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Automobile en France : un modèle à reconstruire

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  • Automobile en France : un modèle à reconstruire

    LAUREEN ORTIZ QUOTIDIEN : lundi 28 juillet 2008

    - Une révolution.»

    Si «ma sœur Anne» était experte en matière d’automobile, voilà le genre d’oracle qu’elle balancerait du haut de son donjon. Tout est là pour s’en persuader. Des constructeurs américains au bord de la faillite, des marchés occidentaux qui piquent du nez les uns après les autres, un baril du pétrole qui s’installe au-dessus des 130 dollars, une concurrence des pays à bas coûts de plus en plus féroce, des politiques de taxation du CO2, un appétit soudain pour la voiture low-cost… Tout se conjugue pour que l’industrie automobile mondiale change de peau. Et bien sûr de moteur, puisqu’il est clair que notre voiture, d’ici dix ans, ne roulera plus avec le même plein d’essence. Et peut-être même sans essence du tout. Bref, tout est à inventer : les technologies, les stratégies industrielles, les produits…

    Et dans cette révolution, les salariés français ont de bonnes raisons de se faire du souci. «On peut imaginer sans peine l’état d’esprit des salariés du secteur automobile, qui voient s’accumuler, au-dessus de leurs têtes, de gros nuages et de futurs plans sociaux», résumaient trois syndicats de la métallurgie (CFTC, CFE-CGC et FO), le 3 juillet, à l’issue de la signature, à Bercy, d’une charte de soutien au secteur. Renault a été le premier à annoncer, en fin de semaine dernière, un plan de 5 000 suppressions d’emplois. Il est probable que d’autres européens suivront bientôt. Etat des lieux.

    Un marché européen saturé

    En 2005, après vingt ans de croissance continue, on comptait en France 600 voitures pour 1000 habitants. Difficile de faire beaucoup plus. Les routes du Vieux Continent (un tiers des ventes de voitures dans le monde) sont saturées, les ménages suréquipés. «Le marché européen est devenu un marché de renouvellement. Or avec la conjoncture actuelle, les gens reportent leur achat ou se rabattent vers l’occasion», analyse Véronique Lamblin, directrice d’études de prospective au cabinet Futuribles. Au premier semestre, les ventes ont baissé de 2,2 % en Europe. La France, avec une croissance de 4,6 % sur la période, s’en est mieux tirée que le Royaume-Uni, l’Espagne ou l’Italie, en chute libre. Le constructeur italien Fiat a d’ailleurs annoncé du chômage technique pour l’automne et une hausse du prix de ses véhicules. Le numéro un français, PSA (Peugeot Citroën), qui prévoit un recul de 5 % du marché européen au prochain semestre, va retarder d’une semaine sa production à l’usine de Mulhouse (qui assemble des Citroën C4, Peugeot 308 et 206). Quant au numéro un européen, l’allemand Volkswagen, il vendra cette année davantage de voitures de sa marque en Chine et au Brésil, reléguant son marché intérieur au troisième rang.

    Une géographie industrielle remodelée


    «Dans les années 90, les constructeurs français se sont déplacés vers l’Europe de l’Est et le Mercosur, maintenant vers l’Asie», explique Véronique Lamblin. Là où de nouvelles classes moyennes émergent. Il n’y a qu’à observer les chiffres de vente de Renault en détail pour imaginer que les usines françaises ont peu d’avenir : + 25 % en Russie (pays qui, avec l’Ukraine, enregistre un record de vente au premier semestre), + 34,5 % en Algérie, + 20,3 % au Maroc… Renault réalise aussi une belle percée au Brésil, en Argentine, en Inde et plus récemment en Iran. En Roumanie, où le français s’est implanté en 2004 pour fabriquer sa voiture low-cost Logan, il brigue 35 % des parts de marché. Hormis le potentiel commercial, le coût dérisoire de la main-d’œuvre est pour beaucoup dans l’attrait de ces pays. Résultat : en cinq ans, les effectifs de l’Hexagone sont passés de 47 000 à 42 000 salariés chez Renault, et de 123 600 à 113 700 chez PSA. Au contraire, le nombre d’employés a explosé en Europe de l’Est : + 300 % chez PSA. Un mouvement qui s’étend désormais à l’Asie, l’Amérique du Sud, la Russie et l’Afrique du Nord. PSA, qui a supprimé des milliers de postes en France dans le cadre de son plan «Cap 2010», compte ainsi ouvrir une usine à Kaluga (avec 3 000 postes à la clé), en Russie, et de nouvelles en Chine. A l’avenir, «le scénario le plus probable, selon la CFE-CGC Métallurgie, aboutirait à une perte totale de 42 000 emplois sur dix ans pour les constructeurs et les équipementiers» français.

