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Avec un baril à 200 dollars

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  • Avec un baril à 200 dollars

    L’onde du troisième choc pétrolier n’épargnera personne. Des Etats seront gagnants et d’autres perdants. Et les Occidentaux devront changer leur manière de vivre.

    Les Etats-Unis ont vécu ce printemps un moment historique. A presque 4 dollars le gallon d’essence [soit.0,68 euro le litre], les Américains, connus pour ne pas regarder à la dépense, ont dû vite changer leurs habitudes. Aujourd’hui, ils prennent moins la voiture, utilisent davantage les transports en commun et achètent moins de véhicules gourmands en carburant. Ils réfléchissent d’ailleurs beaucoup plus avant d’acheter quoi que ce soit et ont perdu de leur superbe en tant que consommateurs. Ils ne se comportent peut-être pas comme des Suédois, mais plus tout à fait comme des Américains non plus. Et cette mutation pourrait changer le monde.
    D’autres bouleversements sont à venir. Pour l’instant, le choc des prix a provoqué des modifications dans le comportement des consommateurs, qui sont particulièrement visibles aux Etats-Unis. Les Européens étaient déjà plus écolos et sont aussi préservés de la flambée du pétrole par une monnaie plus forte. Les Asiatiques sont protégés par des subventions qui amortissent les répercussions sur les prix à la pompe. Mais, si le pétrole continue à augmenter et si le rempart des subventions cède – ce qui est probable [certains pays viennent de commencer] –, la révolution énergétique qui est aujourd’hui en train de transformer les Etats-Unis fera tache d’huile. On s’en est bien sortis avec un baril à 80 dollars, déclare Daniel Yergin, auteur de Les Hommes du pétrole et président de Cambridge Energy Research Associates (CERA) [société américaine de conseil dans le secteur de l’énergie], mais cela ne veut pas dire qu’on fera de même avec un baril à 200 dollars. Des prix de cet ordre auraient des conséquences énormes à l’échelle mondiale.
    Il y a un an, personne ne parlait d’un baril à 200 dollars [130 euros]. Aujourd’hui, cette possibilité effrayante alimente les conversations sur tous les marchés. Le prix du pétrole est passé de 10 dollars en 1999 à 95 dollars l’année dernière, mais cela n’a pas ralenti l’économie mondiale, et ce en grande partie parce que les marchés croyaient que ce pic était surtout dû à la progression de la demande (surtout en Inde et en Chine). Et la demande alimente la croissance. On s’inquiétait aussi de l’état des réserves, mais cela n’avait rien à voir avec l’affolement provoqué par l’étau imposé au monde par l’OPEP dans les années 1970, du moins jusqu’à récemment.
    L’Inde et la Chine risquent de devenir des exportateurs d’inflation
    Cependant, le baril a continué d’augmenter ces derniers mois, frôlant même 140 dollars le 16 juin, et le pessimisme a commencé à s’installer : maintenant, on pense de plus en plus que non seulement la demande à long terme, alimentée par la Chine et l’Inde, continuera à augmenter, mais que les menaces qui pèsent sur l’approvisionnement – recrudescence des conflits, baisse des investissements, ralentissement de l’industrie et estimations revues à la baisse des réserves des principaux pays producteurs de pétrole – ne vont pas disparaître de sitôt. Aujourd’hui, beaucoup de gens sérieux (mais pas tous) croient en la possibilité d’un baril à 200 dollars et à celle d’un nouveau choc pétrolier comparable à celui des années 1970. Selon la banque d’affaires Goldman Sachs, le seuil des 200 dollars pourrait être atteint d’ici six à vingt-quatre mois.
    Il s’agit d’une échéance trop proche pour être confortable, même pour ceux qui voient dans la flambée du pétrole un bon moyen d’inciter à économiser l’énergie et à lutter contre le réchauffement planétaire. L’envolée des prix cause déjà des difficultés réelles aux gens, menace la croissance de l’économie mondiale et fait resurgir le spectre de l’inflation. La pression financière se fait particulièrement sentir aujourd’hui dans les grands marchés émergents comme l’Inde et la Chine, devenues ces dernières années des modèles de rigueur budgétaire et qui ont freiné l’inflation mondiale en exportant des produits et des services bon marché.
    Or ces pays menacent maintenant de devenir des exportateurs d’inflation, surtout si les mécanismes qui régulent les prix de l’énergie viennent à se rompre. Les Américains, qui aujourd’hui compensent leurs dépenses à la pompe en se ruant chez Wal-Mart pour acheter des produits chinois bon marché, se retrouveront Gros-Jean comme devant. Ne nous leurrons pas : si le baril atteint 200 dollars en 2009, ce sera un choc douloureux, et pas seulement une sorte de taxe écologique sur les voitures qui consomment beaucoup.
    Le pétrole fait tourner une si grande partie de l’économie mondiale qu’il est presque impossible d’imaginer un monde où le baril coûterait 200 dollars. Une chose est sûre : cela forcera les pays à devenir plus écolos beaucoup plus vite, notamment en économisant l’énergie et en exploitant de nouveaux combustibles non fossiles. Mais, comme rien de cela ne se fera dès 2009, les prévisions tendent à être sinistres : certains analystes annoncent une régionalisation du commerce et même un renversement du processus de mondialisation, parce que les coûts des transports augmenteront tellement qu’il sera trop cher de faire faire de longues distances à bon nombre de produits.
    Le transfert des richesses qui, ces cinq dernières années, a vu passer des milliards de pétrodollars de la poche des consommateurs de carburant à celle des producteurs s’accélérera brutalement, modifiant l’équilibre des pouvoirs dans le monde. Certaines nations, dont ces autocraties pétrolières gênantes que sont l’Iran, le Venezuela et la Russie, monteront en puissance. Selon Stephen Jen, de la banque Morgan Stanley, si le baril atteint 200 dollars, les réserves prouvées des six pays du Golfe vaudront à elles seules 95 milliards de dollars, soit environ deux fois la valeur de toutes les actions cotées sur les marchés mondiaux.
    Quelques optimistes pensent que cette manne, si elle est bien investie, peut faire entrer le Moyen-Orient dans le monde moderne, mais rien n’est moins sûr. Beaucoup de petits pays ont déjà du mal aujourd’hui à investir à bon escient les bénéfices tirés du pétrole, et l’on sait bien que ce type de richesse est souvent une malédiction et qu’elle corrompt tout. Selon Michael L. Ross, professeur de sciences politiques à l’université de Californie (UCLA), le pourcentage de guerres qui se livrent dans des pays pétroliers progresse. Le nombre de pays producteurs de pétrole est également en augmentation – le Cambodge, le Timor-Oriental et d’autres en font maintenant partie –, et de nouveaux pays vont venir allonger la liste au fur et à mesure que les prix grimperont. Beaucoup de ces nouveaux venus sont trop petits et mal armés pour résister à la corruption, qui leur fera gaspiller les bénéfices.

