ABANE RAMDANE ET LES FUSILS DE LA RÉBELLION DE BÉLAÏD ABANE
Une plongée dans la mémoire
Abane Ramdane a été l’un des architectes de la Révolution algérienne, son chantre, son enfant maudit.
On a toujours affirmé que l’histoire de la Révolution algérienne manquait de repères. Cela est d’autant vrai que le peu d’écrits sur cette période charnière de l’histoire récente de l’Algérie, pêche par omission, pour ne point dire d’oublis délibérés qui, outre de dénaturer cette partie du vécu algérien entre 1945 et 1962, passent à la trappe des faits et des hommes qui ont contribué puissamment à mettre sur les rails la Révolution de Novembre 1954.
Il en a été ainsi de Mohamed Boudiaf, de Krim Belkacem et autre Abane Ramdane, singulièrement, privant la jeune génération algérienne de ses repères historiques.
De fait, les générations post-Indépendance n’ont eu ouïe-dire de l’existence de ces hommes que par accident. Des faits de la Révolution et de ses hommes ont été soumis à une lourde chape de plomb. Ce fut particulièrement le cas de Mohamed Boudiaf, découvert par les jeunes, au détour des événement de janvier 1992 et de la crise politique induite par l’annulation du scrutin législatif. En privant les jeunes de ces repères historiques que sont les hommes qui ont pensé et conduit la Révolution, sur lesquels un silence de tombe a été étendu et leurs actions politiques et militantes biaisées et banalisées, c’est toute l’Histoire de l’Algérie contemporaine qui a été ainsi mutilée. L’un de ces hommes, qui ont été à la base de la Révolution, est sans conteste, le martyr Abane Ramdane relégué aux oubliettes de l’Histoire. Certes, les hommes sont ingrats, mais l’Histoire a toujours su reconnaître, même avec retard, les siens, avec ces retours de manivelle à rebours du temps, qui ont participé à remettre les choses à l’endroit. Cette phase spécifique de l’Histoire de la Révolution, avec ses hauts et ses bas, il faudra bien, un jour ou l’autre, l’écrire. En attendant que ce jour arrive, que la Révolution trouve son (ou ses) historien(s), des passionnés de l’Algérie, défrichent ici et là le terrain. Et le cas Abane Ramdane, plus particulièrement, objet de maints livres, a peut-être trouvé son avocat en la personne d’un professeur de médecine, de prime abord, pas du tout destiné à une telle oeuvre. Conter Abane Ramdane, cet homme immense, aux dires de ses contemporains et compagnons de lutte, et admis comme tel par ses contradicteurs, n’est guère une sinécure. C’est pourtant la tâche à laquelle s’est astreint le professeur Abane, un proche parent du martyr qui, dans un ouvrage intitulé Abane Ramdane et les fusils de la rébellion, tente de rendre justice à un homme qui a été l’une des pièces maîtresses de la Révolution et instigateur du Congrès de la Soummam du 20 Août 1956. Belaïd Abane qui connut les fameux «centres de regroupement», plus que de donner un texte d’historien - ce qu’il se défend d’être et n’est pas en fait - témoigne, en revanche, de faits vécus qui éclairent autant que faire se peut sur les affres que la colonisation à fait subir au peuple algérien, par les répressions, les vexations et autres regroupements devenus la marque de l’occupation en ces années de braise. Il porte également et surtout un regard inédit sur l’homme et le martyr qu’a été Abane Ramdane. En quatre grandes parties d’un volume s’étalant sur 529 pages, l’auteur brosse un large tableau de la Révolution, ses forces, ses incertitudes, le courage de ses hommes et de ses femmes, le retournement des uns, les faiblesses, toutes humaines, des autres. En fait, Abane Ramdane et les fusils de la rébellion restitue des moments forts d’un soulèvement national dont il reste encore et toujours à en écrire le premier chapitre. Mais avant que d’en arriver à cette tâche considérable, qu’il appartient aux historiens algériens d’entreprendre, Belaïd Abane se limite plus modestement à évoquer un personnage central de la guerre de Libération que fut le défunt Abane Ramdane, son proche parent.
