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Dernier été de Nacer Achour

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  • Dernier été de Nacer Achour

    Le roman de Nacer Achour, Dernier été est un hymne à la terre de Tighilt et de la Source, deux noms qui l’ont habité et inspiré dans cette histoire attachante où se mêlent la senteur extatique des lieux et le désarroi poussant à un exil intérieur. Nacer Achour, né en 1963, est originaire de Taourirt-Amrane, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Enseignant de langue française dans un collège d’enseignement moyen, il avait écrit les pages de ce roman pendant les années 90 sous la forme d’un journal. Cependant, le style d’écriture et l’histoire intimiste constituant l’armature de ce livre font de lui un journal particulier, loin du style réaliste du "Journal" de M. Feraoun.

    Publié en l’an 2000 aux éditions L’Harmattan, "Dernier été" s’ouvre par une citation de Mohamed Dib, auteur qui a grandement participé à la sensibilité artistique et intellectuelle de N.Achour. Même si son style n’épouse pas les contours exacts du réalisme algérien en adoptant des phrases au souffle court et en convoquant des images oniriques, l’influence de Dib et de Feraoun est lisible à plusieurs endroits. Outre l’influence purement littéraire, le monde d’inspiration et de déléctation artistique chez N.Achour va de Lounis Aït Menguellet à Amar Ezzahi en passant par Fayrouz et Guerrouabi. Ce bouillonnement culturel, Achour le doit à son parcours personnel qui a commencé à Taourirt-Amrane, son lieu de naissance et de la première enfance ; il s’est poursuivi à La Pointe Pescade (études primaires et secondaires), et continue à Taourirt- Amrane. Dans son roman, explicitement ou en filigrane, on retrouve ces décors variés et multiples, évocateurs de la vie et des pérégrinations de l’auteur.

    La camisole de force

    Le récit commence par les interrogations d’un être qui étouffe à l’intérieur d’une société qui ne le comprend pas. Il se sent agressé, étrange et étranger, en pleine déréliction. "La vie me rend bête et maladroit à force d’être acculé, à force de me cogner la tête contre tous ces murs qu’on a dressés autour de moi…Oui, je sais, c’est ici mon pays, c’est ici mon chez moi, parmi les miens, mais, désolé, je ne pourrais pas rester". Le héros vit un véritable exil intérieur. La compensation se fait par la convocation des images et des rêves où se mêlent les souvenirs suaves et douloureux des scènes ou rencontres fugaces : Djida, Noria et puis Zayna, autant d’êtres qui ont marqué le héros, qui vivent avec lui, qui l’habitent peut être à leurs insu. Quant le mur d’incompréhension se dresse entre l’individu et la société, quand le regard vers l’être aimé vous fait vivre le purgatoire, il ne reste que la beauté des lieux, le pèlerinage des places de souvenir et le désir non feint de s’évader.

    Envoûtement par la Source

    Le chemin qui mène au lieu qui s’appelle la Source est le "Chemin noir". Malek l’emprunte régulièrement pour se ressourcer en souvenirs et en images. C’est un sentier montant jusqu’à Tighilt, en pénétrant dans un sombre taillis de chêne vert. Lieux doux, ombragés, humides, parsemés de bosquets de frênes, ormes, micocouliers et chênes verts, où règne un silence religieux. Ce silence n’est rompu que par quelque paysan taillant ses arbres ou un berger hélant son troupeau. A l’approche de la Source, des voix féminines se mêlent aux gazouillis des oiseaux pour réchauffer le cœur pantelant de Malek, le héros. Tout dans la Source invite à la méditation et à l’émerveillement : le décor des arbres et des pelouses, la profondeur des vallons, le feuillage diapré de l’automne et du printemps, les chaumières qui gardent les vestiges des gens qui les ont habités, la majestueuse montagne du Djurdjura qui nous offre en premier plan les façades de Lalla Khedidja et de Taltat Le Chemin noir du "Dernier été" est le sentier mythique des amours , des senteurs, de la félicité et de la fidélité. C’est le lieu inaugural de la geste romanesque de Nacer Achour .Tout nous y mène sans savoir comment et sans qu’on puisse sortir de ses rets.

    L’éternel exil

    Malmené par la vie dans une société difforme et béotienne, Malek bouillonne de l’intérieur, s’interroge, ne comprend pas. Il chante Aït Menguellet et Guerrouabi ; essaye de trouver une raison de vivre. Voilà qu’il se résout à l’émigration, mais aussitôt il change d’avis, attaché qu’il est à la Source, au Chemin noir, aux pierres qui racontent les tendres moments indélébiles, et enfin aux chaumières abritant une histoire mémorable et des histoires marquantes. En dernière page l’auteur écrit : "Et sur ce chemin noir que j’ai rejoint en traversant les champs, je suis à présent et je devrais remercier le seigneur de m’avoir montré la beauté et la simplicité de ces lieux. Des voix d’enfants en train de cueillir des figues, il n’a y a pas mieux, ajouté à cette fraîcheur et à ce calme pour une âme aussi meurtrie que la mienne". L’aspect attraction-répulsion de l’exil est omniprésent dans ce roman très attachant, œuvre d’une flamme intérieure incandescente et d’un sens exacerbé de l’esthétique. La dernière page du cahier que tenait Malek portait les observations suivantes :

    "Il n’y a plus que l’exil pour moi, à présent, comme pour Ouamer et les autres. Ce pays, je vous le laisse, parce que parmi vous, je n’ai plus de place. Je vous laisserai une image, cette silhouette solitaire le plus souvent, ce silence que je fus des années durant, ma colère et ma déception (…) Je n’ai plus parmi vous, ni la force de vivre, ni le courage de mourir. Je n’ai plus d’amis, je n’ai plus personne. Dieu ! Comment est-ce possible ? Comment peux-tu être cruelle à ce point, ô ma vie ? Je n’ai plus que Zayna et Amel (la femme et la fille de Malek) ; leur destin est le mien puisque je les ai toutes deux créees, elles qui n’existaient pas avant…Avant, oui !…Avant, il y avait tout le monde. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’elles et moi. Mais, là-bas peut-être, une fois là-bas…" Le monde dans lequel nous introduit Nacer Achour est, en même temps, une agora féerique et une arène étouffante. A la beauté des visages, des sites et des objets s’opposent la raideur de la vie et la sécheresse des cœurs qui propulsent le héros dans une position de lévitation ontologique. L’écriture de N.Achour est à mille lieues de ce qui est communément appelé la "littérature de l’urgence" qui se décline sur le mode des complaintes et des anathèmes et promue par des talents approximatifs. Dans "Dernier été", le drame qui a frappé l’Algérie est présenté en arrière-plan où l’on entend les murmures de la misère et les martèlements abominables des actes terroristes des années 90. Le style est d’un lyrisme intimiste, le seul peut-être qui puisse rendre visibles ces remous des tréfonds soumis à une situation kafkaïenne.

    Seul Bémol, publié en France aux éditions L’Harmattan, Dernier été de Nacer Achour n’est pas disponible en Algérie. L’auteur souhaite qu’il soit réédité en Algérie pour qu’il soit à la portée des jeunes lecteurs à un prix abordable.

    Par Amar Naït Messaoud , La Dépêche de Kabylie
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