    A suivre...

  • #2
    Suite...

    La confiance des consommateurs américains est au plus bas
    Aucun secteur d’activité ne sera épargné. Toutes les entreprises qui déplacent des marchandises ou des personnes ont besoin de pétrole. Un baril à 200 dollars pourrait causer la mort, annoncée depuis longtemps, de Detroit ou du moins de l’une de ses Big Three [General Motors, Ford et DaimlerChrysler]. Les compagnies aériennes sont également menacées. American Airlines a déjà annoncé une diminution du nombre de vols à cause de l’immobilisation d’un grand nombre de ses avions moins récents, gros consommateurs de kérosène. Air France-KLM a récemment prévenu que ses bénéfices risquaient de diminuer de 30% cette année ; selon son PDG, Jean-Cyril Spinetta, un baril à 200 dollars provoquerait un choc bien plus grand que les attentats du 11 septembre 2001 ou que l’épidémie de SRAS en 2003, qui avaient entraîné un effondrement du transport aérien. Plus qu’un changement, ce serait une révolution ou plutôt le début d’une nouvelle industrie, affirme-t-il. En Europe, aux Etats-Unis et en Asie, beaucoup de compagnies feraient faillite. Il y aurait également une restructuration des réseaux, avec une réduction du nombre de liaisons et des capacités. En conséquence, les petites villes de Toscane ou du Midwest américain pourraient se retrouver avec des aéroports fantômes.
    Aux Etats-Unis, la confiance des consommateurs n’a jamais été aussi faible depuis quinze ans. La consommation de carburant du pays devrait diminuer cette année pour la première fois depuis 1991. Aucune prime ne semble capable de changer les choses : selon la Citibank, même si les prix ne montent plus, l’augmentation en glissement annuel de la facture américaine d’essence engloutira les 120 milliards de dollars que devraient représenter les récentes réductions d’impôt. A cause de la hausse des prix des produits alimentaires et de l’essence, les gens regarderont davantage à la dépense. Il n’est pas étonnant que des grandes surfaces comme ­Wal-Mart annoncent des bénéfices trimestriels record et que les chaînes de magasins de moyenne surface soient en difficulté.
    Ces tendances devraient également bientôt toucher l’Europe. Les Allemands commencent déjà à ralentir sur l’Autobahn [l’autoroute] pour économiser l’essence, qui est passée de.0,92 à 1,53 euro le litre depuis l’an 2000 (soit une hausse de 66%). Selon les analystes, plus les Européens dépenseront en carburant, moins ils dépenseront en meubles, vêtements et électroménager. Les ventes de ces produits sont d’ailleurs déjà en baisse.
    Le commerce mondial se réorganisera par régions
    Les décisions que nous prendrons individuellement sur le type de voiture que nous conduisons, la fréquence de nos voyages en avion et le temps que nous attendrons avant de changer de téléviseur ne représentent qu’une partie de la menace macroéconomique plus vaste que fait peser la hausse du prix du pétrole. Cette menace doit encore être officiellement prise en compte. Les grands organismes financiers comme Morgan Stanley viennent seulement de commencer à étudier sérieusement les effets qu’aurait un baril à 200 dollars sur l’économie mondiale. Il est déjà évident que le pétrole accélère l’inflation aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres : elle va probablement atteindre 5% cet été aux Etats-Unis et environ 3% en Europe. Mais, dans les pays émergents, une inflation à deux chiffres pourrait devenir la norme. Si vous pensez que les choses ne vont pas être faciles dans les pays industrialisés, imaginez ce qui va se passer dans les pays en voie de développement, où les gens dépensent 50% de leurs revenus en nourriture et en essence, déclare Richard ­Berner, chef économiste Etats-Unis chez Morgan Stanley.
