Tous les colloques et études relatifs à la date emblématique du 8-mai-1945 pourraient être ainsi sous-titrés.
Quand on balaie le panoramique de la succession des faits ayant abouti aux Accords du 18 mars 1962, la continuité du duel résistance/répression surlignée de phases cycliques aiguës, n’a pas connu de répit, depuis 1830. Les théoriciens des armées et administrations d’occupation, qui n’étaient tout de même pas des débiles profonds, parlaient de guerre ininterrompue qui dura donc plus de cent ans.
Le 8-mai-1945, dont les sources sont nationales et internationales, sonne le glas ‘’des intérêts de la France sur ce territoire ’’. Le 1er-novembre-1954 n’en étant que la suite logique, en fait il donne le la de l’agonie de l’Algérie française. D’ailleurs, cette appellation est tardive dans le vocabulaire coutumier colonial qui lui préférait colonie française.
Il semble opportun, aujourd’hui, d’explorer des axes de recherche dans le but principal de judiciariser des faits que des auteurs, politiques, universitaires ou romanciers s’entêtent à évoquer pudiquement sous les termes massacres ou évènements.
Auparavant, quelques traits rapides vont utilement rappeler la vocation militariste et hégémoniste de la doctrine coloniale, post et pré 8-mai-1945.
Dans l’algérie sous occupation coloniale, il n’y eut jamais de pouvoir civil
La République proclamée à la chute du 2nd Empire à Sedan, en septembre 1870, va affecter, par une loi de juillet 1873, un corps d’armée commun à l’Algérie et la Tunisie. Ce sera le 19e qui sévira jusqu’à la débâcle de l’armée sur la Meuse, en juin 1940. D’ailleurs, sur ce front se trouvaient de nombreux gradés qui tenteront de prendre une revanche en Indochine d’abord, puis en Algérie.
La IIIe République, installée en 1875, va dépêcher des corps expéditionnaires sur plusieurs continents au nom de la mission civilisatrice et de sa fallacieuse devise qui vous a été rappelée récemment : le Ier Empire avait tenté de franciser l’Europe, elle, va franciser l’Algérie.
En août 1898, un décret investit le gouverneur général des attributions militaires : il lui donne autorité sur les commandants en chef du 19e corps et de la marine. En temps de paix, comme en temps de guerre, il est le seul responsable des mesures pour la défense et la sécurité de la colonie.
Suivirent les lois de 1906, 1922, puis de 1934 qui lui adjuge le commandement aérien ‘’couvrant l’Afrique du Nord, concernant la participation des forces aériennes aux opérations de police, de sécurité intérieure, de pacification et de pénétration saharienne entreprise sur le territoire de l’Algérie’’. (Décret JO. 18 avril 1934).
Côté justice, l’armée exerce un contrôle sur les tribunaux indigènes et les conseils de guerre constituent le régime pénal, autrement dit, ils sont les ancêtres des TPFA. Les cours criminelles séparées restent en vigueur jusqu’en 1940, et sont justifiées par ‘’les nécessités de l’occupation et la sécurité de l’occupant’’.
A remarquer que les festivités du Centenaire avaient un peu présumé de la qualité française de l’Algérie ; mais aussi, une décennie plus tard, ironie de l’Histoire ou justice immanente, la République à soldats va expirer dans les bras d’un maréchal vaincu. Le Président du Conseil P. Reynaud, en larmes sur les ondes, rassurait alors ses compatriotes fuyant devant l’avancée des troupes allemandes en leur précisant que ‘’les Allemands ne sont tout de même pas des Sarazins’’.
Alger va devenir le théâtre de furieux et troubles enjeux : le 19e Corps d’armée va collaborer avec Vichy, cependant création du Comité français pour la libération nationale.
Puis se succédèrent quelques assassinats surprenants (Giraud, J. Moulin, J. Zay, G. Mendel), ce qui laissera place nette à de Gaulle, à la tête du gouvernement provisoire de la république française, en juin 1944, après qu’il ait marqué un point de plus en exécutant P. Pucheu, ministre de l’Intérieur de Pétain, pourtant rallié à Alger. D’autres collaborateurs notoires auront plus de chance, comme R. Léonard, par exemple, futur gouverneur général, qui n’a quitté l’administration de Vichy qu’en juin 1944.
Il semble évident que la sanglante et massive répression dans le Constantinois a été planifiée à cette date : Y. Chataigneau a été rappelé de Kaboul, le poste avancé pour l’observation de l’URSS, pour être nommé gouverneur général, avant le départ pour Paris du gouvernement provisoire, en septembre 1944. E. Naegelen qui prit sa suite, en 1948, écrit avoir trouvé sur son bureau des instructions de son prédécesseur concernant les exécutions sommaires.
