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Zedek Mouloud Luhala n tmurt

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  • Zedek Mouloud Luhala n tmurt

    On dit que le poète est un savant de la société. En écoutant le dernier album de Zedek Mouloud sorti au mois de juillet, intitulé "Luhala n tmurt" (la situation du pays), on confirme bien ce dicton.

    La première impression qu’on retient- outre cette faim de n’avoir pas tout pris d’une poésie médiévale mise au service des causes actuelles- est celle d’un constat amère d’une dégradation généralisée de la société kabyle livrée à elle-même , c’est un cri de détresse que le chanteur souffle dans les oreilles bienveillantes mais il le fait dans un verbe et des mélodies à la fois douces et crues combien osés dans leurs compositions. Le chanteur a frappé très fort avec ce nouvel album composé de treize titres et traitant de tous les fléaux qui touchent la Kabylie ces derniers temps, passant de la situation politique stagnée, à la condition sociale dérisoire sans oublier de traiter des sujets d’actualité telle que la question écologique en parlant de la pollution de l’environnement et de l’insalubrité insupportable.

    La mélodie des mots


    Il est vrai que Zedek Mouloud est avant tout un poète mais quand il compose il ne trempe pas sa plume que dans le miel car en traitant des sujets vénéneux il ne mâche pas ses mots. Cependant, il fait très attention à la beauté et la force du verbe qu’il cultive soigneusement jusqu’à atteindre le plus haut degré dans l’art de combiner les mots et une facilité à jongler avec leurs sens. Pour lui, qui vit dans une société à traditions orales, la composition des poèmes dans un vocabulaire qui effleure le Kabyle parfait, puisé dans un terroir profond , est plus primordiale que la combinaison des notes, cela et sans omettre de bien arranger les belles mélodies qui en découlent de ses textes. Dans son âme de poète le verbe prend une place privilégiée : une fois composé et bien ajusté le poème entraine dans sa rime (El qafia ) sa propre mélodie puisque ses mots ont une résonnance à part. C’est pour cela que Zedek Mouloud possède en plus de ses beaux poèmes de très belles mélodies, et le secret est que le chanteur n’étant pas compositeur il laisse venir la mélodie tout naturellement et la nature ne se trempe pas ; La musique est véhiculée par le souffle de chaque syllabe prononcée et vite transportée par l’écho des mots c’est ainsi qu’une alchimie se crée entre les deux.

    Le franc-tireur

    On dit qu’un vrai chanteur engagé est celui qui n’hésite pas à dénoncer, contester, à examiner mais aussi à oser se faire une autocritique. En écoutant Zedek, on apprend davantage sur nous-mêmes car dans sa poésie juste et minutieuse il nous montre clairement nos défauts , décortique avec ses mots tous les maux de la société kabyle ; En parlant du chômage et l’oisiveté , de la drogue et ses conséquences néfastes , de la déshérence dans une société de célibataires, des suicides récurrents chez les jeunes , du danger de récupération intégriste des jeunes livrés à eux-mêmes, encore plus, la pollution de l’environnement (Lihala Tmurt) mais aussi de la décadence de la société kabyle et l’écroulement des valeurs primordiales de notre culture (Taqendurt nni) , le chanteur dresse un bilan on ne peut plus rationnel de la société algérienne en général et kabyle en particulier ; Il ne fait pas que décrire ce désordre engendré par les multiples conflits qui ravagent la Kabylie mais il lie subtilement leurs effets morbides sur la prospérité sociale et le sort de notre culture et du combat pour la langue berbère, interpelant ainsi toutes les bonnes consciences de la gravité des choses.

    Le visionnaire éclairé

    En traitant le sujet politique, le chantre a préféré cette fois-ci balayer devant la porte car l’urgence est aux seuils. Il critique d’une manière débridée et diagnostique puis pronostique le sort de la société. Aussi, libre dans ses mots que dans le choix de ses sujets Zedek défit la fatalité du stéréotype et dépasse les reflexes conditionnés du Chaâbi pour aller puiser son inspiration au fin fond de la sensibilité de son âme de poète franc-tireur car il est dans son jardin, le verger où il gaule ses mots qui ne parlent que pour lui-même. Dans la chanson " Assen " (ce jour là) il décrit d’une manière très juste la situation politique qui reste statique en Kabylie, et ce après tous les efforts consacrés par la population lors du Mouvement citoyen de 2001. Le désarroi total dans lequel vit le peuple et la désillusion politique d’une Kabylie délaissée dans son triste sort puis la trahison de la cause par certains gens est parfaitement mise en exergue par l’artiste qui interpelle directement ceux qui ont commencé le combat et l’ont laissé au milieu du chemin en leur rétorquant : “Où êtes-vous passés ?” Il lance un appel à la fraternité et l’union et il démontre que la cause qui nous sépare aujourd’hui c’est elle qui nous liait hier et elle peut nous réunir aussi pour demain, le combat doit continuer jusqu’à sa fin. La langue berbère, celle tracée par Mouloud Mammeri, ne doit pas être embastillée par la seule question politique. Il évoque pour le futur un printemps fleuri pour notre culture où le deuil sera fait et le regard dirigé vers l’avenir, sans oublier ceux qui nous ont légué ce combat entre autre Matoub Lounès tombé pour la cause. Il souhaite à la fin que la déshérence de la cause kabyle cesse, que le flambeau ne s’éteigne pas et qu’il soit transmis aux jeunes générations qui en prendront soin.

