Au Cameroun, le pétrole est resté pendant très longtemps la chasse gardée d’un cercle restreint du pouvoir politique. En dépit de l’injustice dont il est la source, nous n’allons pas, comme notre compatriote de Tayo, nous contenter de déclarer le pétrole maudit. Au contraire nous devons nous mobiliser pour exorciser cette malédiction en agissant dans le sens de la réappropriation de ce bien commun.
[Yaoundé - Cameroun] - 22-08-2008 (Paul Geremie BIKIDIK)
QUAND PETROLE ET MISERE FONT BON MENAGE: SOUS LE VOILE DE LA GESTION DES REVENUS DE L’OR NOIR AU CAMEROUN
1. Introduction
Malgré le déclin observé de la production nationale de pétrole brut, l’économie et les finances. Parler du pétrole au Cameroun publiques du Cameroun sont de plus en plus dépendants des revenus du pétrole (34,7% du budget en 2006). Au Cameroun, le pétrole est resté pendant très longtemps la chasse gardée d’un cercle restreint du pouvoir politique. Depuis sa création par Décret Présidentiel du 13 Mars 1981, la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH), par exemple, continue d’être sous le joug de la Présidence de la République. Que ce soit sous l’ancien ou le nouveau régime, parler du pétrole dans les discussions et débats quotidiens était considéré comme un «interdit» socio-politique, un crime de lèse-majesté comme diraient les anthropologues. Dans ce contexte, on comprend facilement pourquoi les questions relatives à la gestion de l’or noir restent un sujet tabou et mystérieux pour plusieurs générations de Camerounais. Pour emprunter une mythologie populaire du terroir, on pourrait affirmer sans risque de se tromper qu’en ce qui concerne les problèmes du pétrole, «on ne sait pas où ça commence, on ne sait pas où ça finit» étant donné que ses gestionnaires et administrateurs ne «rendent compte qu’au Président de la République».
Le marasme économique des années 1980s et la dépréciation des prix des principaux produits agricoles d’exportation (cacao, café, coton ) ont conduit le gouvernement camerounais à lever un pan de voile sur la gestion des revenus pétroliers. Au rang des motivations extérieures de ce volte-face involontaire nous pouvons mentionner des pressions d’institutions financières internationales, d’organisations non gouvernementales (ONG) et de certaines structures comme L’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE). Malgré cette approche nouvelle des autorités publiques beaucoup de consommateurs restent circonspects sur la gestion du secteur aval de l’industrie pétrolière.
2. La Rente Pétrolière en Chiffres
Grâce à une légère hausse de la production nationale de pétrole en 2007 et surtout à la flambée du cours du baril du pétrole brut sur le marché mondial - qui se situe aujourd’hui autour de 115 dollars US – la SNH vient d’être classée meilleure entreprise camerounaise de l’année 2007 par l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique. SONARA et COTCO, deux autres leaders du secteur pétrolier, occupent respectivement la deuxième et la troisième place dudit classement. Aussi curieux que cela puisse paraître, cette embellie record du cours du baril n’a eu aucun effet concret sur le quotidien du consommateur ordinaire au Cameroun.
Les prix au détail des produits pétroliers et du gaz à usage domestique connaissent depuis 12 ans une augmentation exponentielle. Entre 1995 et 2007 le litre de super à la pompe a augmenté de 32%, 29% pour le litre de gasoil et 46% pour le litre de kérosène. La bombonne de gaz de 12,5 kg, quand à elle, est passée de 3800 FCFA en 1998 à 6000 FCFA en 2007, soit une augmentation de 58%. A titre de comparaison, l’ essence coûte plus cher à Douala qu’à Cotonou au Bénin, pays non producteur de pétrole. C’est donc en toute logique que les consommateurs ont le sentiment de ne pas bénéficier des dividendes d’une ressource naturelle dont ils sont pourtant les légitimes propriétaires.