De Gaulle, méprisé lors des entrevues des Conférence de l’Atlantique et de Téhéran entre Roosevelt et Staline, tente de prouver que la France, humiliée par sa défaite éclair dans un conflit régulier, peut se prévaloir d’une position prépondérante en Méditerranée : il va pouvoir se pousser du col sur un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies.
Le statut de l’Algérie de 1947, en créant la fameuse Assemblée algérienne pour prendre la place des délégations financières, va être en réalité l’habillage civil de la 10e Région militaire.
A son état-major vont se retrouver tous ceux qui ont signé l’ordre de bataille du 8 mai 1945. Un secrétariat permanent de la défense nationale est crée pour assister le gouverneur général. Le cabinet civil n’a plus qu’une compétence résiduelle sur des dossiers auxquels le cabinet militaire ne trouve pas d’intérêt. On verra par exemple dans les dossiers de recours en grâce des condamnés à mort que c’est le cabinet militaire qui rend la décision. Les autres avis sont de pure forme.
Un maillage plus serré par la mise en place de divisions et subdivisions va parcourir l’étendue du territoire, embryons destinés à coiffer le théâtre d’opérations en Afrique française du nord si un conflit venait à éclater en Europe, venant de l’Est. La France se préparait à s’installer dans la guerre contre l’URSS… et les Algériens.
Les Algériens, le deuil amorti, commencent le tissage des réseaux de la clandestinité, avec l’innovation de la guerre subversive qui revisite les classiques de la guérilla ancestrale.
Un décret de 1953 réorganise la justice militaire en multipliant les sièges des TPFA. Les barreaux d’Alger, d’Oran, de Constantine voient l’arrivée de la génération d’avocats algériens qui constitueront les collectifs de défense.
Entre 1947 et 1954 la vie va s’écouler d’un trait pour la population. Les braises couvaient sous la cendre, les regards étaient lourds, brûlants, tout se communiquait d’un simple clin d’oeil. Les voyages vers des destinations extérieures se multipliaient : vers la métropole, les autres pays du Maghreb et du Machrek. Les enfants, dans leurs jeux se chuchotaient entre eux : ‘’nous allons sortir les vainqueurs’’ (nissara). Les orphelins qui avaient dix ans en 1945, approchaient la vingtaine.
Quand on balaie le panoramique de la succession des faits ayant abouti aux Accords du 18 mars 1962, la continuité du duel résistance/répression surlignée de phases cycliques aiguës, n’a pas connu de répit, depuis 1830. Les théoriciens des armées et administrations d’occupation, qui n’étaient tout de même pas des débiles profonds, parlaient de guerre ininterrompue qui dura donc plus de cent ans.
Le 8-mai-1945, dont les sources sont nationales et internationales, sonne le glas ‘’des intérêts de la France sur ce territoire ’’. Le 1er-novembre-1954 n’en étant que la suite logique, en fait il donne le la de l’agonie de l’Algérie française. D’ailleurs, cette appellation est tardive dans le vocabulaire coutumier colonial qui lui préférait colonie française.
Il semble opportun, aujourd’hui, d’explorer des axes de recherche dans le but principal de judiciariser des faits que des auteurs, politiques, universitaires ou romanciers s’entêtent à évoquer pudiquement sous les termes massacres ou évènements.
Auparavant, quelques traits rapides vont utilement rappeler la vocation militariste et hégémoniste de la doctrine coloniale, post et pré 8-mai-1945.
Dans l’algérie sous occupation coloniale, il n’y eut jamais de pouvoir civil
La République proclamée à la chute du 2nd Empire à Sedan, en septembre 1870, va affecter, par une loi de juillet 1873, un corps d’armée commun à l’Algérie et la Tunisie. Ce sera le 19e qui sévira jusqu’à la débâcle de l’armée sur la Meuse, en juin 1940. D’ailleurs, sur ce front se trouvaient de nombreux gradés qui tenteront de prendre une revanche en Indochine d’abord, puis en Algérie.
La IIIe République, installée en 1875, va dépêcher des corps expéditionnaires sur plusieurs continents au nom de la mission civilisatrice et de sa fallacieuse devise qui vous a été rappelée récemment : le Ier Empire avait tenté de franciser l’Europe, elle, va franciser l’Algérie.
En août 1898, un décret investit le gouverneur général des attributions militaires : il lui donne autorité sur les commandants en chef du 19e corps et de la marine. En temps de paix, comme en temps de guerre, il est le seul responsable des mesures pour la défense et la sécurité de la colonie.
