La quête du pouvoir
Nous avons vu que ce que nous appelons liberté est notre capacité à pouvoir contenter nos besoins de quelque ordre qu’ils soient. Notre nature sensible au stress et au bien-être nous indique de facto l’ensemble des besoins qu’il nous faut satisfaire.
Nous les classerons en deux catégories bien distinctes :
a) les besoins de survie, liés au stress : s’alimenter, se prémunir des ,s’abriter des intempéries, échapper aux prédateurs, se défendre de toutes agressions.
b) les besoins de vie, liés au bien-être : jouir, prendre du plaisir sous toutes ses formes : se détendre, s’amuser, s’aimer, consommer, commander, diriger, s’enivrer…
Libres de satisfaire nos besoins, nous cherchons à optimiser notre satisfaction dans les deux sens : réduire notre stress et élever notre bien-être, autant que possible.
Si nos besoins de survie sont prioritaires car vitaux, leur satisfaction est relativement vite atteinte (on ne cherche plus à manger lorsque est repu, le ventre plein). Nous dirons que le seuil de satisfaction des besoins de survie, que nous désignerons par « seuil de survie » est bas.
A l’inverse, si nos besoins de vie sont secondaires, leur satisfaction est difficilement atteinte, rarement en totalité, et jamais tout le temps. Nous dirons que le seuil de satisfaction des besoins de vie, que nous désignerons par « seuil de vie » est haut. En effet, lorsque nous avons du plaisir, nous cherchons à prolonger cette sensation. Lorsque cette sensation de plaisir vient à disparaître, elle nous manque jusqu’à provoquer un début de stress. Du coup, nous cherchons à la reproduire pour deux raisons : évacuer le stress que son manque procure et vouloir la retrouver à nouveau du seul fait de sa mémorisation.
Ce processus de balancement entre stress et plaisir va progressivement s’accentuer en raison du caractère même du plaisir : le plaisir est une drogue, douce peut-être, naturelle sûrement, mais une drogue quand même, avec un vrai pouvoir d’accoutumance. Non seulement nous allons vouloir avoir notre dose de plaisir de plus en plus fréquemment, en plus nous allons vouloir que ces doses soient de plus en plus fortes, plus intenses ; et ce sans répit. De sorte que le seuil de vie, non content d’être haut, est, par nature, en augmentation constante.
La différence nette et profonde, au coeur de notre identité, entre un seuil de survie, bas et limité, et un seuil de vie, haut et sans limites, va orienter le parcours de chacun, et expliquer, à elle seule, toute l’histoire sociale, culturelle, économique et politique de l’humanité entière.
Le seuil de survie étant vital, donc prioritaire, les hommes vont initialement unir leurs forces pour y répondre à moindre coût (alimentation et défense). Ce coût de survie est l’effort consenti, la charge de travail, pour rester vivant : c’est la pénibilité de l’existence. La survie assurée, la vie commence et avec elle la course au plaisir : une course qu’il faudra interrompre pour subvenir -en principe, en groupe- à l’épuisement des ressources alimentaires. Or, chacun voudra, dans son for intérieur, être dispensé de peine, de travail, sans toutefois être privé de consommation. Le problème est que tous en rêvent en même temps, en raison justement de la différentiation naturelle des seuils de survie et de vie. La source du conflit en puissance est là. Il sera résolu par la force dans sa version la plus brutale. Le plus fort du groupe va parvenir, sans en être dispensé totalement, du moins dans un premier temps, à réduire sa pénibilité. Prenant conscience de son avantage, il le met à profit pour accroître son plaisir en bousculant ses semblables pour réduire sa charge de travail et consommer plus de plaisirs. Les plaisirs n’offrant pas la même qualité, il va délaisser ceux qui lui paraissent mièvres pour focaliser son attention sur les plus intenses et notamment sur le plaisir sexuel. Sa force, devenue pilier de son aptitude à satisfaire son bien-être, va même l’amener à passer outre le supposé consentement du partenaire. La dictature est née.