De Cortès à Bugeaud
En introduction, Belaïd Abane, revient, quelque peu amer, sur l’échec de l’Algérie post-Indépendance où, écrit-il, «il y a ceux qui ne croient que ce qu’ils voient, et qui constatent, à juste titre, que l’Indépendance n’a pas tenu ses promesses de libération sociale, que les ‘’les rapports sociaux’’ de classe sont toujours là et, qui plus est, les Algériens sont encore des mineurs politiques, pas tout à fait libres dans leur pays pourtant redevenu libre». Cela résume assez bien une opinion de plus en plus partagée par un grand nombre d’Algériens dépités par le retour du clanisme et du tribalisme alors qu’ici et là se sont constituées des «baronnies» qui ont fait main basse sur le pays. Ceci dit, et comme le précise Belaïd Abane, le présent volume - qui s’arrête en 1957 après la Bataille d’Alger - n’est que la première mouture d’un autre à venir dans lequel l’auteur promet de donner sa version sur les circonstances de la mort ou plutôt l’assassinat de Abane Ramdane.
La longue nuit algérienne
De Cortès à Bugeaud Dans cette première partie l’auteur fait un rappel historique des circonstances de l’occupation française et de la longue nuit coloniale qui s’en est suivie. Il y fera notamment le parallèle entre la conquête hispanique du Mexique et les «colonnes infernales» de Bugeaud. Les massacres, les destructions, l’esclavagisme au nom de l’Eglise et du roi, ont été le leitmotiv des conquérants espagnols qui soumirent les Indiens du Mexique et du Pérou. Bugeaud organisa des enfumades en Algérie pour imposer la colonisation au peuple algérien. «La conquête de l’Algérie et l’épopée de Bugeaud et de ses colonnes infernales, rappellent à maints égards la folle équipée de Cortès et des conquistadors au Mexique, et le sort des tribus algériennes, celui des petites ‘’nations’’ indiennes.
Même esprit, mêmes méthodes, mêmes conséquences dramatiques sur l’organisation sociale de la population réduite en ‘’poussière’’, même déni des valeurs et des cultures autochtones, mêmes massacres et même ‘’aveuglement féroce’’, mêmes procédés de soumission et de dépossession, mêmes arguments de civilisation, de race et de religion supérieures», écrit l’auteur, retraçant un parcours similaire des esclavagistes espagnols et des tortionnaires français. Dans cette partie de l’ouvrage, l’auteur énumérera la longue guerre de conquête française faite de massacres, de razzias, de spoliation des populations et détailla les exploits d’hommes sanguinaires à l’image de Saint Arnaud, qui, se glorifiant de ses crimes, écrit en 1843 à son frère: «Le pays des Beni-Menasser est superbe et l’un des plus riches que j’ai vu en Afrique...Nous avons tout brûlé, tout détruit...Que de femmes et d’enfants réfugiés dans la neige de l’Atlas, y sont morts de froid et de misère.» Qui précise encore: «Les Brazes, je les ai brûlés et dévastés...Chez les Sidgads, même répétition en grand, c’est un vrai grenier d’abondance...Quelques-uns sont venus pour m’apporter le cheval de soumission. Je l’ai refusé parce que je voulais la soumission générale et j’ai commencé à brûler.» Saint Arnaud a écrit d’autres pages encore sanglantes dans lesquelles il dit comment il fit passer par le fil de son épée les «indigènes», se glorifiant des massacres ainsi commis. La «méthode» Lamoricière était identique, de même que celle de généraux et nobliaux venus participer à la curée des Algériens.
La nation en marche
Dans la légalité coloniale
Dans cette seconde partie, Belaïd Abane conte les méfaits de la colonisation triomphante alors que les Algériens, qui «n’en pouvaient» mais, attendaient leur heure.
