10 août 2008 — Les Occidentaux s’agitent, mais un peu dans tous les sens, en observant certaines limites, en alternant des semi-condamnations et des offres pressantes de médiation, ceci et cela mesurant leur impuissance. Depuis le 8 août “l’Ouest” observe avec stupéfaction ce monstre qu’est la guerre géorgienne, accouché par 17 années d’une politique (occidentale) qui semblerait avoir été conçue exactement pour susciter de tels points d’affrontement.
Désormais, la question que se posent les Occidentaux est de savoir où s’arrêteront les Russes. A première vue, il semble que la Russie n’est pas exactement inclinée aux concessions ou à la modération. Cette perspective était prévisible après la politique menée depuis 1991, et à la lumière de l’exemple donné par les USA dans ses diverses entreprises expansionnistes, particulièrement depuis le 11 septembre 2001. Dans l’actuelle crise, les Russes prennent leur revanche de 17 années de pressions et d’humiliation de l’Occident, et ils ont bien l’intention de compléter ainsi, par le volet de l’action militaire brutale, le retour de leur puissance au premier plan. Ils sont aidés en cela, bien entendu, par la folie occidentale qui a été de poursuivre son travail d’expansion vers l’Est, notamment avec la perspective d’intégrer Géorgiens et Ukrainiens dans l’OTAN, alors que leurs options militaires sont si complètement limitées par leurs engagements déraisonnables dans divers conflits périphériques, tous aussi inutiles les uns que les autres.
Ces remarques de The Independent de ce ce matinhttp://www.independent.co.uk/opinion...de-889635.html
mesurent bien la prudence nécessaire qui constitue la marque de l’attitude occidentale, y compris des enseignements pour le projet d’intégrer la Géorgie dans l’OTAN qui s'avère largement compromis, – ce qui est déjà, on l’admettra, une victoire psychologique et diplomatique des Russes, – et la preuve, pour ces mêmes Russes, que la violence paye avec les Occidentaux, à défaut d’arrangements diplomatiques:
«This conflict, then, has the potential to be a proxy war between Russia and the West, except that this is an outcome that every Western leader wants to avoid. Britain would be faced with a very different situation now if Georgia were not a candidate member of Nato but a full partner. We should be obliged to view any attack on Georgia as an attack on Nato and respond accordingly. Membership is not a vague statement of friendship. It carries with it grave responsibilities.
»This is not to say that Georgia should not be a candidate for membership. It is, however, a salutary reminder that we should think hard before admitting countries to Nato with so much separatist baggage. As Andrew Wilson writes below, this conflict is the result of a grave miscalculation. It is also a setback to Georgia's Nato ambitions.»
(Ce que Andrew Wilson écrit notamment, en mettant en évidence combien la Géorgie, et “l’Ouest” derrière elle qui n’a rien fait d’efficace pour la freiner, est tombée dans un piège évident, en donnant à Moscou une occasion rêvée pour une “leçon” militaire: «The Georgian President, Mikheil Saakashvili, elected in a landslide in 2004 on a manifest destiny platform of restoring national unity, has miscalculated and may have stepped into a Russian trap. Vladimir Putin came to see Georgia as Russia's Cuba – an outpost of a foreign power in his backyard – and trouble has been brewing for months. […] The Georgian may therefore already be losing the all-important propaganda war. The Russians always thought Saakashvili would be easy to provoke and have been prodding and jabbing since the spring. A minority of Nato states may argue that the conflict increases the case for Georgian membership, but in others, scepticism is more likely to grow.»)
On retrouve ce “sens du compromis”, ou le réalisme retrouvé, de la part de nombreux autres commentateurs occidentaux. La fin de cet édito du 9 août, d’un Monde cette fois peu intéressé par les rodomontades moralistes et humanitaires, donne une bonne mesure de la chose:
«Pour leur part, les Occidentaux semblent impuissants. Ils ne peuvent inciter ouvertement les Géorgiens à céder à la pression russe, mais n'ont presque aucun moyen d'agir sur la Russie, qui a beau jeu de leur rappeler le précédent du Kosovo. Et si un jour ils étaient contraints de choisir entre Moscou et Tbilissi, il n'est pas difficile d'imaginer le côté pour lequel ils pencheraient. C'est pourquoi le réalisme, sinon la morale, devrait inciter les Géorgiens à ne pas provoquer les Russes, et à ne pas répondre à leurs provocations.»