Cette première forme de dictature, isolée et personnelle, ne durera que peu de temps, car le champion du moment se verra constamment « destitué » par un alter ego, avant d’être à son tour remplacé. A terme et immanquablement, elle laissera la place à une seconde forme de dictature, bien plus élaborée, dont l’expression dessinera un nouvel ordre social relativement stable. Cet ordre est organisé en cercles concentriques :
Pour asseoir son pouvoir et lui imprimer un caractère durable voire irréversible, le postulant au rôle de chef constitue des alliés dont la mission est d’optimiser son seuil de satisfaction. En retour, le chef leur assure des avantages conséquents qui, on l’aura compris, sont intimement solidaires de leur aptitude à pouvoir remplir la mission qui leur est confiée. Pour y parvenir, les alliés (2ème cercle) vont à leur tour créer une force de soutien (des troupes) à même d’assurer le maintien d’une organisation socioéconomique garante du respect d’un double-objectif : optimiser le seuil de satisfaction du chef et le leur. Les troupes de maintien de l’ordre, à qui on a fait miroiter quelques avantages substantiels, constituent le 3ème cercle. Sa taille est flexible : impérativement suffisante, elle est indexée sur le seuil de résistance du reste de la société (le 4ème cercle) dans son acceptation de l’autorité du clan dominant : le chef et ses alliés.
Cet ordre dessiné par la force va considérablement augmenter la charge de travail du 4ème cercle, d’abord dans une proportion à peu près tolérable pour pallier l’allégement voire la dispense totale de la pénibilité des autres membres du groupe, puis de manière autrement plus importante pour satisfaire les exigences et lubies diverses de l’ambition insatiable du clan au pouvoir (construction d’édifices, rêves de grandeur, festins grandioses, etc.)
Le complexe révolutionnaire
Si la présence de quatre zones différentiées est inhérente à toute structure de société,le second cercle est capital dans le schéma d’organisation : c’est lui et lui seul qui marque la rigidité et la stabilité de la structure.
En effet, bien que ce soit le chef qui crée le second cercle pour asseoir son pouvoir sur le groupe, il se retrouve, à terme et dès la création du 3ème cercle, otage de ses alliés. Il ne peut pas et ne peut plus, si tant est qu’il le veuille ou qu’il l’ait voulu, réformer l’ordre social dans le sens d’un allégement de la pénibilité croissante du 4ème cercle, d’une meilleure justice sociale en quelque sorte, qui passerait fatalement par une réduction des avantages du 2ème cercle. Les membres de ce dernier ne manqueraient pas de l’en dissuader par tous les moyens, allant jusqu’à l’éliminer pour le remplacer au pied levé par un des leurs : le plus apte à préserver leurs privilèges. Privilèges dont la constante augmentation a pour conséquence d’accroître la taille du 3ème cercle et d’enfermer le 4ème dans un état d’esclavage. Prisonnier du 2ème cercle dont le clergé est un des piliers, le chef n’est plus qu’une icône : sans autre pouvoir que de donner libre cours à ses frasques.
C’est la nature du second cercle qui imprime la trajectoire de tout processus révolutionnaire (dans le sens de modification de l’ordre social) car tôt ou tard, et plutôt tôt que tard, l’esprit de la révolution, se trouve prisonnier de l’élément stabilisateur de la structure en cercles concentriques, résultante du strict rapport des forces en présence.
Le paradoxe du processus révolutionnaire est que, d’une part, la formation du second cercle est une nécessité incontournable pour pouvoir inscrire la réforme initiale dans la réalité, et d’autre part, que l’existence même du second cercle, conservateur par nécessité et non par nature (pour préserver son seuil de vie), est mortel pour la poursuite de la réforme dans l’esprit de la révolution.
Toute société, de la plus primitive à la plus contemporaine, obéit à ce schéma marqué par le différentiel naturel entre les seuils de survie et de vie des identités qui la composent. Seule la capacité du peuple (4ème cercle) à se résigner ou à se rebeller contre l’ordre établi, parvient à imprimer à l’ensemble de la structure son caractère, allant de la dictature la plus absolue où la violence de la force brute est le critère normatif de fonctionnement et de régulation, à l’état de droit le plus accompli où le seul critère d’arbitrage des conflits est le vote universel et où la séduction dans son affirmation la plus étendue (aptitude à convaincre) est l’unique outil autorisé de libre compétition.
Que l’on fasse usage de violence ou de séduction la plus exquise, cela participe d’une même volonté : accéder au pouvoir, être en capacité de, à seule fin d’optimiser la satisfaction de ses seuils de survie et de vie. Ainsi, parce que nous sommes tous des dictateurs en puissance, le recours à la séduction apparaît pour ce qu’elle est : une stratégie par défaut, produit de la culture.
