proharirienne de son prédécesseur, entreprenant au pas de charge en un temps record des voyages officiels dans onze pays arabes, un nombre équivalent à la moitié des états membres de la Ligue arabe. Un record jamais égalé par aucun de ses prédécesseurs.
Jamais président français n’a manifesté autant d’empressement auprès des pays arabes (3), jamais pourtant président français n’a suscité autant d’aigreurs auprès des Arabes. Significative de cet état d’esprit est sa prestation devant le conseil consultatif saoudien le 12 janvier dernier. Confondant sans doute le Conseil consultatif et l’Assemblée des Oulémas, sa dissertation sur le thème des religions a été accueillie dans une indifférence polie, alors que les Saoudiens s’attendaient à des clarifications sur la politique du nouveau président du premier pays musulman d’Europe occidentale par son importance numérique, qui fait de l’Islam la deuxième religion de France.
Plusieurs parlementaires saoudiens, selon certains témoignages, n’auraient même pas daigné mettre les écouteurs de traduction pour saisir la portée de la parole présidentielle. L’orateur français s’en est-il au moins rendu compte ? Pas évident tant il était emporté par sa fougue prédicatrice. Son entourage a-t-il eu la possibilité de l’alerter sur cette dérive ? Pas évident non plus tant il est tétanisé par la nouvelle «égocratie» présidentielle. Imagine-t-on chef d’Etat d’un pays musulman tenir pareil discours théologique devant la représentation nationale française? A-t-on un instant imaginé le tollé que le prédicateur islamique imprudent aurait suscité en France devant une telle entorse aux usages?
Que l’on ne s’y méprenne pas.L’animosité particulière dont gratifient les Arabes Nicolas Sarkozy tient non à ses inclinaisons politiques et affectives, mais à sa propension à l’outrage. Ses prédécesseurs pratiquaient une politique duale, une politique d’ouverture à l’égard des marchés arabes, sur le plan international, une politique de fermeture, sur le plan domestique, à l’encontre de la composante de la population issue de l’immigration. Nicolas Sarkozy se distinguera de cette duplicité par une stigmatisation permanente unilatérale et continue de l’altérité: Karcher, Racaille, égorgeant «des moutons dans les baignoires» resteront à jamais graver dans les mémoires comme la face hideuse d’une xénophobie institutionnelle véhiculée au plus haut niveau de l’Etat par un homme en charge de symboliser la concorde nationale. Le malaise est patent, le mal irrémédiable, l’activisme présidentiel inopérant quand bien même il est enrobé d’une diplomatie nucléaire.
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