Si l’on veut aller à l’extrême de l’audace, en général par le biais de révélations officieuses d’officiels gouvernementaux, ce qui n’engage personne, on trouve alors des “condamnations” des Russes, qui portent plutôt sur l’intensité et la “disproportion” de la riposte russe, mais pas du tout sur le principe de la riposte. C’est cette analyse de CNN.News, qui relaie un officiel du département d’Etat, – homme sans doute capable, en tant que fonctionnaire américaniste, de mesurer ce qu’est une action militaire “disproportionnée”…
«Russia's use of strategic bombers and ballistic missiles against Georgia's civilians outside of the South Ossetian conflict is “far disproportionate” to Georgia's alleged attack on Russian peacekeepers, a senior U.S. official said Saturday. (The official was not authorized to speak on the record due to the sensitive nature of the diplomacy.)
»Russia's use of its potent air weaponry signals a “severe” and “dangerous escalation in the crisis,” the official said. “For the life of me, I can't image that being a proportionate response to the charge that Georgia has attacked Russian peacekeepers,” the official said. “It's hard for us to understand what Russia's plan is here.” The official said Russia is probably trying to destabilize Georgia politically to kill its chances of joining NATO. (…)
«The official said European allies have told the United States that Russia has “crossed a line of unacceptable behavior” and should “expect international condemnation.” “I do sense an emerging unified view among our key allies,” he said.»
Toutes ces prudentes accusation sont largement tempérées par une sèche critique du comportement de Saakachvili, marquant combien les USA n’entendent certainement pas s’impliquer de quelque façon que ce soit au côté de la Géorgie: «Still, Georgia bears some of the blame for the fighting over South Ossetia, the official said. Recently, the United States has had “very blunt exchanges with” Georgia, telling its leaders that they have no chance of winning a war with Russia and that they should stick to a path of diplomacy.»
Conclusion à ce point, tirée par McClatchy Newspapers, dans un rapport du 10 août : Russia is back, elle affirme sa puissance régénérée et les USA n’y peuvent rien (les Européens non plus, by the way)…
«Even as it accused Russia of using “disproportionate” force in the conflict over Georgia's rebel South Ossetia province, the United States on Saturday found itself with few diplomatic or military options to deter Moscow's ferocious air and ground assault.
»In fact, most of the key cards, including the power to veto any United Nations Security Council resolution, were held by Russia, which appeared to be using the crisis to ram home to the United State and its allies that it will not accept further expansion of NATO. Both Georgia and the former Soviet republic of Ukraine are seeking to join the alliance.
«The Russian invasion “sends a message to all of the countries in the former Soviet space that Russia is resurgent and is willing to flex it muscles,” said David Phillips, an expert with the Atlantic Council. “This is Russia's assertion of power,” said retired Army Gen. Wesley Clark, a former top NATO commander.
Désormais, la question que se posent les Occidentaux est de savoir où s’arrêteront les Russes. A première vue, il semble que la Russie n’est pas exactement inclinée aux concessions ou à la modération. Cette perspective était prévisible après la politique menée depuis 1991, et à la lumière de l’exemple donné par les USA dans ses diverses entreprises expansionnistes, particulièrement depuis le 11 septembre 2001. Dans l’actuelle crise, les Russes prennent leur revanche de 17 années de pressions et d’humiliation de l’Occident, et ils ont bien l’intention de compléter ainsi, par le volet de l’action militaire brutale, le retour de leur puissance au premier plan. Ils sont aidés en cela, bien entendu, par la folie occidentale qui a été de poursuivre son travail d’expansion vers l’Est, notamment avec la perspective d’intégrer Géorgiens et Ukrainiens dans l’OTAN, alors que leurs options militaires sont si complètement limitées par leurs engagements déraisonnables dans divers conflits périphériques, tous aussi inutiles les uns que les autres.
Ces remarques de The Independent de ce ce matinhttp://www.independent.co.uk/opinion...de-889635.html
mesurent bien la prudence nécessaire qui constitue la marque de l’attitude occidentale, y compris des enseignements pour le projet d’intégrer la Géorgie dans l’OTAN qui s'avère largement compromis, – ce qui est déjà, on l’admettra, une victoire psychologique et diplomatique des Russes, – et la preuve, pour ces mêmes Russes, que la violence paye avec les Occidentaux, à défaut d’arrangements diplomatiques:
«This conflict, then, has the potential to be a proxy war between Russia and the West, except that this is an outcome that every Western leader wants to avoid. Britain would be faced with a very different situation now if Georgia were not a candidate member of Nato but a full partner. We should be obliged to view any attack on Georgia as an attack on Nato and respond accordingly. Membership is not a vague statement of friendship. It carries with it grave responsibilities.
»This is not to say that Georgia should not be a candidate for membership. It is, however, a salutary reminder that we should think hard before admitting countries to Nato with so much separatist baggage. As Andrew Wilson writes below, this conflict is the result of a grave miscalculation. It is also a setback to Georgia's Nato ambitions.»
