Le Consul général de France à Alger au Quotidien d'Oran : Tout ce qui va changer pour le visa
par Interview Réalisée Par Ghania Oukazi
A partir du 1er octobre prochain, le consulat général de France à Alger chargera une société privée de recevoir les demandes de visas. C'est ce que le Consul général appelle l'externalisation, un processus mis en oeuvre en Chine. Dans cette interview, Francis Heude en explique les raisons et les objectifs visés par son lancement à Alger.
Le Quotidien d'Oran: Vous venez de rendre publique une note pour que les demandes de visa ne soient plus envoyées par la poste mais adressées directement au consulat. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Francis Heude: C'est une opération qui est prévue à partir de la fin du mois d'août, date à laquelle nous n'accepterons plus de demande de visa par courrier. Nous renverrons donc aux expéditeurs les dossiers qui nous parviendraient après cette échéance.
Nous instaurons, à partir du mois de septembre, un système de comparution personnelle avec une prise de rendez-vous au préalable. Le rendez-vous sera pris par l'intermédiaire de notre centre d'appel qui est bien connu de notre public demandeur de visa -le 1573- numéro qu'il faut appeler aujourd'hui pour obtenir un rendez-vous de son choix pour se présenter au Consulat.
C'est un centre d'appel qui a été présenté à la presse il y a à peu près deux ans, en 2006. Le mois de septembre, qui est pour nous en terme de visa une période creuse, et correspond cette année au mois de Ramadhan, est une période propice pour mettre fin à cette ancienne organisation basée sur les demandes par courrier.
Q.O.: Avant d'aller plus loin pour ce qui est de ces changements, nous savons que le 1573 fonctionne difficilement. Y aurait-il du nouveau à cet effet ?
F.H.: Nous savons, par un certain nombre de retour, qu'effectivement, il y a parfois des délais d'attente, il y a parfois une indisponibilité de ce numéro. Nous sommes en relation constante avec les responsables de ce centre d'appel pour que les choses se passent dans les meilleures conditions possibles. Mais ils sont confrontés régulièrement, tous les jours, sur un créneau qui est celui de 10-14h, à une affluence record en terme d'appel à laquelle il leur est difficile, le plus souvent, de faire face.
Donc, le conseil à l'égard du demandeur, c'est plutôt d'appeler avant 10h et après 14h tout en sachant que notre prestataire centre d'appel fait tout ce qu'il peut pour donner satisfaction dans les meilleures conditions possibles aux demandeurs.
Ce qu'il y a, par contre, comme vraie difficulté sur le 1573, c'est que c'est un numéro qui ne peut pas être atteint à partir d'un mobile mais seulement à partir d'un téléphone fixe...
Q.O.: Le système mis en place il y a à peu près deux ans devait faire, en sorte, qu'il n'y ait plus de queue devant le consulat, ce qui n'a pas été le cas.
F.H.: Je crois qu'il faut distinguer deux périodes, celle antérieure au 1er mai 2006, période pendant laquelle vous aviez, dans la rue, des centaines de personnes qui avaient reçu une convocation leur demandant de se présenter tel jour au consulat. Effectivement, jusqu'au 1er mai 2006, c'était une situation quotidienne, cinq jours par semaine devant l'entrée du consulat général. L'instauration d'une prise de rendez-vous préalable a complètement supprimé la file d'attente.
Aujourd'hui, et depuis le mois de mai 2006, si vous passez devant le consulat, vous aurez remarqué une file d'attente jusqu'au mois de février 2008, sur le côté de l'entrée des Français qui continuaient à avoir un accès libre au consulat. D'où souvent une file d'attente dans la rue. Mais côté visa, les seules personnes que nous voyions stationnées sur le trottoir sont les accompagnateurs des demandeurs de visa. Pas du tout de file d'attente depuis le mois de mai 2006. Donc, le système de prise de rendez-vous au préalable, de ce point de vue là, a parfaitement fonctionné.
Q.O.: Est-ce que ce système a permis d'augmenter le nombre de visas ou son niveau reste très « politique » ?
F.H.: D'abord, il n'y a pas de « niveau politique ». Ensuite, il n'a pas réussi à augmenter le nombre de visas parce que ce n'était pas sa vocation. La vocation du système de rendez-vous était de fluidifier les conditions d'accueil de nos services, de faire en sorte que les personnes n'aient plus à attendre des heures avant d'être reçues.
