Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Les enfants du pain noir

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Les enfants du pain noir

    Des centaines, voire des milliers d’enfants travaillent au noir en Algérie. Oran en fait partie.

    Au milieu d’un énorme tas d’ordures, des enfants de tout âge, creusent. Ils cherchent des objets susceptibles d’être monnayés. La finalité, gagner quelques sous et alléger, un tant soit peu, la misère de leurs parents.

    Des jeunes enfants affluent chaque matin vers les agences de transport.

    Tout au long de la journée, ils ne cessent de harceler les voyageurs en leur proposant des bouteilles d’eau, des cacahuètes, des cigarettes.

    D’autres sillonnent les artères de la ville en quête de pain sec. Ce sont là des enfants qui n’ouvrent pas droit aux vacances et qui à l’instar des adultes, travaillent pour gagner leur pain.

    Leurs vacances sont intimement liées aux décharges publiques, marchés et trottoirs. Ils ne connaissent aucun moment de répit pendant la saison estivale.

    Dans nombre de familles démunies, le travail des enfants, pendant l’été, est un passage obligé. Et chacun des enfants rencontrés excelle dans un domaine bien précis.

    Khobz yabès et décharges publiques

    Le soleil commence à peine à se lever que trois enfants âgés entre 10 à 11 ans investissent les localités d’Es-Senia, Maraval, Saint Hubert, les Palmiers....Ils viennent de loin et s’immobilisent devant chaque immeuble.

    A gorge déployée, ils demandent du pain sec ou communément appelé «khobz yabès» Du haut du balcon, une femme jette un grand sachet noir bien rempli. Trois enfants accueillent avec bonheur et enthousiasme le sachet. Qui sont ces jeunots? Que font-ils? Pourquoi reviennent-ils chaque matin et cherchent-ils toujours du pain? Ce sont les enfants eux-mêmes qui répondent à notre curiosité. Pour Abdekka (Abdelkader dans le jargon oranais), la misère de sa famille le motive à travailler malgré son jeune âge. Pour Samir, il doit travailler pour amasser quelques sous lui permettant de s’acheter les manuels de la prochaine rentrée scolaire tandis qu’Ali et Mohamed ne trouvent rien de mieux à faire que de travailler pour subvenir à des frères orphelins du côté paternel.

    La paresse, le handicap de certains parents, en un mot la pauvreté, sont autant de raisons qui sont évoquées. C’est ainsi que Abdekka, Mohamed, Samir et Ali sont motivés à exercer des métiers qui n’existent que dans l’Algérie des temps modernes. Ils se livrent, au quotidien, à des besognes peu valorisantes qui sont la quête du pain sec, fouiner dans les décharges publiques et vendre des objets. «Pourvu qu’il y ait de la matière à vendre et gagner de l’argent.»

    Ces enfants sont conscients des missions rudes qui les attendent.

    Réclamer du «khobz yabès» est le top des créations de 2008.

    Chaque jour que Dieu fait, des enfants de tout âge se pointent dès l’aurore, dans plusieurs cités. «Il y a des enfants qui exercent ce métier même durant leur scolarité.» C’est un métier qui n’est pas comme les autres. Il exige de son pratiquant beaucoup d’audace et de persévérance et d’être exercé, exclusivement, par les bambins. Et pas n’importe quel bambin.

    Ce dernier doit être crédible auprès des familles aisées. La rapidité dans l’exécution de cette tâche doit être de mise. Des barons qui excellent en matière «d’exploitation des enfants» se sont constitués en clans.

    Les jeunes enfants se rabattent sur cet emploi nourricier. D’autant que leur recrutement est, à l’avance, assuré et leur paiement se fait selon le rendement.

    Alors que leurs parents -lorsqu’ils ont cette chance- n’ont pas encore gagné leur poste de travail, Samir, Mohamed et Ali sont déjà sur le terrain.

    Trois bambins dont l’âge ne dépasse pas les 15 ans, résidant au quartier les Amandiers, se lèvent avant l’aube. Direction les quartiers huppés de Maraval, Saint Hubert et les Palmiers. Munis de grands sacs en plastique ou en toile, à tue-tête, sans se soucier de ce que diront les enfants de leur âge, ils implorent les habitants des quartiers qu’ils visitent.

    Idem pour ceux qui exercent le métier de fouineurs de décharges publiques. Ils vident de grosses poubelles. Des enfants tout petits arrachent leur pain et celui de leurs familles du fond des décharges publiques.

    A chacune des haltes qu’ils observent, ils manipulent à mains nues, et dans l’indifférence totale, les déchets ménagers et hospitaliers, dangereux, enfouis dans un océan d’odeurs repoussantes. Abdekka, âgé de 16 ans s’applique, au quotidien, à trouver la matière à revendre à M’dina Jedida, au fin fond des odeurs nauséabondes. Il n’oublie aucun détail.