(Ce que Andrew Wilson écrit notamment, en mettant en évidence combien la Géorgie, et “l’Ouest” derrière elle qui n’a rien fait d’efficace pour la freiner, est tombée dans un piège évident, en donnant à Moscou une occasion rêvée pour une “leçon” militaire: «The Georgian President, Mikheil Saakashvili, elected in a landslide in 2004 on a manifest destiny platform of restoring national unity, has miscalculated and may have stepped into a Russian trap. Vladimir Putin came to see Georgia as Russia's Cuba – an outpost of a foreign power in his backyard – and trouble has been brewing for months. […] The Georgian may therefore already be losing the all-important propaganda war. The Russians always thought Saakashvili would be easy to provoke and have been prodding and jabbing since the spring. A minority of Nato states may argue that the conflict increases the case for Georgian membership, but in others, scepticism is more likely to grow.»)
On retrouve ce “sens du compromis”, ou le réalisme retrouvé, de la part de nombreux autres commentateurs occidentaux. La fin de cet édito du 9 août, d’un Monde cette fois peu intéressé par les rodomontades moralistes et humanitaires, donne une bonne mesure de la chose:
«Pour leur part, les Occidentaux semblent impuissants. Ils ne peuvent inciter ouvertement les Géorgiens à céder à la pression russe, mais n'ont presque aucun moyen d'agir sur la Russie, qui a beau jeu de leur rappeler le précédent du Kosovo. Et si un jour ils étaient contraints de choisir entre Moscou et Tbilissi, il n'est pas difficile d'imaginer le côté pour lequel ils pencheraient. C'est pourquoi le réalisme, sinon la morale, devrait inciter les Géorgiens à ne pas provoquer les Russes, et à ne pas répondre à leurs provocations.»
Si l’on veut aller à l’extrême de l’audace, en général par le biais de révélations officieuses d’officiels gouvernementaux, ce qui n’engage personne, on trouve alors des “condamnations” des Russes, qui portent plutôt sur l’intensité et la “disproportion” de la riposte russe, mais pas du tout sur le principe de la riposte. C’est cette analyse de CNN.News, qui relaie un officiel du département d’Etat, – homme sans doute capable, en tant que fonctionnaire américaniste, de mesurer ce qu’est une action militaire “disproportionnée”…
«Russia's use of strategic bombers and ballistic missiles against Georgia's civilians outside of the South Ossetian conflict is “far disproportionate” to Georgia's alleged attack on Russian peacekeepers, a senior U.S. official said Saturday. (The official was not authorized to speak on the record due to the sensitive nature of the diplomacy.)
»Russia's use of its potent air weaponry signals a “severe” and “dangerous escalation in the crisis,” the official said. “For the life of me, I can't image that being a proportionate response to the charge that Georgia has attacked Russian peacekeepers,” the official said. “It's hard for us to understand what Russia's plan is here.” The official said Russia is probably trying to destabilize Georgia politically to kill its chances of joining NATO. (…)
«The official said European allies have told the United States that Russia has “crossed a line of unacceptable behavior” and should “expect international condemnation.” “I do sense an emerging unified view among our key allies,” he said.»
Toutes ces prudentes accusation sont largement tempérées par une sèche critique du comportement de Saakachvili, marquant combien les USA n’entendent certainement pas s’impliquer de quelque façon que ce soit au côté de la Géorgie: «Still, Georgia bears some of the blame for the fighting over South Ossetia, the official said. Recently, the United States has had “very blunt exchanges with” Georgia, telling its leaders that they have no chance of winning a war with Russia and that they should stick to a path of diplomacy.»
Conclusion à ce point, tirée par McClatchy Newspapers, dans un rapport du 10 août : Russia is back, elle affirme sa puissance régénérée et les USA n’y peuvent rien (les Européens non plus, by the way)…
«Even as it accused Russia of using “disproportionate” force in the conflict over Georgia's rebel South Ossetia province, the United States on Saturday found itself with few diplomatic or military options to deter Moscow's ferocious air and ground assault.
»In fact, most of the key cards, including the power to veto any United Nations Security Council resolution, were held by Russia, which appeared to be using the crisis to ram home to the United State and its allies that it will not accept further expansion of NATO. Both Georgia and the former Soviet republic of Ukraine are seeking to join the alliance.
«The Russian invasion “sends a message to all of the countries in the former Soviet space that Russia is resurgent and is willing to flex it muscles,” said David Phillips, an expert with the Atlantic Council. “This is Russia's assertion of power,” said retired Army Gen. Wesley Clark, a former top NATO commander.
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