Une plongée dans la mémoire
Abane Ramdane a été l’un des architectes de la Révolution algérienne, son chantre, son enfant maudit.
On a toujours affirmé que l’histoire de la Révolution algérienne manquait de repères. Cela est d’autant vrai que le peu d’écrits sur cette période charnière de l’histoire récente de l’Algérie, pêche par omission, pour ne point dire d’oublis délibérés qui, outre de dénaturer cette partie du vécu algérien entre 1945 et 1962, passent à la trappe des faits et des hommes qui ont contribué puissamment à mettre sur les rails la Révolution de Novembre 1954.
Il en a été ainsi de Mohamed Boudiaf, de Krim Belkacem et autre Abane Ramdane, singulièrement, privant la jeune génération algérienne de ses repères historiques.
De fait, les générations post-Indépendance n’ont eu ouïe-dire de l’existence de ces hommes que par accident. Des faits de la Révolution et de ses hommes ont été soumis à une lourde chape de plomb. Ce fut particulièrement le cas de Mohamed Boudiaf, découvert par les jeunes, au détour des événement de janvier 1992 et de la crise politique induite par l’annulation du scrutin législatif. En privant les jeunes de ces repères historiques que sont les hommes qui ont pensé et conduit la Révolution, sur lesquels un silence de tombe a été étendu et leurs actions politiques et militantes biaisées et banalisées, c’est toute l’Histoire de l’Algérie contemporaine qui a été ainsi mutilée. L’un de ces hommes, qui ont été à la base de la Révolution, est sans conteste, le martyr Abane Ramdane relégué aux oubliettes de l’Histoire. Certes, les hommes sont ingrats, mais l’Histoire a toujours su reconnaître, même avec retard, les siens, avec ces retours de manivelle à rebours du temps, qui ont participé à remettre les choses à l’endroit. Cette phase spécifique de l’Histoire de la Révolution, avec ses hauts et ses bas, il faudra bien, un jour ou l’autre, l’écrire. En attendant que ce jour arrive, que la Révolution trouve son (ou ses) historien(s), des passionnés de l’Algérie, défrichent ici et là le terrain. Et le cas Abane Ramdane, plus particulièrement, objet de maints livres, a peut-être trouvé son avocat en la personne d’un professeur de médecine, de prime abord, pas du tout destiné à une telle oeuvre. Conter Abane Ramdane, cet homme immense, aux dires de ses contemporains et compagnons de lutte, et admis comme tel par ses contradicteurs, n’est guère une sinécure. C’est pourtant la tâche à laquelle s’est astreint le professeur Abane, un proche parent du martyr qui, dans un ouvrage intitulé Abane Ramdane et les fusils de la rébellion, tente de rendre justice à un homme qui a été l’une des pièces maîtresses de la Révolution et instigateur du Congrès de la Soummam du 20 Août 1956. Belaïd Abane qui connut les fameux «centres de regroupement», plus que de donner un texte d’historien - ce qu’il se défend d’être et n’est pas en fait - témoigne, en revanche, de faits vécus qui éclairent autant que faire se peut sur les affres que la colonisation à fait subir au peuple algérien, par les répressions, les vexations et autres regroupements devenus la marque de l’occupation en ces années de braise. Il porte également et surtout un regard inédit sur l’homme et le martyr qu’a été Abane Ramdane. En quatre grandes parties d’un volume s’étalant sur 529 pages, l’auteur brosse un large tableau de la Révolution, ses forces, ses incertitudes, le courage de ses hommes et de ses femmes, le retournement des uns, les faiblesses, toutes humaines, des autres. En fait, Abane Ramdane et les fusils de la rébellion restitue des moments forts d’un soulèvement national dont il reste encore et toujours à en écrire le premier chapitre. Mais avant que d’en arriver à cette tâche considérable, qu’il appartient aux historiens algériens d’entreprendre, Belaïd Abane se limite plus modestement à évoquer un personnage central de la guerre de Libération que fut le défunt Abane Ramdane, son proche parent.
