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Kamel Aderkichi dramaturge et rêveur obstiné

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  • Kamel Aderkichi dramaturge et rêveur obstiné

    Le Rêve éteint est le titre de la dernière pièce théâtrale de Kamel Aderkichi qui n’a jamais vu le jour en Algérie . Les embûches et les entraves ne l’empêchent pourtant pas de rêver. Il y croit dur comme fer même s’il sait que la partie est perdue d’avance. Il refuse de baisser les bras sinon son rêve s’éteint et son œuvre prendra le même chemin que celui de dizaines de pièces théâtrales jetées aux oubliettes.

    En attendant, le dramaturge Kamel Aderkichi, ce fils d’El-Harrach, se produit régulièrement à la galerie d’art gracieusement offerte par son ami, Farid Benyaâ, architecte et artiste plasticien.

    Sa rencontre avec le théâtre remonte à sa jeunesse. Du temps où la culture occupait une place importante dans notre pays. Au lycée Abane Ramdane d’El-Harrach, il fait la connaissance de futurs hommes de culture tels qu’Arezki Metref, Kaïdi Abdelkader et les regrettés Sadek Aïssat et Belbey Mohamed. Une rencontre marquée d’une croix de fer puisque Kamel ne quittera jamais la scène même si certaines circonstances l’obligent parfois à revêtir la blouse de cuistot pour s’occuper de gastronomie dans des hôtels de luxe. Au fait, il excelle dans ce métier comme il le fait au théâtre. C’est pratiquement le cas de tous les artistes algériens qui, faute d’être considérés à leur juste valeur, se rabattent sur d’autres métiers pour gagner leur croûte. Pourtant rien ne le prédisposait à épouser la scène, lui qui était beaucoup plus attiré par le football comme tous les jeunes de l’époque. Il a failli d’ailleurs porter les couleurs de l’USM Maison Carrée, aujourd’hui connue sous le nom de l’USMH. Mais, son père, syndicaliste à l’ex-RSTA , refusait catégoriquement de voir son fils quitter l’école au profit du football.

    Dès 1972, ce dramaturge rejoint la troupe d’El-Harrach. Le théâtre de la rue. Il n’avait à cette époque que 17 ans. D’un talent indiscutable et d’un amour incommensurable pour cet art, Kamel met son talent au service de cette troupe en participant à la création de la pièce Sens interdit qui, dès sa sortie, a rencontré un grand succès. «A partir de cet instant, nous avons eu l’honneur d’être contactés par Kateb Yacine qui nous a enseigné le chant, la diction, la mise en scène académique et les rudiments de la dramaturgie», a expliqué Aderkichi qui, outre le théâtre, était aussi porté sur le rock’n’roll dont les porte-étendards étaient les Led Zepplin, Jimmy Hendrix Deep Purple et les Who.

    Le théâtral voyageur

    De cette époque, ce bourlingueur retient cet enthousiasme pour le théâtre dont la place était indiscutable dans la société algérienne. La guerre d’Amgala oblige Kamel à prendre ses valises pour fuir son incorporation dans l’armée. L’insistance de son père finit par le faire abdiquer. Il choisit comme pied à terre la ville de Paris, carrefour de toutes les cultures. Il y passera une année avant d’opter pour le Finistère sud où il s’installa dans la ville de Quimper : « J’y ai vécu aux côtés des communautés marginales.» Sa rencontre avec le dramaturge, René Barbier, va changer le cours de sa vie. Il l’a initié au montage poétique théâtralisé, un métier qu’il n’a jamais plus quitté même s’il trouve d’énormes difficultés à le traduire sur scène, à cause de l’incompréhension des uns et de l’absence de producteurs.

    Pour parfaire ses connaissances, Aderkichi refait encore une fois ses valises en partance pour Londres, le pays de Shakespeare. Durant son séjour anglais, il a eu la chance de travailler comme commis de salle dans des hôtels classés : «C’est ce qui a fait de moi aujourd’hui un directeur de la restauration et en même temps un formateur.» Même en travaillant comme serveur, Aderkichi n’oubliera pas sa vocation d’artiste. Il travailla ensuite à l’English National Opera, un luxueux restaurant situé à proximité de l’Opera Covent Garden, le plus grand opéra de Londres. Il s’y inscrit pour suivre une formation de scénographie et de mise en scène. «Je me suis retrouvé dans un monde magique», dira celui qui, tout au long de son séjour dans la ville du brouillard, a vécu sous une fausse identité.