    Certains craignent même que la hausse du pétrole, en obligeant beaucoup de pays asiatiques à réduire (voire à supprimer) leurs subventions au carburant, ne fasse chuter la croissance et ne provoque des troubles sociaux à cause du désespoir qui s’abattra sur les populations les plus pauvres. Les répercussions politiques (certains se détournent déjà du libre-échange), associées au fait qu’il sera de plus en plus cher de continuer comme si de rien n’était, pourraient entraîner un renversement de la mondialisation. A 200 dollars le baril, les coûts des transports augmenteront tellement que la libéralisation du commerce effectuée ces trente dernières années s’inversera, annonce Jeff Rubin, économiste en chef de CIBC World Markets. Selon lui, le commerce mondial se réorganisera par régions. Le Japon continuera à faire venir des produits de Chine, mais les Etats-Unis importeront de plus en plus d’Amérique latine. Il s’est passé la même chose entre 1973 et 1979 [années des deux chocs pétroliers], explique-t-il. La part des importations des Etats-Unis en provenance d’Amérique latine et des Caraïbes a augmenté de 6%, simplement à cause des coûts de transport.
    La régionalisation ne s’arrêtera pas au commerce. De nouvelles plates-formes financières et de services verront le jour dans les zones riches en pétrole, comme la Russie, l’Amérique latine et les pays du Golfe. Les fonds souverains continueront à acheter de grosses parts des banques occidentales et des grandes entreprises, et investiront dans une palette plus vaste de pays et de monnaies. L’essor des fonds souverains a déjà déclenché des réactions protectionnistes : les Etats-Unis, par exemple, veulent imposer des enquêtes plus fouillées sur les étrangers qui investissent dans des entreprises américaines.
    Des conflits autrement plus graves risquent d’éclater. La montée en puissance de régions comme le Moyen-Orient, l’Afrique, la Russie et le Venezuela va provoquer un décuplement de l’avidité énergétique et la multiplication des comportements agressifs et des actions néocoloniales de plusieurs pays, prédit Scott Nyquist, responsable du département énergie du consultant McKinsey. Si l’Iran s’enrichit, le Hezbollah pourrait devenir plus fort. La Chine aura davantage de pouvoir en Afrique. Les idées défendues par l’Occident en matière de société civile, d’environnement et de droits des femmes pourraient être remplacées par de nouvelles valeurs.
    Il y aura certainement davantage de sang versé. L’argent du pétrole fait souvent des ravages dans l’économie et la politique d’un pays en décourageant la diversité, envenimant les conflits ethniques et facilitant le financement d’insurrections. Environ un tiers des guerres civiles qui se déroulent sur la planète ont lieu aujourd’hui dans des pays pétroliers, contre un cinquième en 1992. Un cycle vicieux s’instaure, comme on le voit dans des pays comme l’Irak et le Nigeria : les conflits font monter les prix, et les prix élevés alimentent à leur tour les conflits, précise Michael L. Ross.

    Rana Foroohar avec Barrett Sheridan à New York, Keith Naughton à Detroit, Stefan Theil à Berlin, Michael Freedman à Paris et George Wehrfritz à Hong Kong.
    Newsweek (Etats-Unis)
    Le 09-06-2008

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    • #3
      "Beaucoup de petits pays ont déjà du mal aujourd’hui à investir à bon escient les bénéfices tirés du pétrole, et l’on sait bien que ce type de richesse est souvent une malédiction et qu’elle corrompt tout."

      ....................................

      L'augmentation du baril ne touchera pas seulement les pays non producteurs.

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      • #4
        Oui mais c'est mieux d'éviter cette augmentation !
        ?

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