D’après plusieurs sources, les réserves pétrolières camerounaises sont aujourd’hui estimées à 700 millions de barils. Mais, selon la SNH, suite à l’épuisement des champs pétroliers, la production nationale serait en chute libre; elle aurait baissé de moitié depuis 20 ans. De 39,4 millions de barils en 2004, elle est passée à 30 millions de barils en 2005, puis à 23,9 millions de barils en 2006; soit une baisse de 6,1% entre 2005 et 2006. Avec une production moyenne de 100.000 barils/jour, le Cameroun est désormais un petit producteur de pétrole après avoir occupé le peloton de tête des pays producteurs d’or noir en Afrique. Bénéficiant du nouveau projet pétrolier entre Doba, Sedigui et Kribi, le Tchad est passé devant nous avec 225.000 barils/jour.
Certains observateurs pensent que les arguments tels que la mauvaise qualité et la décote du pétrole brut camerounais par rapport au brut de référence sur le marché de l’ énergie, ou encore l’épuisement des champs pétroliers, ne suffisent pas à expliquer la baisse actuelle de la production nationale. Cette baisse contraste curieusement avec la hausse vertigineuse de la production des pays voisins comme la Guinée Equatoriale et le Nigeria. La production du Nigeria par exemple augmente de 3% chaque année, alors que la grande majorité des gisements qu’exploite ce pays se trouvent dans le bassin du delta du Niger, une zone de 75000 Km2 qui se prolonge jusqu’au Cameroun et en Guinée Equatoriale.
En termes de revenus sonnants et trébuchants, la même SNH nous informe qu’en 2004, l’Etat a perçu environ 596 milliards de FCFA, dont 267,147 milliards de FCFA ont été versés au trésor public, et 24,510 milliards de FCFA dépensés. En 2005, le notre pays aurait tiré un peu plus de 790 milliards de FCFA de sa production pétrolière, dont 380,775 milliards de FCFA ont été versés au trésor public. Toujours selon la SNH, en 2006, le Trésor public a reçu 425,9 milliards de FCFA sur les 777,3 milliards de FCFA de recettes équivalent à la part de l’état du Cameroun dans l’exploitation pétrolière. Pour l’année 2007, la SNH a annoncé un chiffre d’affaires en hausse de 54% et un résultat net de 20 milliards de FCFA.
3. L’Arbre qui Cache la Forêt
Derrière ces résultats mirobolants qu’on nous brandit, se cache une réalité plus perfide, celle de la mauvaise gouvernance du secteur aval de l’industrie pétrolière au Cameroun. Comme par hasard, les chiffres susmentionnés ne donnent aucune indication sur la quantité totale de pétrole extraite au Cameroun et les parts respectives des compagnies étrangères bénéficiaires des concessions et de permis d’exploration et d’exploitation. En dépit de la loi, les contrats de concessions et de licences continuent à prévoir des clauses de confidentialité, dispositions qui sont faites pour dissuader les parties (notamment les compagnies extractives occidentales) à publier unilatéralement les chiffres exhaustifs de l’activité pétrolière au Cameroun.
L’argent du pétrole est-il véritablement utilisé pour financer le développement et l’amélioration des conditions de vie des Camerounais, comme le prétend le gouvernement? Les recettes générées par le pétrole arrivent-elles intégralement dans les caisses de l’état, sinon où vont-elles? Que nous rapporte exactement le pipeline Tchad-Cameroun? Quelle est la part des recettes non pétrolières dans les revenus dus à l’activité de production et de commercialisation du pétrole camerounais? Avec un sous- sol aussi riche en pétrole comment comprendre qu’on se soit battu pour être éligible à l’initiative pays pauvres très endettés et qu’après nous avoir astreints à d’énormes sacrifices pendant plusieurs années, l’atteinte en Avril 2006 du point d’achèvement de IPPTE ne se soit accompagnée d’un soulagement notoire pour les consommateurs? Sachant que cette ressource n’est pas inépuisable, quelle orientation économique le gouvernement préconise-t-il pour l’après-pétrole? Quel est le bilan écologique de l’exploitation pétrolière au Cameroun?