    L’amoureux fidèle

    Dans ses chansons d’amour Zedek reste fidèle à lui-même : il parle toujours d’amour. Dans un récit autobiographique il écrit ses textes avec beaucoup de sensibilité, de pudeur et de respect envers la femme mais aussi avec beaucoup de responsabilité. Si dans la chanson " Tssrih " (la trêve) qui parle d’exil et d’amour il fait un voyage fantasmé vers les siens- ses enfants et sa femme- qui lui manquent beaucoup et où l’aspiration de voir sa bien-aimée est poussée jusqu’aux limites du désir, l’autre chanson " Dil lehna " (Bientôt) est une songerie très profonde, une odyssée d’envie de vivre dans un Eden d’amour où il offre tout son être à sa bien-aimée qu’il protège, qu’il nourrit, et dont il prend bien soin. C’est une consécration totale à son ad vitam aeternam dulcinée dans une poésie touchante qui nous rappelle, le temps d’une chanson toute la magie de l’amour. Un requiem pour la vie d’amour soigné dans une musique entraînante et berçant sur des vagues de la passion. La fidélité, malgré l’éloignement, est mise en valeur en dépit de la souffrance de la chasteté, de la longue attente ; la rencontre se fait toujours dans un goût à part.

    L’exil : la tragédie kabyle

    L’exil est désormais un sujet courant dans les albums de Zedek car depuis qu’il est installé en France les affres de l’exil le tiennent lui aussi. Mais cet état de fait l’inspire davantage et lui permet de composer des chefs d’œuvres dans ce thème pourtant puisé par ses ainés. Il s’est forgé sa propre manière de décrire le départ, le périple, puis l’éloignement avec des mots plus forts et qui illustrent vraiment que ... " Partir c’est mourir un peu… ".

    Après le succès imminent de "L’exil forcé " qui figure dans un album précédent, il revient sur ce thème tellement lié aux Kabyles en parlant de " tragédie kabyle " car depuis plus d’un siècle les kabyles ont connu et connaissent toujours l’exode. Dans la chanson " Tessrih " (la trêve), le chanteur s’adresse à l’exil et lui demande une dispense pour aller rendre visite aux siens :

    Exil, donne-moi une autorisation pour voir ceux que j’aime tant. Depuis le temps qu’on est séparés on ne s’est jamais revus ; quand on se voit les plaies se referment. Franchir le seuil de la maison, le dîner est déjà prêt à partager avec eux. C’est une chanson émouvante où il décrit bien à quel point la famille peut nous manquer et combien il est dur de vivre loin des siens, il exprime un “vouloir partir” ne serait-ce que pour une petite heure, voir tout le monde puis revenir. Il termine sa chanson par une chute résumant la tragédie kabyle : Celui qui t’a baptisé, exil, est celui que tu as pris dans tes bras et a vécu avec ses rêves. Celui qui t’a baptisé, exil, est mon grand-père, mon père, moi, mon fils demain, puis mon petit fils aussi. Fiston ! Mon cœur ne t’a jamais abandonné, soit courageux, à ton âge j’ai pleuré mon père et lui son père aussi. Il viendra le jour où tu comprendras ; par contrainte ou par volonté toi aussi tu partiras. Nous sommes un peuple banni pour l’éternité : où qu’on soit, ici ou ailleurs, nous sommes des étrangers. Ecouter les chansons de Zedek Mouloud c’est voyager dans une Kabylie authentique, c’est retrouver toute son âme, se détendre dans un jardin au milieu des fleurs, butiner entre les mots et inhaler leurs sens, un beau bouquet que le chanteur " faiseur de mots " nous offre à chaque succès. La chanson zédékienne ne veut certes pas s’inscrire dans la mode mais il est sûr quelle ne se démodera pas, en tout cas tant qu’il y a encore des oreilles qui aiment écouter les rimes des vers. " Lihala n tmurt " est un énième album d’un artiste hors pair qui signe une autre ascension dans un art difficile où l’on ne devient jamais poète si on ne sait pas se perdre dedans. Zedek, par son instinct vif a su se faire un nom en s’égarant dans cet océan. Mais après tout, comme disait Saint Augustin, "Celui qui est perdu dans sa passion a moins perdu que celui qui perd sa passion"

    Par La Dépêche de Kabylie

  • #2
    Bonjour FA

    Un vrai régal ce que Zedek Mouloud nous propose dans cet album ......merci Morjane



    Zedek Mouloud 2008 Taqendurt nn


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    • #3
      Azul

      Le verbe de Zeddak est très dure envers la femme "contemporaine", à trop de regret et de nostalgie Monsieur on stagne.


      Je suppose qu'il pleure le mode de vie ancien des Kabyles en général et celui de la Kabyle en particulier, ma foi aucune société n'est figée ni cristallisée.

      Le rythme est trompeur, les paroles sont tranchantes, et révélatrices, il n'invente rien, comme ceux avant lui, il pleure de nostalgie.


      En attendant d'écouter les autres.


      ..../...
      “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf

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