Nous avons vu que ce que nous appelons liberté est notre capacité à pouvoir contenter nos besoins de quelque ordre qu’ils soient. Notre nature sensible au stress et au bien-être nous indique de facto l’ensemble des besoins qu’il nous faut satisfaire.
Nous les classerons en deux catégories bien distinctes :
a) les besoins de survie, liés au stress : s’alimenter, se prémunir des ,s’abriter des intempéries, échapper aux prédateurs, se défendre de toutes agressions.
b) les besoins de vie, liés au bien-être : jouir, prendre du plaisir sous toutes ses formes : se détendre, s’amuser, s’aimer, consommer, commander, diriger, s’enivrer…
Libres de satisfaire nos besoins, nous cherchons à optimiser notre satisfaction dans les deux sens : réduire notre stress et élever notre bien-être, autant que possible.
Si nos besoins de survie sont prioritaires car vitaux, leur satisfaction est relativement vite atteinte (on ne cherche plus à manger lorsque est repu, le ventre plein). Nous dirons que le seuil de satisfaction des besoins de survie, que nous désignerons par « seuil de survie » est bas.
A l’inverse, si nos besoins de vie sont secondaires, leur satisfaction est difficilement atteinte, rarement en totalité, et jamais tout le temps. Nous dirons que le seuil de satisfaction des besoins de vie, que nous désignerons par « seuil de vie » est haut. En effet, lorsque nous avons du plaisir, nous cherchons à prolonger cette sensation. Lorsque cette sensation de plaisir vient à disparaître, elle nous manque jusqu’à provoquer un début de stress. Du coup, nous cherchons à la reproduire pour deux raisons : évacuer le stress que son manque procure et vouloir la retrouver à nouveau du seul fait de sa mémorisation.
Ce processus de balancement entre stress et plaisir va progressivement s’accentuer en raison du caractère même du plaisir : le plaisir est une drogue, douce peut-être, naturelle sûrement, mais une drogue quand même, avec un vrai pouvoir d’accoutumance. Non seulement nous allons vouloir avoir notre dose de plaisir de plus en plus fréquemment, en plus nous allons vouloir que ces doses soient de plus en plus fortes, plus intenses ; et ce sans répit. De sorte que le seuil de vie, non content d’être haut, est, par nature, en augmentation constante.
La différence nette et profonde, au coeur de notre identité, entre un seuil de survie, bas et limité, et un seuil de vie, haut et sans limites, va orienter le parcours de chacun, et expliquer, à elle seule, toute l’histoire sociale, culturelle, économique et politique de l’humanité entière.
Le seuil de survie étant vital, donc prioritaire, les hommes vont initialement unir leurs forces pour y répondre à moindre coût (alimentation et défense). Ce coût de survie est l’effort consenti, la charge de travail, pour rester vivant : c’est la pénibilité de l’existence. La survie assurée, la vie commence et avec elle la course au plaisir : une course qu’il faudra interrompre pour subvenir -en principe, en groupe- à l’épuisement des ressources alimentaires. Or, chacun voudra, dans son for intérieur, être dispensé de peine, de travail, sans toutefois être privé de consommation. Le problème est que tous en rêvent en même temps, en raison justement de la différentiation naturelle des seuils de survie et de vie. La source du conflit en puissance est là. Il sera résolu par la force dans sa version la plus brutale. Le plus fort du groupe va parvenir, sans en être dispensé totalement, du moins dans un premier temps, à réduire sa pénibilité. Prenant conscience de son avantage, il le met à profit pour accroître son plaisir en bousculant ses semblables pour réduire sa charge de travail et consommer plus de plaisirs. Les plaisirs n’offrant pas la même qualité, il va délaisser ceux qui lui paraissent mièvres pour focaliser son attention sur les plus intenses et notamment sur le plaisir sexuel. Sa force, devenue pilier de son aptitude à satisfaire son bien-être, va même l’amener à passer outre le supposé consentement du partenaire. La dictature est née.