[Yaoundé - Cameroun] - 22-08-2008 (Paul Geremie BIKIDIK)
QUAND PETROLE ET MISERE FONT BON MENAGE: SOUS LE VOILE DE LA GESTION DES REVENUS DE L’OR NOIR AU CAMEROUN
1. Introduction
Malgré le déclin observé de la production nationale de pétrole brut, l’économie et les finances. Parler du pétrole au Cameroun publiques du Cameroun sont de plus en plus dépendants des revenus du pétrole (34,7% du budget en 2006). Au Cameroun, le pétrole est resté pendant très longtemps la chasse gardée d’un cercle restreint du pouvoir politique. Depuis sa création par Décret Présidentiel du 13 Mars 1981, la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH), par exemple, continue d’être sous le joug de la Présidence de la République. Que ce soit sous l’ancien ou le nouveau régime, parler du pétrole dans les discussions et débats quotidiens était considéré comme un «interdit» socio-politique, un crime de lèse-majesté comme diraient les anthropologues. Dans ce contexte, on comprend facilement pourquoi les questions relatives à la gestion de l’or noir restent un sujet tabou et mystérieux pour plusieurs générations de Camerounais. Pour emprunter une mythologie populaire du terroir, on pourrait affirmer sans risque de se tromper qu’en ce qui concerne les problèmes du pétrole, «on ne sait pas où ça commence, on ne sait pas où ça finit» étant donné que ses gestionnaires et administrateurs ne «rendent compte qu’au Président de la République».
Le marasme économique des années 1980s et la dépréciation des prix des principaux produits agricoles d’exportation (cacao, café, coton ) ont conduit le gouvernement camerounais à lever un pan de voile sur la gestion des revenus pétroliers. Au rang des motivations extérieures de ce volte-face involontaire nous pouvons mentionner des pressions d’institutions financières internationales, d’organisations non gouvernementales (ONG) et de certaines structures comme L’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE). Malgré cette approche nouvelle des autorités publiques beaucoup de consommateurs restent circonspects sur la gestion du secteur aval de l’industrie pétrolière.
2. La Rente Pétrolière en Chiffres
Grâce à une légère hausse de la production nationale de pétrole en 2007 et surtout à la flambée du cours du baril du pétrole brut sur le marché mondial - qui se situe aujourd’hui autour de 115 dollars US – la SNH vient d’être classée meilleure entreprise camerounaise de l’année 2007 par l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique. SONARA et COTCO, deux autres leaders du secteur pétrolier, occupent respectivement la deuxième et la troisième place dudit classement. Aussi curieux que cela puisse paraître, cette embellie record du cours du baril n’a eu aucun effet concret sur le quotidien du consommateur ordinaire au Cameroun.
Les prix au détail des produits pétroliers et du gaz à usage domestique connaissent depuis 12 ans une augmentation exponentielle. Entre 1995 et 2007 le litre de super à la pompe a augmenté de 32%, 29% pour le litre de gasoil et 46% pour le litre de kérosène. La bombonne de gaz de 12,5 kg, quand à elle, est passée de 3800 FCFA en 1998 à 6000 FCFA en 2007, soit une augmentation de 58%. A titre de comparaison, l’ essence coûte plus cher à Douala qu’à Cotonou au Bénin, pays non producteur de pétrole. C’est donc en toute logique que les consommateurs ont le sentiment de ne pas bénéficier des dividendes d’une ressource naturelle dont ils sont pourtant les légitimes propriétaires.
