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A Novi Afon, parmi les moines rebelles d'Abkhazie

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  • A Novi Afon, parmi les moines rebelles d'Abkhazie

    Entre les cyprès d'un vert sombre qui s'élancent effilés vers le ciel, on aperçoit six navires de guerre russes dans la baie. Sur la route côtière grondent les moteurs des convois militaires. Nous sommes sous les murs orange et ocre du monastère orthodoxe de Novi Afon, en Abkhazie, comme l'Ossétie du Sud une province sécessionniste de Géorgie soutenue par Moscou.

    Officiellement, les 50 moines qui résident ici appartiennent à l'Eglise orthodoxe géorgienne. Une affiliation qu'ils rejettent, tout comme les hommes politiques abkhazes ont refusé d'être soumis aux Géorgiens, contre lesquels ils ont mené en 1992 et 1993 une guerre qui a abouti à la proclamation d'indépendance de la République d'Abkhazie, non reconnue par la communauté internationale.

    "Le séparatisme, qu'est ce que ça veut dire ? Ça veut dire que vous voulez vous séparer... Et de qui voulons-nous nous séparer? D'une bande d'assassins!", lance le père Vissarion, qui dirige l'Eglise orthodoxe autoproclamée d'Abkhazie.

    "Si un homme bat sa femme, la justice permet à celle-ci de le quitter. On dit que nous sommes des séparatistes abkhazes mais est-ce que cela veut dire que nous sommes des Géorgiens? Nous n'avons rien de commun avec eux!", explique le religieux.

    Même si toutes les Eglises orthodoxes considèrent que l'Abkhazie reste sous le contrôle du patriarcat géorgien, les désirs d'indépendance du père Vissarion ont été renforcés ces derniers jours à l'occasion de la crise entre Moscou et Tbilissi.

    Les miliciens abkhazes ont pris possession cette semaine de la dernière portion de territoire qui était toujours sous l'autorité de la Géorgie, après quinze années d'une paix fragile garantie par les soldats russes. Ils ont profité de la violente riposte des Russes à l'attaque lancée il y a dix jours par le président géorgien Mikhaïl Saakachvili contre l'Ossétie du Sud.

    UNE MESSE POUR LES MARINS RUSSES

    Les bombardements géorgiens, notamment sur Tskhinvali, la capitale sud-ossète, ont suscité une vague d'indignation en Abkhazie, où la communauté orthodoxe, qui représente 75% de la population, a noté avec rancoeur que le patriarche géorgien Ilia II n'avait pas condamné l'offensive ordonnée par Saakachvili.

    "Malheureusement, Ilia II voit les problèmes à travers le prisme de la politique, et c'est la politique de Saakachvili. Il n'a rien dit contre le génocide mené en Ossétie du Sud", déplore à Novi Afon le père Ignation. Les moines "rebelles" d'Abkhazie affirment ne rien faire d'autre aujourd'hui qu'imiter la Géorgie après la révolution bolchévique de 1917, quand Tbilissi avait rétabli l'indépendance de l'Eglise géorgienne par rapport au patriarcat de Moscou.

    Jusqu'au début du XIXe siècle, les orthodoxes d'Abkhazie avaient leur Eglise indépendante. Et ils veulent retrouver aujourd'hui cette liberté en se dégageant de la tutelle géorgienne, même purement théorique.

    Une tâche ardue car la plupart des religieux ont quitté l'Abkhazie après la guerre de 1992-1993. Les quelques popes et moines qui sont restés ont dû faire appel à des volontaires venus de Russie pour rebâtir une Eglise "nationale".

    Les désaccords entre les "séparatistes" et l'Eglise géorgienne sont nombreux et profonds, même si Ilia II multiplie les appels à l'apaisement. "La Géorgie a connu des temps plus durs et a toujours trouvé les moyens de surmonter les obstacles", a-t-il récemment commenté sur le site internet du patriarcat géorgien. Il n'est pas surprenant, dans ces circonstances, de voir les popes de Novi Afon célébrer dimanche une messe pour les équipages des navires de guerre russes au mouillage dans la baie.

    Prêtres et moines accueillent aussi avec plaisir les centaines de touristes qui affluent au monastère. Une jeune femme blonde, portant une casquette de marin, un short rose, un chemisier rouge et des sandales brillantes, s'approche du père Ignation et demande sa bénédiction. Rencontre inattendue de deux mondes. "Je vous bénis", murmure le moine. "Mais je pense vraiment que vous devriez vous couvrir un peu plus..."

    Par Reuters
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