[B]Q.O.[/B]: Mais on gagne du temps dans le traitement des dossiers...
F.H.: Non plus. Il ne s'agissait pas pour nous de gagner du temps. Il s'agissait de faire en sorte que les conditions de réception des demandeurs soient plus dignes.
De ce point de vue, l'objectif a été atteint. En ce qui concerne le nombre de visas délivrés, il n'y a pas d'objectifs politiques. Vous savez que pour délivrer un visa, il faut qu'il soit demandé.
Q.O.: Mais lorsqu'il est demandé, il n'est pas délivré...
F.H.: Sauf que le constat que nous portons ces dernières années sur les visas en Algérie, c'est d'abord que nous sommes confrontés à une baisse très sensible et régulière de la demande de visa, là j'ouvre une parenthèse : pour délivrer 800.000 visas comme nous le faisions au tournant des années 90, il faut qu'il y ait 800.000 demandes. Si vous avez 200.000 demandes, vous ne pouvez pas délivrer 800.000 visas. Les demandes ont diminué de manière tout à fait significative. Ce qui a signifié aussi qu'avec des demandes en diminution, nous avons un taux d'accord qui augmente parce que nous avons des demandes de meilleure qualité. Notre taux de refus, qui a été pendant plusieurs années supérieur à 45%, est aujourd'hui en dessous des 40%.
Q.O.: Comment expliquez-vous cette baisse des demandes?
F.H.: Elle a plusieurs explications. La première, c'est l'instauration au 1er janvier 2003 des frais des dossiers sur les visas. C'est-à-dire avant de décider si nous accordons ou si nous refusons un visa, nous considérons qu'il y a des frais à acquitter. Ce sont des frais d'examen, d'instruction inhérent à cette demande. Nous savions que dans le cas algérien, l'instauration des frais de dossier au 1er janvier 2003, allait forcément provoquer une chute importante de la demande. Nous avions estimé que nous passerions d'environ 800.000 visas demandés en 2002 à environ 500.000 en 2003.
En fait, la chute a été beaucoup plus importante que cela puisque nous sommes passés sous les 400.000 visas demandés, une chute de plus de 50% en un an.
Q.O.: Mais ça pénalise de larges couches de la population qui ne peuvent plus ni avoir le visa ni voyager du moment que les frais de visas sont excessifs.
F.H.: Sur la baisse de la demande, il y a aussi le fait que sur la période 2003 jusqu'à aujourd'hui, un certain nombre de demandeurs algériens ont compris qu'ils n'étaient pas éligibles au visa et ont cessé d'en demander. Il y a aussi troisièmement...
Q.O.: Excusez-moi, Monsieur le Consul général, mais l'éligibilité, ce n'est pas l'argent qui doit la déterminer.
F.H.: Il ne s'agit pas de faire une sélection par l'argent.
Q.O.: On le comprend comme ça, justement.
F.H.: Non, parce que si on appliquait strictement la réglementation Schengen et notamment les ressources que doivent avoir les demandeurs de visa pour être éligibles au visa Schengen, avec un SMIG égal à 120 euros, on ne délivrerait pratiquement pas de visa en Algérie.
Donc, il faut bien que nous prenions en considération d'autres critères de revenu notamment les revenus des répondants en France pour nous permettre finalement de délivrer un visa alors même que les revenus intrinsèques de la personne sont insuffisants.
Q.O.: Il y a quand même une sorte d'élimination voulue puisque vous étiez persuadé qu'en instaurant des frais de visas importants, il va y avoir chute de la demande, qu'il va y avoir systématiquement une certaine catégorie de personnes qui vont en être exclues, ce qui est clair.
F.H.: Ce n'est pas tout à fait ça. L'effet d'éviction portait sur la demande redondante. C'est-à-dire que vous aviez, en 2002, un demandeur qui faisait 10 demandes en se disant que sur les dix, il y en a bien une qui aboutirait, il le faisait parce qu'il n'avait rien à payer si ce n'est que le prix de quelques photocopies et 10 timbres.
Ça, c'est la situation en 2002. S'il veut faire la même chose en 2003, il lui faut payer 10 fois 35 euros, il ne le fera pas.