    Pour Abdekka, tout objet qui se monnaye doit être mis dans son sac. Pour ce dernier, vider un grand bac d’ordures d’une quelconque cité ne prend que quelques minutes. Avec un peu d’humour, Abdekka nous dira: «J’ai déjà un an d’expérience dans ce métier.»

    A notre question sur les raisons qui le privent de vacances, notre interlocuteur s’irrite et entonne: «Les vacances, c’est pour flène et flène», avant d’ajouter: «En tout cas, même les plages sont privées.» Nos questions sur les vacances ont émerveillé le jeune homme qui s’est mis à nous interroger: «Pense-tu qu’il y a des vacances en Algérie?» «Moi, je ne pense pas» répond-il lui-même à la question qu’il venait de poser.


    Aussi, il y a la rue qui est devenue un lieu de travail par excellence. Mais un travail qui est, à la fois, cruel et dangereux, menaçant souvent la vie de ces enfants.


    Beaucoup de gamins luttent pour exercer dans la rue un travail «légal et légitime», selon le jargon de ces jeunes travailleurs et maîtres de la rue, afin d’assurer leur survie et celle de leurs familles.


    Ils excellent dans le gardiennage des voitures, ils déplacent des colis, bagages et marchandises des acheteurs et vendeurs dans les marchés. Ils vendent des cigarettes, fleurs et des gadgets dans les restaurants, bars et cafés...
    Le travail des enfants est un problème mondial n’épargnant aucun pays industrialisé ou en développement.
    Faute de statistiques officielles, il est difficile de donner avec exactitude le nombre d’enfants qui travaillent en Algérie, dans une métropole telle qu’Oran.


    Une chose est sûre, les enfants travailleurs sont en nombre si important qu’il est impossible d’occulter ce phénomène.


    Dans le monde, au moins 250 millions d’enfants âgés entre cinq à quatorze ans, travaillent partiellement, selon les ONG et l’Unicef (institution spécialisée de l’ONU).

    D’autres sont obligés de travailler à plein temps, d’autant que 10% des enfants qui travaillent ont définitivement quitté les bancs des écoles.


    De vrais problèmes sont ainsi posés surtout lors qu’on sait que la moitié de ces travailleurs n’est pas recensée. Selon l’Unicef, au moins 158 millions d’enfants sont soumis au travail.


    En Algérie, une étude faite en 2005, par l’Institut national du travail et par le Bureau international du travail, démontre qu’un taux de plus de 15 6% des enfants qui travaillent sont des écoliers. Cette enquête a été effectuée sur un échantillonnage de 2 146 enfants répartis sur douze wilayas du pays.


    Un taux de 82% des enfants actifs travaillent comme saisonniers tandis que 44 4% autres exercent comme vendeurs ambulants. La majorité travaille dans les cafés et les pizzerias.

    L’action sociale inéfficace


    A qui profitent les actions sociales? Une question qui mérite d’être posée avec lucidité. Sauver l’enfance de l’exploitation reste un problème qui interpelle les autorités concernées.


    Les parents sont plus que convaincus que les actions du département de la Solidarité nationale ne sont pas efficientes.


    Les enfants, quant à eux, sont persuadés que leur avenir dépend d’eux et de ce qu’ils peuvent réaliser durant l’été. Ces enfants, qui se mettent dans la peau des adultes, sont poussés à travailler pendant que les services censés les protéger, persistent dans leur léthargie.


    Les spécialistes sont unanimes à dire que la survie est tributaire d’un travail même instable.


    Un emploi, même vulnérable, peut subvenir aux besoins de la famille.
    L’essentiel est de pouvoir subvenir aux besoins immédiats, expliquent-ils.
    «C’est un phénomène mondial», ajoutent les mêmes sources. Aucun pays n’est épargné.


    La crise sévit au plus haut niveau et le reste est à venir, mettent en garde les experts, selon lesquels si des mesures à la hauteur du fléau tardent à venir, la situation des enfants risque d’empirer quand aucune prise en charge ou action ne sont diligentés en direction de ces jeunes en perdition.


    Au niveau local, plusieurs villes sont investies par des phénomènes qui interpellent les pouvoirs publics. «Il faut en finir, une fois pour toutes, avec ce dossier et redonner à l’enfant l’espoir de vivre». «Sinon, fini le bon vieux temps où l’Algérien était fier de son algérianité et vivait dignement de son salaire avec lequel il faisait vivre sa famille.» Or, insensiblement le monde de travail se transforme indéniablement en un grand chantier informel où la masse ouvrière infantile et juvénile se généralise.


    - L’Expression
Chargement...
X