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Archéologie : L’âge de pierre dans le désert

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  • Archéologie : L’âge de pierre dans le désert

    Dans le désert du Ténéré, au Niger, a été mis à jour le plus grand site archéologique de l’âge de pierre au Sahara. Près des rives d’un ancien lac, le site de Gobero renferme le plus grand et le plus vieux cimetière préhistorique de la région, mais aussi les vestiges des populations de pêcheurs qui vivaient là, certains il y a 10 000 ans, à l’époque où le Sahara n’était pas un désert. Notre envoyée spéciale permanente aux Etats-Unis, Donaig Le Du a rencontré l’une des membres de cette équipe, l’archéo-zoologue française Hélène Jousse.

    RFI : Hélène Jousse, vous faites partie de l’équipe scientifique qui a travaillé sur cette extraordinaire découverte de Gobero dans le Ténéré. A quoi ressemble ce site aujourd’hui ?

    Hélène Jousse : Gobero se trouve au centre du Niger dans une région qui est complètement désertique aujourd’hui et le site apparaît sous forme d’anciennes dunes qui font deux à trois mètres de haut, au sommet desquelles on a trouvé tous les vestiges de l’occupation de ces hommes.

    Au départ, l’équipe de Paul Sereno recherchait des dinosaures. Et puis, un des membres de l’équipe a grimpé sur ces dunes et a trouvé à l’affleurement des squelettes d’hommes. C’était donc une découverte un peu fortuite dans une expédition qui n’avait pas du tout cet objectif-là.

    RFI : Quel âge ont ces squelettes d’êtres humains et que nous racontent-ils ?

    Hélène Jousse : Deux populations se sont succédé sur le site de Gobero. La première, la plus ancienne, a occupé le site entre dix à sept mille ans avant nos jours. Ensuite on a un intervalle de temps où il n’y a plus d’occupation. Et la deuxième phase de population intervient entre six à quatre mille ans.

    Sur ce site, les deux populations ont habité, se sont nourries, ont produit des poteries, ont chassé, pêché… et ont aussi enterré leurs morts dans un cimetière, qui est vraiment une particularité de ce site car il est le plus ancien et le plus grand connu à cette époque. Dans les autre sites contemporains, on trouve en général des sépultures isolées : une ou deux, dix au maximum. Ici, on en a comptées au moins deux cents.


    Le squelette d'une femme et deux enfants, agés de 5 et 8 ans, morts il y a 5300 ans à Gobero dans le désert du Ténéré.
    Mike Hettwer © 2008 National Geographic


    Les plus vieux habitants de Gobero s’appellent les Kiffians. Ces hommes étaient très grands, presque deux mètres. Ils vivaient au bord d’un lac étroit, de cinq mètres de profondeur, mais qui était relié au bassin du Tchad et qui apportait donc une faune très importante, de poissons dans le lac lui-même, mais aussi de mammifères sauvages, d’antilopes, d’éléphants, de girafes, etc… Quant à la végétation, on ne peut pas la qualifier de luxuriante, mais c’était une savane beaucoup plus arborée, beaucoup plus développée évidemment que le désert d’aujourd’hui.

    RFI : Pour quelle raison cette première population a-t-elle disparu ?

    Hélène Jousse : Il y a deux possibilités climatiques pour expliquer cette disparition. La première est que l’on sait que le site a été inondé et de façon prolongée. Mais l’on sait aussi qu’il y a eu un petit épisode plus aride à cette période de temps qui date environ de huit mille ans et qui a probablement forcé ces populations à migrer.

    Plus tard, la deuxième population est donc arrivée sur les lieux. On les appelle les Ténéréens, qui sont des hommes un peu plus petits, plus graciles, qui sont enterrés dans des positions encore fléchies, mais pas « hyperfléchies », c’est-à-dire que les jambes sont un peu repliées, les bras sont devant le torse, les mains devant la tête. Ils portent aussi beaucoup d’ornements sur eux : des bijoux, des colliers qui sont faits soit en ivoire d’éléphant ou d’hippopotame, soit dans des œufs d’autruche, des bracelets et aussi quelques éléments de faune comme une défense de phacochère sur l’une des sépultures.

    Ils vivaient dans un environnement où il y avait encore de l’eau présente, probablement de façon saisonnière. Les poissons qui vivent à cette période-là sont très peu diversifiés. Il n’y a plus que deux types de poissons : ceux qu’on trouve habituellement dans les mares qui sont inondées seulement à la période humide de l’année. Et puis la faune terrestre laisse place à des éléphants, des girafes, des éléments de faune qu’on trouve non plus dans les milieux de savane humide, mais plutôt de savane sèche.


    RFI : Et puis ces populations un jour aussi ont disparu. Sait-on ce qui s’est passé ?

    Hélène Jousse : Le désert s’installe, donc le climat « s’aridifie ». Ces mares qui étaient peut-être encore saisonnières ne vont plus être inondées. Il n’y a donc plus de ressources, plus de faune, plus de végétation, on ne peut donc plus vivre dans ces environnements-là. A partir de deux mille ans, on ne trouve plus de restes d’occupation.

    RFI : Au-delà de l’intérêt purement scientifique de cette découverte, qu’est-ce qu’on ressent quand un jour au bout du…(je ne sais pas ce que vous utilisez) du marteau, de la truelle, du pinceau… on découvre une tombe comme celle-là ?

    Hélène Jousse : On utilise plutôt des pinceaux sur ce site car c’est du sable qui est encore très meuble. Et en général, on commence parce qu’on a vu un petit morceau de crâne affleurer. On sait donc qu’il va y avoir quelque chose, mais on ne sait pas du tout quoi, combien, dans quelle position. Et c’est vrai que c’est assez émouvant de suivre avec le pinceau la position de chaque os, les membres, de voir comment ils ont été enterrés et de voir apparaître un bijou, un collier…

    RFI : Vous trouvez des squelettes. Parvenez-vous à imaginer à quoi ils ressemblaient, et est-ce que vous y pensez ?

    Hélène Jousse : C’est difficile évidemment parce qu’il faut s’imaginer la couleur de la peau, les cheveux, la stature, et puis aussi les vêtements. Quand on trouve par exemple cet homme qui était très grand, complètement recroquevillé dans sa tombe, on s’imagine une espèce de géant qui allait pêcher ces poissons énormes. On rêve oui, on s’imagine un peu leur mode de vie, qui ils étaient et comment ils vivaient.

    RFI : Vous n’avez pas peur de les déranger ?

    Hélène Jousse : On espère ne pas les déranger, évidemment. On ne fouille pas un squelette juste parce que c’est beau et parce que c’est intéressant, mais parce que ça a vraiment une importance pour l’histoire du pays, pour l’histoire de l’humanité, pour comprendre l’évolution humaine.



    Entretien réalisé par Donaig Le Du
    Radio France Internationale. Le 15 Août 2008.
    “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf
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