    Des nouveaux futurs géants ?


    Ils sont chinois et s’appellent Chery, Geely, Brilliance, Landwind… Pour l’instant, leurs noms ne disent rien aux automobilistes français. Mais demain ? Ils pourraient très vite se retrouver sur les routes européennes. Avec un argument massue pour commencer : le prix, encore le prix, toujours le prix. Même si Renault a pris un peu d’avance en la matière, il n’est plus tout seul sur le créneau de la voiture pas chère. L’indien Tata Motors a annoncé l’année dernière l’arrivée de son modèle à 3 000 dollars, la Nano. Et, plus inquiétant, il a aussi racheté Jaguar et Land Rover en mars. Stratégie qui montre l’ambition de ces nouveaux constructeurs, qui profitent d’un marché insatiable de milliards d’individus et d’avantages indéniables en termes de coûts. L’avenir de ces bébés constructeurs pourrait bien prendre des airs de déjà-vu : «Ils finiront par voler de leurs propres ailes, croit Véronique Lamblin. Comme l’ont fait les Japonais il y a quarante ans, qui ont commencé par imiter les Américains, puis les ont doublés.» En s’adaptant et en fabricant des engins moins énergivores.

    Le succès du low-cost

    Avec les délocalisations, les coûts ont été réduits. Summum de cette logique : le développement d’un modèle low-cost universel, la Logan de Renault, lancée en 2005. Berline au confort spartiate, au nombre de pièces limité et récupérées sur d’anciens modèles Renault. La croissance internationale de Dacia (marque sous laquelle est commercialisée la Logan dans la plupart des pays) atteint au premier semestre 13,3 %, contre 4 % pour Renault et - 7,2 % pour Renault Samsung Motors. Difficile, dans ces conditions, de résister à la tentation de la vendre dans les pays riches. Car le succès de la Logan en France (ventes en hausse de 43 % au premier semestre) traduit une nouvelle vision de l’automobile, «moins statutaire» selon un consultant en marketing. Un succès douloureux car il vient fragiliser le reste de la gamme, produite elle, majoritairement en France.

    vers des voitures vertes

    Les constructeurs outre-Atlantique, qui ont misé sur les 4 x 4 et autres pick-up, sont violemment ébranlés par l’envolée du baril (lire ci-contre). «Contrairement aux Européens et aux Japonais, ils vivent aujourd’hui leur premier vrai choc pétrolier», assure un consultant. Etranglés par le prix de l’essence, les Américains se rabattent vers d’autres solutions : biocarburant ou modèles moins consommateurs, essentiellement japonais. Du coup, les prévisions sont noires pour le Big Three (General Motors, Ford, Chrysler). Pour le cabinet Arthur D. Little, le marché américain sera le plus affecté par «la rupture sans précédent» causée par le prix du pétrole et la réglementation écologique, avec une baisse estimée à 28 % d’ici à 2012.

    Les autres constructeurs semblent mieux préparés. Les Japonais sont en avance sur les technologies hybrides. Les Français, champions de la petite voiture, bénéficient en France du système bonus-malus qui subventionne, depuis le 1er janvier, les voitures les moins émettrices de CO2. Même les Allemands, spécialistes des berlines de luxe polluantes, annoncent des projets de voitures vertes. Le PSG de Volkswagen, Martin Winterkorn, aime répéter que «l’avenir appartient à la voiture électrique». Celles de Volkswagen et de Daimler devraient voir le jour en 2010. BMW a annoncé de son côté vouloir tester «plusieurs centaines» de Mini électriques en Californie. La voiture électrique est aussi la nouvelle lubie des industriels de tout poil : Vincent Bolloré, Serge Dassault, etc.

    En attendant, les pays européens doivent se mettre d’accord au Conseil de décembre sur une réglementation CO2. Certains craignent, comme Greenpeace, un accord trop mou en faveur des constructeurs. Arthur D. Little évoque, lui, un «risque non négligeable de recul global des ventes de véhicules neufs de 8 % d’ici 2012». Mais à long terme, qui sait.
    Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
    Mahomet
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