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Sahar Khalifa, la douleur d’être femme en Palestine

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  • Sahar Khalifa, la douleur d’être femme en Palestine

    Sahar Khalifa, auteur de six romans, est une des plus grandes romancières palestiniennes. Dans son dernier roman, Un printemps très chaud, elle brosse une fresque bouleversante de la réalité de son pays. Elle met en scène les dilemmes d’une jeunesse tiraillée entre ses rêves d’avenir et le devoir envers la patrie violée, humiliée sous le regard de ses chefs corrompus et d’une opinion internationale étrangement silencieuse.

    Après le regretté Mahmoud Darwich, Sahar Khalifa est sans doute l’écrivain palestinien le plus connu. Originaire de Naplouse, cette sociologue et universitaire de profession a enseigné pendant plusieurs années à l’université de Bir-Zeit, dans les territoires palestiniens occupés, où elle a fondé le premier Centre d’études féminines du monde arabe. C’est cette veine féministe qu’elle n’a cessé d’exploiter et d’amplifier depuis son premier roman, Nous ne sommes plus vos esclaves. Paru en 1974, ce livre a donné lieu à une série télévisée très regardée en Palestine et ailleurs dans les pays musulmans. L’Impasse de Bab as Saha est un autre roman sous la plume de cette conteuse hors pair qui a profondément marqué l’imaginaire palestinien. Chronique - sur fond d’Intifada - de la vie quotidienne des femmes de Naplouse, ce livre montre avec finesse la double oppression dont les Palestiniennes sont victimes, celle perpétrée par l’occupant juif, mais aussi et surtout celle des hommes de leur propre communauté. Dans l’une des scènes les plus mémorables de ce récit construit comme un drame antique, la prostituée Nouzha révèle à la jeune combattante idéaliste qu’elle a recueillie chez elle.

    La douleur d’être femme en Palestine

    « Ne crois pas que les soldats israéliens soient les seuls hommes à monter chez moi ». Il s’avère que tous les notables de Bar as Saha ont été un jour ou l’autre client de cette femme rejetée par tous, accusée de collaborer avec les occupants juifs. « A travers mes récits, je tente de raconter la condition honteuse de la femme dans notre société, explique la romancière. Mes confrères masculins préfèrent mettre l’accent sur le versant politique plutôt que sur l’aspect social car ils n’ont pas connu la douleur d’être femme en Palestine. »

    L’intérêt de Sahar Khalifa pour la question féminine a son origine dans sa propre expérience de femme. Mariée par sa famille à l’âge de dix-huit ans, elle a vécu pendant plusieurs années la vie de femme soumise et dépendante. En 1972, au terme d’un mariage malheureux qui a duré treize ans, elle obtient le divorce. C’est une véritable renaissance, « ma vraie date de naissance», aime-t-elle dire. C’est surtout le début d’une vie de femme indépendante qui va conduire Kalifa jusqu’aux Etats-Unis. Bénéficiant de la prestigieuse bourse Fulbright, elle va faire des études supérieures à l’université de l’Iowa. Docteur en littérature anglo-saxonne, elle revient en 1988 en Palestine où elle se lance dans l’enseignement, tout en poursuivant sa carrière de romancière. Elle a aujourd’hui six romans à son actif, dont la plupart ont été traduits en français, en allemand, en hollandais et… en hébreu.

    La patrie est pénible…la guerre, les ruines

    Outre la thématique féministe, les écrits de Sahar Khalifa évoquent la guerre civile, l’histoire et le destin de sa terre natale. « La patrie est pénible… la guerre, les ruines, confiait-elle récemment à une journaliste d’Al-Ahram. Celui qui habite la patrie, comme nous, sait combien nous l’aimons et la haïssons à la fois. Je hais l’ignorance, les esprits bornés, les régimes au pouvoir, je hais le fait d’être assiégé au sein de la famille. Je déteste le regard que la société porte sur moi en tant que femme, c’est-à-dire créature faible et épuisée, je déteste les lois civiles et les législations. Je hais tout cela et je ne peux pas le changer. Mais j’aime mon pays. J’aime les gens, la nature, l’ancienne Naplouse ravagée aujourd’hui par les Israéliens, son architecture et ses voûtes, j’aime aller à Jérusalem et regarder de loin le magnifique dôme au moment du coucher du soleil. Croiser au lever du jour les paysans, chargeant leurs montures de figues et de lait… »

    Ahmad est amoureux de Mira, qui vit de l’autre côté de la barrière


    C’est entre nostalgie et réalité que se situe le nouveau roman de Sahar Khalifa, traduit en français sous le titre Un printemps très chaud. La réalité que ce roman décrit est celle de la cohabitation impossible entre juifs et Palestiniens sur une terre séparée par clôtures métalliques qui vont se transformer en murs. La tension, les imprécations, la nouvelle Intifada sont racontées à travers le regard du jeune Ahmad qui est amoureux de Mira, l’adolescente juive qui vit de l’autre côté de la barrière, dans la colonie israélienne de Kiryat Sheiba. Il y a quelque chose de Roméo et Juliette dans ce récit contemporain de guerre des familles et des peuples. Mais ici, sans doute parce que le désespoir existentiel est si profond, la tragédie survient avant même que l’amour ne puisse s’épanouir. Roméo de Sahar Khalifa est un futur terroriste et le destin de Juliette-Mira est de survivre aux malheurs de son pays où « la beauté a disparu. Désormais il y a des militaires, un char et mon père qui pleure… ». N’épargnant ni envahisseurs ni victimes, la romancière palestinienne nous entraîne au cœur des ténèbres d’où on ne revient pas indemne.

    Un printemps très chaud, par Sahar Khalifa. Traduit de l’arabe par Ola Mehanan et Khaled Osman. Editions du Seuil, 2008.

    L’Impasse de Bab as Saha, par Sahar Khalifa. Editions Flammarion, 1997.


    Par La Nouvelle République
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