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L'urgence d'un dialogue inter-religieux

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  • L'urgence d'un dialogue inter-religieux

    L'amorce d'un dialogue des religions ou entre les religions ne sera jamais de trop, au moment où la globalisation ne laisse aux peuples qu'un espace réduit pour choisir entre un attachement apeurant à des valeurs d'abord sociales et un mode de consommation devenu suicidaire pour la planète.

    Faut-il alors laisser ce dialogue entre les seules mains des théologiens ? L'Histoire démontre qu'à chaque fois que les religions se sont laissées emprisonner dans les lieux de culte par démission sociale ou par soumission, les pouvoirs politiques s'en sont saisi pour en faire l'instrument privilégié de leur domination sur le monde des idées, considéré comme contestataire par essence. Il en a été ainsi pour le Judaïsme qui a enfanté le sionisme, du Christianisme qui a enfanté l'église et les croisés, ainsi que de l'Islam qui a enfanté l'intégrisme religieux et la guerre sainte, pour ne parler que de ces religions monothéistes.

    Leur particularité réside dans leur mission civilisatrice par conversion, ce qui n'est pas le cas du bouddhisme, par exemple, ou d'autre petites religions africaines ou indiennes. L'Histoire démontre aussi qu'à chaque fois que les savants se sont consacrés au religieux, ils ont apporté une élévation spirituelle supplémentaire à l'humanité et lui ont évité l'affrontement, avant d'être liquidés, y compris physiquement.

    La place des religions dans les sociétés actuelles se mesure non plus aux pratiques cultuelles inscrites dans l'ordre des choses, mais surtout aux discours issus de ces pratiques et qui prennent des chemins interprétatifs éloignant le sujet de sa véritable foi. Si la religion contribuait à codifier la relation sociale autour de la seule notion du bien et du mal, elle est devenue aujourd'hui source de haine envers l'autre, dans un monde de plus en plus restreint par la vitesse à laquelle le capital circule. Dans un monde où les sociétés ne se connaissent que très peu, au moment où les moyens de se connaître sont paradoxalement plus nombreux et plus accessibles. Dans un monde où chacun s'enferme dans ses croyances, pensant qu'elles sont les plus proches de la vérité divine alors que, paradoxalement, la vérité divine n'appartient qu'à Dieu, les hommes n'en étant que les serviteurs de leur propre foi en Lui.

    Le transfert de la puissance divine vers les hommes, qui se l'ont appropriée pour en être les exécuteurs testamentaires, a déséquilibré les rapports humains, les relations gouvernants/gouvernés et même les relations internationales. La confusion devient totale et les risques énormes. Sur le registre des rapports humains, le croyant, celui qui décide de juger de la non-croyance d'autrui, s'arroge le droit d'user y compris de la violence pour rétablir la pratique religieuse à son profit.

    Cela s'observe aussi bien dans notre société musulmane que dans les autres sociétés. On a même vu des cimetières se faire profaner pour des raisons qui échappent à la raison humaine. On apprend de plus en plus de cas de pédophilie pratiqués par les prêtres de l'église catholique, en flagrante contradiction avec les commandements religieux. On a bien vu ce qu'ont donné les chasses aux prostituées, avec des châtiments corporels chez nous, et parfois envers des femmes qui n'obéissent tout simplement pas aux règles vestimentaires imposées socialement.

    Ces comportements ne sont que la traduction de prêches incendiaires qui s'alimentent de haine alors que, fondamentalement, la religion prône la tolérance et le respect des limites de la liberté, ce qui entre en conformité avec les vecteurs qui portent l'humanité.

    Sur le plan social, cela se traduit par une peur d'aborder des débats qui peuvent lever bien des incompréhensions et fournir à la société des instruments de son développement particulièrement humain. Sur le plan individuel, cette peur va jusqu'à réduire l'expression vers sa perte de sens en développant l'autocensure, alors que la parole et le texte ont justement quelque chose de divin. Le tabou des questions religieuses prend toute la place au lieu d'ouvrir le débat sur les civilisations et ce qu'il en est resté, même après leurs affrontements. Le rôle des pouvoirs publics reste alors flou dans le tracé de ces limites. Il y a donc problème.

    Ou bien les pouvoirs publics s'inscrivent dans la logique du déséquilibre social par leur laxisme à venir à bout de la violence, ou bien ils encouragent par leur mutisme des formes de violence qui voilent leur domination de la société. Rappelons-nous l'expression de leur foi par nos parents qui connaissaient très peu de choses de la religion.

    Tout au plus quelques versets qui leur permettaient de faire la prière et une pratique cultuelle qui se limitait à respecter les préceptes de l'Islam, sans excès, dans l'interprétation en dehors du champ du « hallal-haram ». Ils étaient pourtant dénudés de violence et se suffisaient à se socialiser par la religion. Aujourd'hui que les interprétations se sont faites légions et que les chaînes de télévision ont pris le relais des prêcheurs, la morale a pris un sérieux recul, y compris dans la gestion des deniers publics. La violence a occupé tous les paliers.

    Il est certes simpliste de prendre le raccourci qui consiste à faire endosser aux religions le poids de la dégradation des rapports sociaux. Cependant, comment les intellectuels abordent-ils l'explication du phénomène religieux en séparant le bon grain de l'ivraie, en séparant les équilibres nécessaires par la religion, de la violence que son interprétation erronée peut engendrer ? Comment l'intellectuel peut-il se saisir de la question religieuse en gardant la liberté de pensée qui doit le définir et contribuer à son analyse en tant que manifestation de rapports sociaux ?

    Les débats engagés lors de la dernière rencontre à ce sujet en Espagne confortent au moins l'idée selon laquelle il y a l'impérieuse nécessité de bousculer les tabous. De là à en espérer toute la lumière, il y a un long chemin à faire. Celui de la foi en l'humain que prétend défendre chaque religion. Juste pour comprendre pourquoi on se tue.


    par Ahmed Saïfi Benziane. Le Quotidien d'Oran.
    "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
    Socrate.
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