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Vers une stagflation mondiale ?

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  • Vers une stagflation mondiale ?

    La tendance générale à l'inflation qui se manifeste actuellement va-t-elle conduire à un ralentissement économique mondial ? Ou pire encore, va-t-elle entraîner la stagflation, cette combinaison létale de poussée inflationniste et de croissance négative ?

    L'inflation se manifeste déjà dans nombre d'économies avancées et de marchés émergents et l'on observe les premiers signes d'une possible contraction économique dans beaucoup de pays avancés (USA, Royaume-Uni, Espagne, Irlande, Italie, Portugal et Japon). Dans les marchés émergents, l'inflation était jusqu'à présent associée à la croissance et même à la surchauffe. Mais une contraction économique aux USA et dans les autres pays avancés pourrait avoir une conséquence opposée dans les pays émergents. La contraction américaine freine la croissance et l'inflation pousse les autorités monétaires à resserrer leur politique monétaire et à être plus strict en matière de crédit. Cette situation pourrait induire une légère stagflation dans les marchés émergents : une montée de l'inflation accompagnée d'une baisse brutale de la croissance.

    La stagflation suppose un effondrement de l'offre, avec pour conséquence une hausse des prix et une diminution de la production. Lors des 35 dernières années, des chocs stagflationnistes ont entraîné par trois fois une récession mondiale : en 1973-75 avec la flambée des prix du pétrole après la guerre du Kippour et l'embargo de l'OPEP, en 1979-80 après la révolution iranienne et en 1990-91 après l'invasion du Koweït par l'Irak. Même la récession de 2001 - déclenchée avant tout par l'éclatement de la bulle Internet - s'est accompagnée de la multiplication par deux du prix du pétrole après le début de la deuxième intifada palestinienne contre Israël.

    Aujourd'hui, une attaque israélienne contre les installations nucléaires iraniennes pourrait déclencher une stagflation. Ce risque géopolitique a augmenté depuis quelques semaines avec l'inquiétude que les intentions iraniennes suscitent en Israël. Une attaque israélienne provoquerait une hausse brutale du prix du pétrole, bien au-dessus de 200 dollars le baril, ce qui entraînerait une récession mondiale, comparable à celles de 1973, 1979 et 1990. D'ailleurs, la hausse récente du prix du pétrole est due en partie à ce risque.

    Mais sans effondrement de l'offre, une stagflation mondiale est-elle possible ? Entre 2004 et 2006, la croissance mondiale était forte tandis que l'inflation était faible en raison de l'augmentation de l'offre (liée au gain la productivité et à l'accroissement de la capacité de production de l'Inde, de la Chine et des pays émergents).

    Cette augmentation de l'offre a été suivie à partir de 2006 par une augmentation de la demande mondiale : la croissance rapide de la «Chindia» et des autres marchés émergents a commencé à pousser à la hausse les prix de diverses matières premières. La forte croissance de 2007 a marqué le début d'une inflation mondiale, un phénomène qui à quelques exceptions près (le net ralentissement aux USA et dans quelques économies avancées) se prolonge en 2008.

    Sans une diminution brutale de l'offre, une stagflation mondiale est donc improbable. La récente hausse du pétrole et d'autres matières premières tient à différents facteurs :

    •Une augmentation de la demande pour ces produits dans des pays émergents qui connaissent une croissance rapide et une forte urbanisation au moment où l'instabilité politique et des capacités limitées restreignent leur offre.

    •La chute du dollar qui augmente le prix du baril exprimé en dollars au moment où le pouvoir d'achat baisse dans les pays exportateurs qui ont une autre devise que le dollar.

    •L'utilisation de matières premières comme actif par les investisseurs, ce qui alimente à la fois la demande à des fins spéculatives et la demande à long terme.
    •L'utilisation de la terre pour produire des biocarburants au détriment de la surface destinée à la production purement agricole.

    •Le relâchement de la politique monétaire américaine, suivi d'un relâchement de la politique monétaire dans des pays dont la devise était liée au dollar par un taux fixe (les pays du Golfe par exemple) ou qui maintiennent leur devise sous-évaluée pour favoriser la croissance par les exportations (c'est le cas de la Chine et d'autres membres informels de ce que l'on appelle la zone dollar Bretton Woods 2). Cela a nourri une nouvelle bulle des actifs dans les matières premières et une surchauffe de l'économie de ces pays.

    La plupart de ces facteurs s'apparentent à une hausse de la demande mondiale, ce qui devrait se traduire par une surchauffe économique et une accélération de l'inflation mondiale.

    La politique des taux de change joue un rôle clef. Des surplus importants de la balance des comptes courants et/ou des contrats commerciaux de plus en plus avantageux supposent que le taux de change réel d'équilibre (le prix des biens étrangers par rapports aux biens intérieurs) augmente dans des pays comme la Chine ou la Russie. Aussi, à la longue, il faut que le taux de change réel se rapproche - au moyen d'une réelle appréciation - du taux d'équilibre (qui lui est supérieur). Si le taux de change nominal ne permet pas une appréciation, seule une augmentation de l'inflation intérieure permet une réelle appréciation.

    Aussi, le meilleur moyen de contrôler l'inflation - en redonnant à la politique monétaire et à la politique du crédit l'autonomie voulue pour cela - est de laisser les devises de ces économies s'apprécier de manière significative. Malheureusement, la nécessité de l'appréciation de ces devises et d'un resserrement monétaire dans des marchés émergents en surchauffe survient au moment où l'éclatement de la bulle immobilière, la restriction du crédit et un prix du pétrole élevé produisent un brutal ralentissement des économies avancées et même une franche récession dans certaines d'entre elles.

    Le monde a accompli tout un cycle. Après l'augmentation de l'offre, l'augmentation de la demande a produit une surchauffe mondiale et une pression inflationniste. Maintenant on craint une baisse stagflationniste de l'offre - en cas de guerre avec l'Iran par exemple - accompagnée d'une baisse déflationniste de la demande au moment où les bulles immobilières éclateront. Les pressions déflationnistes pourraient apparaître dans les économies qui se contractent, alors que les pressions inflationnistes augmentent dans des économies qui sont encore en croissance rapide.

    Ainsi, les banques centrales de nombreux pays, qu'ils soient avancés ou émergents, sont confrontées à un scénario de cauchemar dans lequel elles doivent à la fois resserrer leur politique monétaire pour combattre l'inflation et la relâcher pour diminuer les risques de ralentissement. Comme inflation et croissance peuvent s'accorder de manières plusieurs différentes et complexes suivant les pays, il leur sera très difficile de concilier ces impératifs contradictoires.


    Par Nouriel Roubini, professeur d'économie à la Stern School of Business de l'université de New Yor et président de RGE Monitor. Le Quotidien d'Oran

  • #2
    un scénario assez probable

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