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Jeux Olympiques - Les Chinois détestent le sport !

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  • Jeux Olympiques - Les Chinois détestent le sport !

    A quelques semaines de l’ouverture des JO à Pékin, Le Point est allé voir comment se préparent les athlètes chinois. Surprise.

    «Souffrir. Gagner du plaisir dans la souffrance. » La banderole blanche s’étale sur les murs du centre national d’entraînement de l’équipe chinoise d’escrime, dans le nord de Pékin. Au milieu de la salle, vaste comme deux terrains de basket, l’entraîneur en chef des sabreurs chinois, le Français Christian Bauer, tranche dans le décor par ses manières d’amuseur public, ses clins d’oeil et ses efforts maladroits à parler avec les mains. Depuis qu’il a posé ses malles en août 2006, à l’invitation des autorités sportives du pays, Christian Bauer a usé de trésors de patience pour préparer ses troupes à monter sur un podium olympique. « Ils connaissaient tout de la souffrance, dit-il. Je leur ai enseigné le sens du mot plaisir. »
    En débarquant en Chine, le maître d’armes pensait faire connaissance avec une équipe de sabreurs remontés comme des coucous. Il a découvert des sportifs traînant les pieds à l’entraînement. « Sur mon groupe de 20 athlètes, tous étaient blessés , raconte-t-il. La faute au surentraînement. Ils ne prenaient jamais de repos. Ma première décision a été de les renvoyer deux semaines chez eux. On m’a convoqué immédiatement pour m’expliquer que mon boulot ne consistait pas à donner des vacances à mes escrimeurs. »
    En Chine, la condition d’athlète de haut niveau s’accommode mal de passion. Un ancien coach de l’équipe féminine de basket-ball confie que trois ou quatre de ses joueuses lui ont avoué un jour « détester ce sport ». Sabreur, rameur, cycliste ou haltérophile, peu importe, sportif est d’abord un métier. Un gagne-pain parfois subi comme une contrainte, rarement choisi. La meilleure sabreuse du pays, Xue Tan, médaillée d’argent aux Jeux d’Athènes, pratiquait le triple saut et s’y tricotait des rêves olympiques. Un matin, un entraî eur de son académie des sports lui a montré du doigt le chemin de la salle... d’escrime, lui expliquant que son quotidien se vivrait désormais en plastron. Li Chao Bin, un professeur de tai-chi à l’université de Pékin, raconte avoir embrassé il y a vingt ans une carrière de décathlonien pour « quitter [son] village, [s] ’assurer d’un métier et toucher un salaire du gouvernement ». Il en a fait un job, s’entraînant quatre heures par jour, avec la même assiduité forcée qu’un ouvrier du bâtiment. « Pour nous, le sport n’a pas d’autre raison d’être que se sentir bien dans sa peau, avec les autres, être capable de monter sur la colline ou faire du tai-chi devant sa télévision. Les notions de défi ou de dépassement de soi ne nous intéressent pas. »
    Usines à champions.
    Le métier d’athlète s’enseigne à la chinoise. En jouant sur le nombre. Dans les 3 000 académies des sports que compte le pays, 400 000 enfants et adolescents s’entraînent deux fois par jour, six ou sept jours par semaine, douze mois par an. « Espérer continuer ses études est illusoire, car le temps manque et les entraîneurs ne le voient pas d’un bon oeil », explique Hongyan Pi, numéro un française de badminton, qui a obtenu sa naturalisation en 2004. La majorité de ceux qui sortent de ces usines à champions se mettent ensuite au service d’une ville, d’une province ou du gouvernement.
    Les 10 000 escrimeurs que compte la Chine sont tous professionnels. Au sommet de la pyramide, les centres nationaux enferment les meilleurs comme on protège un trésor. A Pékin, les athlètes en lice pour les Jeux reçoivent de 800 à 1 000 euros par mois, quatre à cinq fois le salaire moyen. Xue Tan, la meilleure chance de médaille d’or en escrime, aurait signé pour environ 100 000 euros de contrats publicitaires. Mais la jeune femme est contrainte d’en reverser les deux tiers à sa fédération.
    Depuis l’attribution à la Chine des Jeux de 2008, le gouvernement a dépensé l’équivalent de 12 milliards d’euros pour préparer l’événement et ses athlètes. Le budget annuel du ministère des Sports a été presque doublé, pour atteindre 450 millions d’euros. « J’ai eu tout ce que je voulais, avoue Christian Bauer. Trois étages consacrés à l’escrime, 12 pistes, dont 3 répliques exactes de celles qui seront utilisées aux Jeux, et un équipement vidéo dernier cri sur lequel nous pouvons simuler les conditions de la compétition. »
    A l’entraînement, la quantité de travail prime sur la qualité de l’effort. Les charges dépassent la raison, la récupération ne fait pas partie du vocabulaire. « Avant mon arrivée, les sabreurs bossaient tous les jours de l’année, mais ils répétaient sans cesse les mêmes exercices, se souvient le maître d’armes français. Je leur ai appris à se fixer un objectif et à l’atteindre avec souffrance et passion. Aujourd’hui, ils rigolent à l’entraînement, ce que les dirigeants n’apprécient pas. Ils me font souvent remarquer que mes sabreurs ne doivent pas travailler très dur, puisqu’ils ont le sourire. » Li Chao Bin, l’ancien décathlonien, justifie cette préparation de forçat : « Nous sommes moins forts, sur le plan athlétique, que les Occidentaux . Pour compenser, il nous faut travailler plus. Et ça, nous savons le faire mieux que les autres. C’est notre principale qualité. » Et de glisser après un long silence : « Aujourd’hui, je ne cours plus, je n’en ai plus envie . L’athlétisme m’a cassé de partout, aux genoux, au dos et aux épaules... »
    Selon le China Sports Daily, premier quotidien sportif du pays, près de 80 % des anciens athlètes chinois souffrent de problèmes de santé chroniques ou sont touchés par le chômage et la pauvreté. Hongyan Pi a traversé une année de dépression après avoir été renvoyée dans sa province, les entraîneurs du centre national d’entraînement du badminton l’ayant soudain jugée trop petite pour espérer monter sur un podium olympique. « Tout s’est écroulé , se souvient-elle. J’avais tout sacrifié à mon sport, à commencer par mes études, et je me retrouvais du jour au lendemain sans la moindre perspective. »
    Des Championnats du monde, en septembre 2007 à Saint-Pétersbourg, les sabreurs de Christian Bauer n’ont rapporté qu’une modeste médaille d’argent. L’entraîneur ne s’en est pas inquiété, persuadé que l’échec pourrait accoucher d’un succès olympique. Il a même accordé à toute l’équipe dix jours de vacances. Mais, à leur retour à Pékin, les escrimeurs ont été consignés plusieurs jours dans leur centre national. Ils n’ont pu en sortir qu’après avoir avoué par écrit leurs fautes. Heureusement, leur parcours aux Jeux asiatiques a été triomphal. Christian Bauer le sait : « Dans le cas contraire, je ne serais plus là. ».

    Le point
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