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La Syrie n'a pas l'intention de revenir militairement au Liban

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  • La Syrie n'a pas l'intention de revenir militairement au Liban

    A la veille de sa visite en France, Bachar El-Assad a accordé une entrevue à L'Orient-Le Jour, la première à un média libanais depuis plusieurs années.

    L'Orient-Le Jour : Les affrontements actuels entre alaouites et sunnites dans le nord du Liban constituent-ils une menace pour la sécurité de la Syrie ? Sous ce prétexte, celle-ci pourrait-elle revenir militairement au Liban ?

    Bachar El-Assad : Nous n'avons aucune intention de revenir militairement au Liban. Pour entreprendre une action militaire dans un pays, il faut qu'il y ait eu une agression. Or cela ne se produira pas entre le Liban et la Syrie. Tout trouble au Liban, qu'il s'agisse d'un conflit entre alaouites et sunnites, entre sunnites et chiites ou entre musulmans et chrétiens, a des répercussions en Syrie. Mais ce qui se passe actuellement ne s'inscrit pas dans ce cas de figure.

    La Syrie est accusée de faire passer des armes au Hezbollah [mouvement politique et militaire libanais] et elle est stigmatisée par des résolutions internationales. Comment comptez-vous gérer ce dossier ?

    Depuis déjà trois décennies, nous sommes accusés de tout au Liban. Parlons avec réalisme de cette question des armes. D'abord, les armes illégales sont présentes partout dans la région, en Syrie, en Irak et ailleurs. Tout le monde peut se procurer des armes sur les marchés arabes et, en tant qu'Etats, nous ne sommes pas en mesure de contrôler ce trafic. Mais, lorsque nous parlons du trafic d'armes avec le Liban, il s'agit d'armes lourdes et de missiles longs de plusieurs mètres. Comment peut-on transporter ces missiles sur des routes montagneuses, par des voies connues, d'autant qu'au Liban, il n'y a pas de soldats syriens mais un gouvernement et des services de sécurité hostiles à la Syrie, ainsi que des services du monde entier venus pour surveiller les frontières avec notre pays, sans oublier les avions israéliens qui photographient en permanence le secteur ? Comment pourrions-nous faire passer ces missiles au nez et à la barbe de tout ce monde ? Tout au long des trois dernières années, nul n'a réussi à fournir le moindre indice concret sur l'existence de ce trafic, alors qu'ils parlent de milliers de missiles, non d'un ou deux.

    Vous aviez évoqué, dans votre discours d'investiture de 2007, une loi moderne sur les partis. Quand sera-t-elle promulguée ?

    C'est vrai, je l'ai évoquée. J'avais aussi dit que nous étions en retard, car nous avions annoncé cette loi en 2005. Mais cette même année, les grands problèmes de la Syrie ont commencé. La montée de l'extrémisme et la pauvreté ainsi que les pressions internationales nous ont poussés à modifier nos priorités. Notre principal souci a été la sécurité et la situation économique. Nous avons dû faire face à de nombreux problèmes, dont le bombardement du site syrien par Israël. Aujourd'hui, nous avons quatre projets : une loi sur les partis, une loi électorale, une loi sur l'administration locale et l'élargissement de la participation parlementaire par le biais de la création d'une sorte de Sénat. Je crois que 2009 sera une année productive en ce domaine.

    Quand le dossier des détenus libanais en Syrie sera-t-il fermé ? Ne pensez-vous pas qu'il est temps de le faire, ne serait-ce que pour des raisons humanitaires ?

    C'est ce que j'ai moi-même dit à Nagib Mikati [ancien Premier ministre libanais] en 2004. Nous avons proposé la formation d'une commission conjointe. Les Libanais parlent de quelques dizaines de détenus, mais nous avons 800 disparus syriens au Liban. J'ai libéré les détenus libanais dans nos prisons lorsque j'ai été élu président. Soyons logiques. Que ferions-nous des prisonniers libanais ? Nous les maintiendrions pour effectuer un échange ? Si les détenus sont morts, nous le dirons, et s'ils sont morts au Liban alors que nos soldats y étaient et que nous avons des informations, nous le dirons aussi. Nous pourrons en parler avec le nouveau gouvernement libanais.

    Pourquoi avez-vous encore des prisonniers politiques dans vos geôles ?

    A ceux qui parlent de prisonniers politiques, je voudrais demander la signification de cette expression. Les terroristes sont-ils des prisonniers politiques ? Ceux qui mettent en cause la sécurité de leur pays sont-ils des prisonniers politiques ? Nous avons dans nos prisons des terroristes et des individus qui ont menacé la sécurité nationale. Il faut cesser de regarder notre situation avec les seuls critères occidentaux. Il faut nous voir à travers notre réalité sociale et nos problèmes. En tout cas, nul n'a relevé le fait que nous avons libéré des milliers de Frères musulmans qui avaient accompli des actes contre la sécurité nationale dans les années 1980. On parle de dix prisonniers et l'on omet les milliers libérés. Cela ne signifie pas que nous sommes parfaits et que nous avons atteint un degré élevé de démocratie. Nous accomplissons des pas étudiés dans le sens de la démocratie. C'est un long chemin et nous en sommes encore qu'au début.

    La Syrie pourrait signer un accord avec Israël sans attendre le volet palestinien ?

    Si Israël répond à nos revendications et restitue aux Syriens tous leurs droits, nous ne pouvons pas refuser de signer un accord. C'est pourquoi nous devons faire une distinction entre la signature d'un accord avec Israël et la réalisation de la paix. La paix reste tributaire de questions importantes comme celle des 500 000 réfugiés palestiniens en Syrie et des 500 000 autres au Liban. Je peux dire que nous ne serons pas heureux de signer un accord sur le seul volet syrien. C'est pourquoi la France devrait inciter à un accord sur tous les volets.

    Comptez-vous reprendre la coopération sécuritaire avec les Etats-Unis pour la lutte contre le terrorisme ?

    C'est moi qui ai lancé des relations sécuritaires avec les Etats-Unis. Cette coopération a permis de sauver de nombreuses vies humaines, notamment celles de soldats américains dans les pays du Golfe. Nous avions alors envoyé des informations à un Etat du Golfe qui a, lui, effectué le travail nécessaire. Le problème de la coopération sécuritaire avec les Etats-Unis, et je l'ai dit à de nombreuses personnalités américaines qui m'ont rendu visite, c'est qu'ils ont beaucoup d'informations mais manquent de savoir-faire. J'ai dit aux Américains qu'ils ne seront pas capables de conduire, seuls, la lutte contre le terrorisme. Il faut une coopération générale et nous, nous pouvons aider. De plus, à chaque fois que nous fournissions des informations, les Américains avaient une attitude négative. Nous avons alors décidé de rompre cette coopération au début de 2004. Ils ont essayé à plusieurs reprises de la renouer. Mais notre position est claire : pas de coopération sécuritaire sans relation politique. Nous en sommes là aujourd'hui.

    Propos recueillis par Scarlett Haddad L'Orient-Le Jour, Courrier International
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