VU D’ABOU DHABI • Les Arabes se couchent devant l’Europe
L’Union pour la Méditerranée proposée par Sarkozy n’est qu’une tentative grossière pour accroître l’influence française, estime-t-on dans le Golfe.
Afin de se mettre en avant et de se présenter comme le moteur du renouveau politique, Nicolas Sarkozy a annoncé – au début de son mandat – son intention de créer une union entre les pays riverains de la Méditerranée. Le but était entre autres de contourner le problème de l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne en lui offrant une place ailleurs, à côté. Mais le président français a dû faire des concessions à ses alliés européens, qui ont demandé que tous les pays de l’UE puissent y adhérer et que le projet s’inscrive dans le cadre du bon vieux processus de Barcelone, lancé en 1995 et qui constitue le principal cadre juridique et politique européen en Méditerranée.
On nous dit que cette Union comblera le fossé grandissant entre les deux rives par la mise en chantier de projets concrets de coopération en matière économique, écologique, migratoire, de sécurité et d’échanges culturels. Autrement dit, les points de divergence tels que le conflit israélo-arabe, les droits de l’homme et la démocratie seront laissés sur l’étagère. Cela dit, l’objectif principal de Paris est de retrouver son rang dans une région qui est peut-être en train d’échapper à son influence. Dans sa compétition régionale avec Washington, la France joue non seulement sur ses liens linguistiques et économiques, mais également sur les aspects historiques. Les discours sur l’identité méditerranéenne sont destinés à détourner l’attention du fait que ses investissements sont insuffisants et inadéquats. C’est exactement le même procédé que celui des Américains qui défendaient leur projet de Grand Moyen-Orient par des discours sur la démocratisation du monde arabe.
Or les autres pays européens, et notamment l’Allemagne, n’acceptent pas cette propension française à accaparer la Méditerranée à son seul profit. Ils ont donc insisté pour y participer également. Quant aux neuf pays arabes candidats à l’adhésion et dont les représentants se sont réunis au Caire le 25 mai dernier afin de mettre au point une position commune, ils ne font pas le poids face à l’Europe. Les pays arabes veulent adhérer parce qu’ils espèrent un soutien économique afin de tenir en ces temps de dégradation des conditions de vie et de mécontentement populaire. Ils espèrent, de surcroît, obtenir le silence occidental sur la corruption et le gaspillage des ressources qui est le lot commun de ces régimes. Mais, ce faisant, ils signent la mort de tout projet de coopération régionale interarabe. Peu leur importe que cette Union soit un coup porté à la Ligue arabe. Peu leur importe qu’elle constitue un moyen de les diviser, entre ceux qui en seront membres et ceux qui en seront exclus, entre ceux qui acceptent de coopérer avec Israël et ceux qui ne l’acceptent pas.
Dans leur empressement à rechercher les faveurs européennes, ils n’essaient même plus de sauver la face. Puisque tous les membres de l’UE y participent, ils auraient pu insister, de leur côté, sur l’adhésion de tous les membres de la Ligue arabe. Puisque la Finlande, l’Allemagne, la Belgique et la Grande-Bretagne en seront membres, pourquoi pas le Yémen, l’Irak, l’Arabie Saoudite ou le Soudan ? Il ne s’agit pas de faire le procès des Français ou des Européens, qui défendent leurs intérêts. Il s’agit de dénoncer le fait que les Arabes acceptent de se coucher devant des puissances étrangères qui cherchent à se tailler des zones d’influence en créant des regroupements régionaux.
Burhan Ghalioun
Al-Ittihad
Source : http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=86532
L’Union pour la Méditerranée proposée par Sarkozy n’est qu’une tentative grossière pour accroître l’influence française, estime-t-on dans le Golfe.
Afin de se mettre en avant et de se présenter comme le moteur du renouveau politique, Nicolas Sarkozy a annoncé – au début de son mandat – son intention de créer une union entre les pays riverains de la Méditerranée. Le but était entre autres de contourner le problème de l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne en lui offrant une place ailleurs, à côté. Mais le président français a dû faire des concessions à ses alliés européens, qui ont demandé que tous les pays de l’UE puissent y adhérer et que le projet s’inscrive dans le cadre du bon vieux processus de Barcelone, lancé en 1995 et qui constitue le principal cadre juridique et politique européen en Méditerranée.
On nous dit que cette Union comblera le fossé grandissant entre les deux rives par la mise en chantier de projets concrets de coopération en matière économique, écologique, migratoire, de sécurité et d’échanges culturels. Autrement dit, les points de divergence tels que le conflit israélo-arabe, les droits de l’homme et la démocratie seront laissés sur l’étagère. Cela dit, l’objectif principal de Paris est de retrouver son rang dans une région qui est peut-être en train d’échapper à son influence. Dans sa compétition régionale avec Washington, la France joue non seulement sur ses liens linguistiques et économiques, mais également sur les aspects historiques. Les discours sur l’identité méditerranéenne sont destinés à détourner l’attention du fait que ses investissements sont insuffisants et inadéquats. C’est exactement le même procédé que celui des Américains qui défendaient leur projet de Grand Moyen-Orient par des discours sur la démocratisation du monde arabe.
Or les autres pays européens, et notamment l’Allemagne, n’acceptent pas cette propension française à accaparer la Méditerranée à son seul profit. Ils ont donc insisté pour y participer également. Quant aux neuf pays arabes candidats à l’adhésion et dont les représentants se sont réunis au Caire le 25 mai dernier afin de mettre au point une position commune, ils ne font pas le poids face à l’Europe. Les pays arabes veulent adhérer parce qu’ils espèrent un soutien économique afin de tenir en ces temps de dégradation des conditions de vie et de mécontentement populaire. Ils espèrent, de surcroît, obtenir le silence occidental sur la corruption et le gaspillage des ressources qui est le lot commun de ces régimes. Mais, ce faisant, ils signent la mort de tout projet de coopération régionale interarabe. Peu leur importe que cette Union soit un coup porté à la Ligue arabe. Peu leur importe qu’elle constitue un moyen de les diviser, entre ceux qui en seront membres et ceux qui en seront exclus, entre ceux qui acceptent de coopérer avec Israël et ceux qui ne l’acceptent pas.
Dans leur empressement à rechercher les faveurs européennes, ils n’essaient même plus de sauver la face. Puisque tous les membres de l’UE y participent, ils auraient pu insister, de leur côté, sur l’adhésion de tous les membres de la Ligue arabe. Puisque la Finlande, l’Allemagne, la Belgique et la Grande-Bretagne en seront membres, pourquoi pas le Yémen, l’Irak, l’Arabie Saoudite ou le Soudan ? Il ne s’agit pas de faire le procès des Français ou des Européens, qui défendent leurs intérêts. Il s’agit de dénoncer le fait que les Arabes acceptent de se coucher devant des puissances étrangères qui cherchent à se tailler des zones d’influence en créant des regroupements régionaux.
Burhan Ghalioun
Al-Ittihad
Source : http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=86532
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