Suivirent les lois de 1906, 1922, puis de 1934 qui lui adjuge le commandement aérien ‘’couvrant l’Afrique du Nord, concernant la participation des forces aériennes aux opérations de police, de sécurité intérieure, de pacification et de pénétration saharienne entreprise sur le territoire de l’Algérie’’. (Décret JO. 18 avril 1934).
Côté justice, l’armée exerce un contrôle sur les tribunaux indigènes et les conseils de guerre constituent le régime pénal, autrement dit, ils sont les ancêtres des TPFA. Les cours criminelles séparées restent en vigueur jusqu’en 1940, et sont justifiées par ‘’les nécessités de l’occupation et la sécurité de l’occupant’’.
A remarquer que les festivités du Centenaire avaient un peu présumé de la qualité française de l’Algérie ; mais aussi, une décennie plus tard, ironie de l’Histoire ou justice immanente, la République à soldats va expirer dans les bras d’un maréchal vaincu. Le Président du Conseil P. Reynaud, en larmes sur les ondes, rassurait alors ses compatriotes fuyant devant l’avancée des troupes allemandes en leur précisant que ‘’les Allemands ne sont tout de même pas des Sarazins’’.
Alger va devenir le théâtre de furieux et troubles enjeux : le 19e Corps d’armée va collaborer avec Vichy, cependant création du Comité français pour la libération nationale.
Puis se succédèrent quelques assassinats surprenants (Giraud, J. Moulin, J. Zay, G. Mendel), ce qui laissera place nette à de Gaulle, à la tête du gouvernement provisoire de la république française, en juin 1944, après qu’il ait marqué un point de plus en exécutant P. Pucheu, ministre de l’Intérieur de Pétain, pourtant rallié à Alger. D’autres collaborateurs notoires auront plus de chance, comme R. Léonard, par exemple, futur gouverneur général, qui n’a quitté l’administration de Vichy qu’en juin 1944.
Il semble évident que la sanglante et massive répression dans le Constantinois a été planifiée à cette date : Y. Chataigneau a été rappelé de Kaboul, le poste avancé pour l’observation de l’URSS, pour être nommé gouverneur général, avant le départ pour Paris du gouvernement provisoire, en septembre 1944. E. Naegelen qui prit sa suite, en 1948, écrit avoir trouvé sur son bureau des instructions de son prédécesseur concernant les exécutions sommaires.
De Gaulle, méprisé lors des entrevues des Conférence de l’Atlantique et de Téhéran entre Roosevelt et Staline, tente de prouver que la France, humiliée par sa défaite éclair dans un conflit régulier, peut se prévaloir d’une position prépondérante en Méditerranée : il va pouvoir se pousser du col sur un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies.
Le statut de l’Algérie de 1947, en créant la fameuse Assemblée algérienne pour prendre la place des délégations financières, va être en réalité l’habillage civil de la 10e Région militaire.
A son état-major vont se retrouver tous ceux qui ont signé l’ordre de bataille du 8 mai 1945. Un secrétariat permanent de la défense nationale est crée pour assister le gouverneur général. Le cabinet civil n’a plus qu’une compétence résiduelle sur des dossiers auxquels le cabinet militaire ne trouve pas d’intérêt. On verra par exemple dans les dossiers de recours en grâce des condamnés à mort que c’est le cabinet militaire qui rend la décision. Les autres avis sont de pure forme.
Un maillage plus serré par la mise en place de divisions et subdivisions va parcourir l’étendue du territoire, embryons destinés à coiffer le théâtre d’opérations en Afrique française du nord si un conflit venait à éclater en Europe, venant de l’Est. La France se préparait à s’installer dans la guerre contre l’URSS… et les Algériens.
Les Algériens, le deuil amorti, commencent le tissage des réseaux de la clandestinité, avec l’innovation de la guerre subversive qui revisite les classiques de la guérilla ancestrale.
Un décret de 1953 réorganise la justice militaire en multipliant les sièges des TPFA. Les barreaux d’Alger, d’Oran, de Constantine voient l’arrivée de la génération d’avocats algériens qui constitueront les collectifs de défense.
Entre 1947 et 1954 la vie va s’écouler d’un trait pour la population. Les braises couvaient sous la cendre, les regards étaient lourds, brûlants, tout se communiquait d’un simple clin d’oeil. Les voyages vers des destinations extérieures se multipliaient : vers la métropole, les autres pays du Maghreb et du Machrek. Les enfants, dans leurs jeux se chuchotaient entre eux : ‘’nous allons sortir les vainqueurs’’ (nissara). Les orphelins qui avaient dix ans en 1945, approchaient la vingtaine.
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