D’après plusieurs sources, les réserves pétrolières camerounaises sont aujourd’hui estimées à 700 millions de barils. Mais, selon la SNH, suite à l’épuisement des champs pétroliers, la production nationale serait en chute libre; elle aurait baissé de moitié depuis 20 ans. De 39,4 millions de barils en 2004, elle est passée à 30 millions de barils en 2005, puis à 23,9 millions de barils en 2006; soit une baisse de 6,1% entre 2005 et 2006. Avec une production moyenne de 100.000 barils/jour, le Cameroun est désormais un petit producteur de pétrole après avoir occupé le peloton de tête des pays producteurs d’or noir en Afrique. Bénéficiant du nouveau projet pétrolier entre Doba, Sedigui et Kribi, le Tchad est passé devant nous avec 225.000 barils/jour.
Certains observateurs pensent que les arguments tels que la mauvaise qualité et la décote du pétrole brut camerounais par rapport au brut de référence sur le marché de l’ énergie, ou encore l’épuisement des champs pétroliers, ne suffisent pas à expliquer la baisse actuelle de la production nationale. Cette baisse contraste curieusement avec la hausse vertigineuse de la production des pays voisins comme la Guinée Equatoriale et le Nigeria. La production du Nigeria par exemple augmente de 3% chaque année, alors que la grande majorité des gisements qu’exploite ce pays se trouvent dans le bassin du delta du Niger, une zone de 75000 Km2 qui se prolonge jusqu’au Cameroun et en Guinée Equatoriale.
En termes de revenus sonnants et trébuchants, la même SNH nous informe qu’en 2004, l’Etat a perçu environ 596 milliards de FCFA, dont 267,147 milliards de FCFA ont été versés au trésor public, et 24,510 milliards de FCFA dépensés. En 2005, le notre pays aurait tiré un peu plus de 790 milliards de FCFA de sa production pétrolière, dont 380,775 milliards de FCFA ont été versés au trésor public. Toujours selon la SNH, en 2006, le Trésor public a reçu 425,9 milliards de FCFA sur les 777,3 milliards de FCFA de recettes équivalent à la part de l’état du Cameroun dans l’exploitation pétrolière. Pour l’année 2007, la SNH a annoncé un chiffre d’affaires en hausse de 54% et un résultat net de 20 milliards de FCFA.
3. L’Arbre qui Cache la Forêt
Derrière ces résultats mirobolants qu’on nous brandit, se cache une réalité plus perfide, celle de la mauvaise gouvernance du secteur aval de l’industrie pétrolière au Cameroun. Comme par hasard, les chiffres susmentionnés ne donnent aucune indication sur la quantité totale de pétrole extraite au Cameroun et les parts respectives des compagnies étrangères bénéficiaires des concessions et de permis d’exploration et d’exploitation. En dépit de la loi, les contrats de concessions et de licences continuent à prévoir des clauses de confidentialité, dispositions qui sont faites pour dissuader les parties (notamment les compagnies extractives occidentales) à publier unilatéralement les chiffres exhaustifs de l’activité pétrolière au Cameroun.
L’argent du pétrole est-il véritablement utilisé pour financer le développement et l’amélioration des conditions de vie des Camerounais, comme le prétend le gouvernement? Les recettes générées par le pétrole arrivent-elles intégralement dans les caisses de l’état, sinon où vont-elles? Que nous rapporte exactement le pipeline Tchad-Cameroun? Quelle est la part des recettes non pétrolières dans les revenus dus à l’activité de production et de commercialisation du pétrole camerounais? Avec un sous- sol aussi riche en pétrole comment comprendre qu’on se soit battu pour être éligible à l’initiative pays pauvres très endettés et qu’après nous avoir astreints à d’énormes sacrifices pendant plusieurs années, l’atteinte en Avril 2006 du point d’achèvement de IPPTE ne se soit accompagnée d’un soulagement notoire pour les consommateurs? Sachant que cette ressource n’est pas inépuisable, quelle orientation économique le gouvernement préconise-t-il pour l’après-pétrole? Quel est le bilan écologique de l’exploitation pétrolière au Cameroun?
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