Aujourd'hui, rares sont les entreprises de collecte des déchets à investir au Maroc. Une aubaine pour certaines personnes dans le besoin, qui se lancent dans une carrière de chiffonnier indépendant.
Il vous arrive souvent, le matin, en vous rendant sur votre lieu de travail, de pester contre le spectacle de poubelles renversées et de trottoirs jonchés d'ordures. Sans vous douter que derrière cette scène se cache un véritable système de survie économique auquel participent des dizaines, voire des centaines de personnes. Des gens qui ont choisi pour métier de fouiller les poubelles à la recherche du moindre objet vendable, et qui sont le premier maillon d'une chaîne de recyclage à la marocaine. Depuis quelques années, Abdou et Mustapha exercent le métier de chiffonnier, mikhali dans le langage courant. Le premier, âgé d'une vingtaine d'années et vivant à Aïn Aouda, commence ses journées à l'aube. Direction le quartier Hassan, à Rabat. L'expérience aidant, il connaît désormais par cœur les ruelles où se trouvent les poubelles les mieux garnies.
"Chacun a son propre territoire, qu'il doit défendre", nous explique Abdou. "Avec un gain de 60 à 70 dirhams [de 5 à 6 euros] par jour, on ne peut pas se permettre de le partager !" Du coup, il n'est pas rare que de violentes disputes éclatent entre chiffonniers rivaux. "Certains vont jusqu'à verser un petit bakchich aux policiers pour qu'ils les laissent travailler en paix", ajoute Abdou.
Son compère Mustapha, 24 ans, a quant à lui choisi le quartier huppé de Hay Ryad, à Rabat, comme zone de prospection. "C'est bien évidemment dans les quartiers riches qu'on déniche les meilleures affaires. Vous seriez étonnés de savoir ce que ces gens-là osent jeter", s'exclame-t-il.
Une fois leur tournée bouclée, les deux hommes se dirigent vers le "marché" : la décharge d'Akreuch, proche de Rabat. C'est là qu'ils procèdent au tri du butin de la journée, séparant le plastique du verre et des objets métalliques… "Le cuivre, le fer et l'aluminium sont les plus recherchés par les acheteurs. Le verre et le carton trouvent également preneur, mais ça rapporte moins", précise Abdou. Les acheteurs sont des grossistes de la récupération, souvent issus des bidonvilles voisins. "La plupart des marchandises partent vers des usines de Casablanca, qui procèdent à leur recyclage", explique un grossiste. "Il n'y a que les canettes qui partent à l'étranger, parce qu'il n'y a pas d'usine de recyclage de l'aluminium au Maroc."
Pendant que notre revendeur négocie le prix d'un sac, des jeunes accourent vers le monticule d'ordures déchargé par un camion-poubelle. Parmi eux, Saïd, 18 ans. Habitant du bidonville voisin, il connaît cette déchetterie depuis son plus jeune âge. Faisant tourner dans sa main un crochet, son outil de prospection, il dit n'avoir aucune honte de son métier. "Je veux vivre à la sueur de mon front. Je ne veux ni voler, ni agresser les gens. Certes, je gagne peu, mais c'est à moi." Envers et contre tout, Saïd continue à s'accrocher aux études. Il est élève dans un collège public. Une fois ses heures de travail bouclées, il prendra une douche, se changera et ira à Rabat, où il s'installera à la terrasse d'un café. Comme n'importe quel jeune de son âge. Ou presque.
Par Jalal Makhf, Telquel, Courrier International
Il vous arrive souvent, le matin, en vous rendant sur votre lieu de travail, de pester contre le spectacle de poubelles renversées et de trottoirs jonchés d'ordures. Sans vous douter que derrière cette scène se cache un véritable système de survie économique auquel participent des dizaines, voire des centaines de personnes. Des gens qui ont choisi pour métier de fouiller les poubelles à la recherche du moindre objet vendable, et qui sont le premier maillon d'une chaîne de recyclage à la marocaine. Depuis quelques années, Abdou et Mustapha exercent le métier de chiffonnier, mikhali dans le langage courant. Le premier, âgé d'une vingtaine d'années et vivant à Aïn Aouda, commence ses journées à l'aube. Direction le quartier Hassan, à Rabat. L'expérience aidant, il connaît désormais par cœur les ruelles où se trouvent les poubelles les mieux garnies.
"Chacun a son propre territoire, qu'il doit défendre", nous explique Abdou. "Avec un gain de 60 à 70 dirhams [de 5 à 6 euros] par jour, on ne peut pas se permettre de le partager !" Du coup, il n'est pas rare que de violentes disputes éclatent entre chiffonniers rivaux. "Certains vont jusqu'à verser un petit bakchich aux policiers pour qu'ils les laissent travailler en paix", ajoute Abdou.
Son compère Mustapha, 24 ans, a quant à lui choisi le quartier huppé de Hay Ryad, à Rabat, comme zone de prospection. "C'est bien évidemment dans les quartiers riches qu'on déniche les meilleures affaires. Vous seriez étonnés de savoir ce que ces gens-là osent jeter", s'exclame-t-il.
Une fois leur tournée bouclée, les deux hommes se dirigent vers le "marché" : la décharge d'Akreuch, proche de Rabat. C'est là qu'ils procèdent au tri du butin de la journée, séparant le plastique du verre et des objets métalliques… "Le cuivre, le fer et l'aluminium sont les plus recherchés par les acheteurs. Le verre et le carton trouvent également preneur, mais ça rapporte moins", précise Abdou. Les acheteurs sont des grossistes de la récupération, souvent issus des bidonvilles voisins. "La plupart des marchandises partent vers des usines de Casablanca, qui procèdent à leur recyclage", explique un grossiste. "Il n'y a que les canettes qui partent à l'étranger, parce qu'il n'y a pas d'usine de recyclage de l'aluminium au Maroc."
Pendant que notre revendeur négocie le prix d'un sac, des jeunes accourent vers le monticule d'ordures déchargé par un camion-poubelle. Parmi eux, Saïd, 18 ans. Habitant du bidonville voisin, il connaît cette déchetterie depuis son plus jeune âge. Faisant tourner dans sa main un crochet, son outil de prospection, il dit n'avoir aucune honte de son métier. "Je veux vivre à la sueur de mon front. Je ne veux ni voler, ni agresser les gens. Certes, je gagne peu, mais c'est à moi." Envers et contre tout, Saïd continue à s'accrocher aux études. Il est élève dans un collège public. Une fois ses heures de travail bouclées, il prendra une douche, se changera et ira à Rabat, où il s'installera à la terrasse d'un café. Comme n'importe quel jeune de son âge. Ou presque.
Par Jalal Makhf, Telquel, Courrier International
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