Cette première forme de dictature, isolée et personnelle, ne durera que peu de temps, car le champion du moment se verra constamment « destitué » par un alter ego, avant d’être à son tour remplacé. A terme et immanquablement, elle laissera la place à une seconde forme de dictature, bien plus élaborée, dont l’expression dessinera un nouvel ordre social relativement stable. Cet ordre est organisé en cercles concentriques :
Pour asseoir son pouvoir et lui imprimer un caractère durable voire irréversible, le postulant au rôle de chef constitue des alliés dont la mission est d’optimiser son seuil de satisfaction. En retour, le chef leur assure des avantages conséquents qui, on l’aura compris, sont intimement solidaires de leur aptitude à pouvoir remplir la mission qui leur est confiée. Pour y parvenir, les alliés (2ème cercle) vont à leur tour créer une force de soutien (des troupes) à même d’assurer le maintien d’une organisation socioéconomique garante du respect d’un double-objectif : optimiser le seuil de satisfaction du chef et le leur. Les troupes de maintien de l’ordre, à qui on a fait miroiter quelques avantages substantiels, constituent le 3ème cercle. Sa taille est flexible : impérativement suffisante, elle est indexée sur le seuil de résistance du reste de la société (le 4ème cercle) dans son acceptation de l’autorité du clan dominant : le chef et ses alliés.
Cet ordre dessiné par la force va considérablement augmenter la charge de travail du 4ème cercle, d’abord dans une proportion à peu près tolérable pour pallier l’allégement voire la dispense totale de la pénibilité des autres membres du groupe, puis de manière autrement plus importante pour satisfaire les exigences et lubies diverses de l’ambition insatiable du clan au pouvoir (construction d’édifices, rêves de grandeur, festins grandioses, etc.)
Le complexe révolutionnaire
Si la présence de quatre zones différentiées est inhérente à toute structure de société,le second cercle est capital dans le schéma d’organisation : c’est lui et lui seul qui marque la rigidité et la stabilité de la structure.
En effet, bien que ce soit le chef qui crée le second cercle pour asseoir son pouvoir sur le groupe, il se retrouve, à terme et dès la création du 3ème cercle, otage de ses alliés. Il ne peut pas et ne peut plus, si tant est qu’il le veuille ou qu’il l’ait voulu, réformer l’ordre social dans le sens d’un allégement de la pénibilité croissante du 4ème cercle, d’une meilleure justice sociale en quelque sorte, qui passerait fatalement par une réduction des avantages du 2ème cercle. Les membres de ce dernier ne manqueraient pas de l’en dissuader par tous les moyens, allant jusqu’à l’éliminer pour le remplacer au pied levé par un des leurs : le plus apte à préserver leurs privilèges. Privilèges dont la constante augmentation a pour conséquence d’accroître la taille du 3ème cercle et d’enfermer le 4ème dans un état d’esclavage. Prisonnier du 2ème cercle dont le clergé est un des piliers, le chef n’est plus qu’une icône : sans autre pouvoir que de donner libre cours à ses frasques.
C’est la nature du second cercle qui imprime la trajectoire de tout processus révolutionnaire (dans le sens de modification de l’ordre social) car tôt ou tard, et plutôt tôt que tard, l’esprit de la révolution, se trouve prisonnier de l’élément stabilisateur de la structure en cercles concentriques, résultante du strict rapport des forces en présence.
Le paradoxe du processus révolutionnaire est que, d’une part, la formation du second cercle est une nécessité incontournable pour pouvoir inscrire la réforme initiale dans la réalité, et d’autre part, que l’existence même du second cercle, conservateur par nécessité et non par nature (pour préserver son seuil de vie), est mortel pour la poursuite de la réforme dans l’esprit de la révolution.
Toute société, de la plus primitive à la plus contemporaine, obéit à ce schéma marqué par le différentiel naturel entre les seuils de survie et de vie des identités qui la composent. Seule la capacité du peuple (4ème cercle) à se résigner ou à se rebeller contre l’ordre établi, parvient à imprimer à l’ensemble de la structure son caractère, allant de la dictature la plus absolue où la violence de la force brute est le critère normatif de fonctionnement et de régulation, à l’état de droit le plus accompli où le seul critère d’arbitrage des conflits est le vote universel et où la séduction dans son affirmation la plus étendue (aptitude à convaincre) est l’unique outil autorisé de libre compétition.
Que l’on fasse usage de violence ou de séduction la plus exquise, cela participe d’une même volonté : accéder au pouvoir, être en capacité de, à seule fin d’optimiser la satisfaction de ses seuils de survie et de vie. Ainsi, parce que nous sommes tous des dictateurs en puissance, le recours à la séduction apparaît pour ce qu’elle est : une stratégie par défaut, produit de la culture.
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