    De la déclamation au bâton de pèlerin

    Pendant les quatre années qu’il a vécues en Angleterre, Kamel a régulièrement fréquenté l’opéra en question au sein duquel il a acquis une expérience dans le domaine du théâtre avec toutes ses facéties.
    Sa soif de savoir assouvie, il reprend son bâton de pèlerin pour aller apprendre encore plus. Il débarque cette fois-ci en Suède en compagnie d’une amie qui, aujourd’hui, est devenue une comédienne bien connue dans ce pays.

    Une autre expérience qui va s’avérer par la suite très fructueuse dans la mesure où il créa une troupe appelée Orkanen (ouragan) qui, pour tout premier spectacle, joua Sens interdit, pièce où Kamel se produit pour la première fois de sa vie à El-Harrach. Le retour aux vieilles amours, au quartier de son enfance et aussi à ses premiers pas dans le théâtre. D’Örebro, la ville de sa première rencontre avec la culture viking, il se rend à Stockholm où il travailla comme comédien free lance. Sa passion pour les voyages ne tarda pas à remonter à la surface, le poussant à encore refaire ses valises pour se retrouver en Norvège où, comble de l’ironie, il a travaillé dans une ferme d’élevage de rennes et d’élans, deux espèces d’animaux qui vivent dans les régions froides, comme la Scandinavie.

    Sa vie de bourlingueur s’achève en 1985. Tous ses projet se sont alors envolés, ses espoirs restés en l’air même s’il refuse de baisser les bras croyant toujours que ses projets vont tôt ou tard voir le jour. Dès sa rentrée au pays, Aderkichi convole en justes noces. Un mariage qui mit fin à sa vie d’aventurier. De cette union naquirent deux filles dont l’aînée est aujourd’hui universitaire.

    Retour au bercail

    Il reprend aussi langue avec les anciens artistes et comédiens, notamment ceux de la troupe le théâtre de la rue qui l’ont convaincus de monter la pièce la Punaise de Maïakovsky. Un montage qui a duré 16 mois mais la pièce n’a jamais vu le jour en raison de son aspect très critique. De guerre lasse, Aderkichi décide de prendre du recul. Il est redevenu «l’hôtelier», y compris à la présidence de la République, en qualité de premier maître d’hôtel.
    Durant plusieurs années, aucune éclaircie dans la morosité artistique de ce comédien au talent reconnu. Une période marquée aussi par son passage à l’hôtel Sofitel en tant qu’assistant du directeur de la restauration puis à l’hôtel Hilton en 1993 en qualité de chef de service de la restauration et enfin à l’hôtel Abou Nawas de Tunis. Son métier de restaurateur ne l’empêche pas de faire de temps en temps de petites incursions dans le monde originel qu’est le sien.

    Ce n’est qu’à la fin de la décennie noire que Kamel a décidé de reprendre le chemin des planches. «Mon plus grand projet, le Rêve éteint est une pièce où sont associés les arts lyriques, la chorégraphie et la peinture. C’est un projet de société, il est aussi philosophique, intellectuel et universel», affirme le dramaturge dont les objectifs tardent à se traduire sur le terrain à un moment où le pays a grandement besoin de l’apport des intellectuels et des artistes de tout bord.

    L’abdication étant contraire à ses convictions, cet artiste ne désarme pas devant l’adversité puisque aujourd’hui, il accepte de donner des spectacles dans des espaces très réduits, rien que pour continuer à voir la vie en rose même si celle-ci est parsemée d’épines : «Je sais qu’un jour viendra où les choses bougeront. J’espère seulement que le Rêve éteint verra le jour car je suis convaincu que c’est une œuvre de qualité.»

    Surtout ne pas lâcher


    L’espoir fait vivre dans un monde où les rêves sont certes permis, mais qui parfois s’effritent et partent en fumée avant de s’éteindre pour de bon. Pour terminer, Kamel a insisté sur une anecdote qu’il a vécue en France : «Je vivais dans un hameau en Bretagne. Pour échapper à la police qui traque les sans-papiers, le Français chez lequel je travaillais m’a caché dans une porcherie. Je me souviens toujours de cet instant de ma vie qui me donne encore l’envie de me battre.»

    Par le Jeune Indépendant
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