De Cortès à Bugeaud
En introduction, Belaïd Abane, revient, quelque peu amer, sur l’échec de l’Algérie post-Indépendance où, écrit-il, «il y a ceux qui ne croient que ce qu’ils voient, et qui constatent, à juste titre, que l’Indépendance n’a pas tenu ses promesses de libération sociale, que les ‘’les rapports sociaux’’ de classe sont toujours là et, qui plus est, les Algériens sont encore des mineurs politiques, pas tout à fait libres dans leur pays pourtant redevenu libre». Cela résume assez bien une opinion de plus en plus partagée par un grand nombre d’Algériens dépités par le retour du clanisme et du tribalisme alors qu’ici et là se sont constituées des «baronnies» qui ont fait main basse sur le pays. Ceci dit, et comme le précise Belaïd Abane, le présent volume - qui s’arrête en 1957 après la Bataille d’Alger - n’est que la première mouture d’un autre à venir dans lequel l’auteur promet de donner sa version sur les circonstances de la mort ou plutôt l’assassinat de Abane Ramdane.
La longue nuit algérienne
De Cortès à Bugeaud Dans cette première partie l’auteur fait un rappel historique des circonstances de l’occupation française et de la longue nuit coloniale qui s’en est suivie. Il y fera notamment le parallèle entre la conquête hispanique du Mexique et les «colonnes infernales» de Bugeaud. Les massacres, les destructions, l’esclavagisme au nom de l’Eglise et du roi, ont été le leitmotiv des conquérants espagnols qui soumirent les Indiens du Mexique et du Pérou. Bugeaud organisa des enfumades en Algérie pour imposer la colonisation au peuple algérien. «La conquête de l’Algérie et l’épopée de Bugeaud et de ses colonnes infernales, rappellent à maints égards la folle équipée de Cortès et des conquistadors au Mexique, et le sort des tribus algériennes, celui des petites ‘’nations’’ indiennes.
Même esprit, mêmes méthodes, mêmes conséquences dramatiques sur l’organisation sociale de la population réduite en ‘’poussière’’, même déni des valeurs et des cultures autochtones, mêmes massacres et même ‘’aveuglement féroce’’, mêmes procédés de soumission et de dépossession, mêmes arguments de civilisation, de race et de religion supérieures», écrit l’auteur, retraçant un parcours similaire des esclavagistes espagnols et des tortionnaires français. Dans cette partie de l’ouvrage, l’auteur énumérera la longue guerre de conquête française faite de massacres, de razzias, de spoliation des populations et détailla les exploits d’hommes sanguinaires à l’image de Saint Arnaud, qui, se glorifiant de ses crimes, écrit en 1843 à son frère: «Le pays des Beni-Menasser est superbe et l’un des plus riches que j’ai vu en Afrique...Nous avons tout brûlé, tout détruit...Que de femmes et d’enfants réfugiés dans la neige de l’Atlas, y sont morts de froid et de misère.» Qui précise encore: «Les Brazes, je les ai brûlés et dévastés...Chez les Sidgads, même répétition en grand, c’est un vrai grenier d’abondance...Quelques-uns sont venus pour m’apporter le cheval de soumission. Je l’ai refusé parce que je voulais la soumission générale et j’ai commencé à brûler.» Saint Arnaud a écrit d’autres pages encore sanglantes dans lesquelles il dit comment il fit passer par le fil de son épée les «indigènes», se glorifiant des massacres ainsi commis. La «méthode» Lamoricière était identique, de même que celle de généraux et nobliaux venus participer à la curée des Algériens.
La nation en marche
Dans la légalité coloniale
Dans cette seconde partie, Belaïd Abane conte les méfaits de la colonisation triomphante alors que les Algériens, qui «n’en pouvaient» mais, attendaient leur heure.
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