«Les terroristes algériens se sont professionnalisés»
Le chercheur Luis Martinez, spécialiste de la violence en Algérie et au Maghreb au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri), analyse pour 20minutes.fr le renouveau du terrorisme algérien. Interview.
L’Algérie vient de subir quatre attaques terroristes qui ont causé la mort d’une soixantaine de personnes. Est-ce le retour de la terreur?
Non, je ne pense pas. Cela fait quatre ans que les attaques ont repris mais on ne peut parler de terreur. Contrairement aux années 1990 durant lesquelles les terroristes visaient les civils dans des attentats très sanglants, les attaques de ces dernières années ciblent surtout l’appareil sécuritaire algérien. Les victimes civiles de ses attentats ne sont jamais les premières visées. Dans le cas des quatre attaques de ces deux derniers jours, elles ne semblent pas s’inscrire dans un calendrier politique mais relèvent d’une opportunité du moment.
L’allégeance des terroristes algériens du Groupe salafiste de prédication et de combat (GSPC) à al-Qaida a-t-il modifié leur façon d’opérer?
Oui, il y a une évolution. Auparavant, les attentats-suicide, qui sont la marque de fabrique d’al-Qaida, n’existaient pas en Algérie. Depuis deux ans, ils sont apparus comme un nouveau moyen d’action. C’est une façon de frapper fort avec peu de moyens et cet instrument de guerre tend à se développer. Autre évolution importante: les terroristes algériens se sont professionnalisés. Dans les années 1990, il s’agissait de jeunes radicaux enthousiastes mais désorganisés. Aujourd’hui, ils semblent plus aguerris, notamment parce que le réseau al-Qaida leur a transmis son savoir-faire. Ce transfert s’opère via des formations dans des camps d’entraînement, des manuels et de CD du parfait terroriste circulent aussi sur Internet ou sous le manteau…
Depuis la fin des années 1990, les terroristes algériens, que l’on estime à environ 2.000, même si leur nombre reste difficile à chiffrer, ont repris du poil de la bête: ils ont retrouvé des convictions, notamment celle de faire partie du front du jihad, et par-là même une force de mobilisation. En revanche, ces groupes ne disposent pas d’une grande force de frappe: ils n’ont ni missiles, ni armes lourdes par exemple. D’où le recours aux explosifs, facile à se procurer et bon marché.
Comment se comporte la société algérienne face à ces attaques?
Elle ne soutient pas du tout ces groupes terroristes et préfère rester à l’écart, sans pour autant coopérer avec le pouvoir en place. C’est là le drame de l’Algérie: perçu comme illégitime, le régime algérien ne parvient pas à mobiliser ses citoyens dans sa lutte contre le terrorisme. Et l’armée ne peut gagner sans le soutien de la population.
AFP ¦ Les services de voirie interviennent après un attentat à la voiture piégée près d'un comissariat de Tizi Ouzou (Algérie), le 3 août 2008
Propos recueilli par Sandrine Cochard
20Minutes.fr, éditions du 20/08/2008 -
Le chercheur Luis Martinez, spécialiste de la violence en Algérie et au Maghreb au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri), analyse pour 20minutes.fr le renouveau du terrorisme algérien. Interview.
L’Algérie vient de subir quatre attaques terroristes qui ont causé la mort d’une soixantaine de personnes. Est-ce le retour de la terreur?
Non, je ne pense pas. Cela fait quatre ans que les attaques ont repris mais on ne peut parler de terreur. Contrairement aux années 1990 durant lesquelles les terroristes visaient les civils dans des attentats très sanglants, les attaques de ces dernières années ciblent surtout l’appareil sécuritaire algérien. Les victimes civiles de ses attentats ne sont jamais les premières visées. Dans le cas des quatre attaques de ces deux derniers jours, elles ne semblent pas s’inscrire dans un calendrier politique mais relèvent d’une opportunité du moment.
L’allégeance des terroristes algériens du Groupe salafiste de prédication et de combat (GSPC) à al-Qaida a-t-il modifié leur façon d’opérer?
Oui, il y a une évolution. Auparavant, les attentats-suicide, qui sont la marque de fabrique d’al-Qaida, n’existaient pas en Algérie. Depuis deux ans, ils sont apparus comme un nouveau moyen d’action. C’est une façon de frapper fort avec peu de moyens et cet instrument de guerre tend à se développer. Autre évolution importante: les terroristes algériens se sont professionnalisés. Dans les années 1990, il s’agissait de jeunes radicaux enthousiastes mais désorganisés. Aujourd’hui, ils semblent plus aguerris, notamment parce que le réseau al-Qaida leur a transmis son savoir-faire. Ce transfert s’opère via des formations dans des camps d’entraînement, des manuels et de CD du parfait terroriste circulent aussi sur Internet ou sous le manteau…
Depuis la fin des années 1990, les terroristes algériens, que l’on estime à environ 2.000, même si leur nombre reste difficile à chiffrer, ont repris du poil de la bête: ils ont retrouvé des convictions, notamment celle de faire partie du front du jihad, et par-là même une force de mobilisation. En revanche, ces groupes ne disposent pas d’une grande force de frappe: ils n’ont ni missiles, ni armes lourdes par exemple. D’où le recours aux explosifs, facile à se procurer et bon marché.
Comment se comporte la société algérienne face à ces attaques?
Elle ne soutient pas du tout ces groupes terroristes et préfère rester à l’écart, sans pour autant coopérer avec le pouvoir en place. C’est là le drame de l’Algérie: perçu comme illégitime, le régime algérien ne parvient pas à mobiliser ses citoyens dans sa lutte contre le terrorisme. Et l’armée ne peut gagner sans le soutien de la population.
AFP ¦ Les services de voirie interviennent après un attentat à la voiture piégée près d'un comissariat de Tizi Ouzou (Algérie), le 3 août 2008
Propos recueilli par Sandrine Cochard
20Minutes.fr, éditions du 20/08/2008 -
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