à suivre....
par Interview Réalisée Par Ghania Oukazi
A partir du 1er octobre prochain, le consulat général de France à Alger chargera une société privée de recevoir les demandes de visas. C'est ce que le Consul général appelle l'externalisation, un processus mis en oeuvre en Chine. Dans cette interview, Francis Heude en explique les raisons et les objectifs visés par son lancement à Alger.
Le Quotidien d'Oran: Vous venez de rendre publique une note pour que les demandes de visa ne soient plus envoyées par la poste mais adressées directement au consulat. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Francis Heude: C'est une opération qui est prévue à partir de la fin du mois d'août, date à laquelle nous n'accepterons plus de demande de visa par courrier. Nous renverrons donc aux expéditeurs les dossiers qui nous parviendraient après cette échéance.
Nous instaurons, à partir du mois de septembre, un système de comparution personnelle avec une prise de rendez-vous au préalable. Le rendez-vous sera pris par l'intermédiaire de notre centre d'appel qui est bien connu de notre public demandeur de visa -le 1573- numéro qu'il faut appeler aujourd'hui pour obtenir un rendez-vous de son choix pour se présenter au Consulat.
C'est un centre d'appel qui a été présenté à la presse il y a à peu près deux ans, en 2006. Le mois de septembre, qui est pour nous en terme de visa une période creuse, et correspond cette année au mois de Ramadhan, est une période propice pour mettre fin à cette ancienne organisation basée sur les demandes par courrier.
Q.O.: Avant d'aller plus loin pour ce qui est de ces changements, nous savons que le 1573 fonctionne difficilement. Y aurait-il du nouveau à cet effet ?
F.H.: Nous savons, par un certain nombre de retour, qu'effectivement, il y a parfois des délais d'attente, il y a parfois une indisponibilité de ce numéro. Nous sommes en relation constante avec les responsables de ce centre d'appel pour que les choses se passent dans les meilleures conditions possibles. Mais ils sont confrontés régulièrement, tous les jours, sur un créneau qui est celui de 10-14h, à une affluence record en terme d'appel à laquelle il leur est difficile, le plus souvent, de faire face.
Donc, le conseil à l'égard du demandeur, c'est plutôt d'appeler avant 10h et après 14h tout en sachant que notre prestataire centre d'appel fait tout ce qu'il peut pour donner satisfaction dans les meilleures conditions possibles aux demandeurs.
Ce qu'il y a, par contre, comme vraie difficulté sur le 1573, c'est que c'est un numéro qui ne peut pas être atteint à partir d'un mobile mais seulement à partir d'un téléphone fixe...
Q.O.: Le système mis en place il y a à peu près deux ans devait faire, en sorte, qu'il n'y ait plus de queue devant le consulat, ce qui n'a pas été le cas.
F.H.: Je crois qu'il faut distinguer deux périodes, celle antérieure au 1er mai 2006, période pendant laquelle vous aviez, dans la rue, des centaines de personnes qui avaient reçu une convocation leur demandant de se présenter tel jour au consulat. Effectivement, jusqu'au 1er mai 2006, c'était une situation quotidienne, cinq jours par semaine devant l'entrée du consulat général. L'instauration d'une prise de rendez-vous préalable a complètement supprimé la file d'attente.
Aujourd'hui, et depuis le mois de mai 2006, si vous passez devant le consulat, vous aurez remarqué une file d'attente jusqu'au mois de février 2008, sur le côté de l'entrée des Français qui continuaient à avoir un accès libre au consulat. D'où souvent une file d'attente dans la rue. Mais côté visa, les seules personnes que nous voyions stationnées sur le trottoir sont les accompagnateurs des demandeurs de visa. Pas du tout de file d'attente depuis le mois de mai 2006. Donc, le système de prise de rendez-vous au préalable, de ce point de vue là, a parfaitement fonctionné.
Q.O.: Est-ce que ce système a permis d'augmenter le nombre de visas ou son niveau reste très « politique » ?
F.H.: D'abord, il n'y a pas de « niveau politique ». Ensuite, il n'a pas réussi à augmenter le nombre de visas parce que ce n'était pas sa vocation. La vocation du système de rendez-vous était de fluidifier les conditions d'accueil de nos services, de faire en sorte que les personnes n'aient plus à attendre des heures avant d'être reçues.
[B]Q.O.[/B]: Mais on gagne du temps dans le traitement des dossiers...
F.H.: Non plus. Il ne s'agissait pas pour nous de gagner du temps. Il s'agissait de faire en sorte que les conditions de réception des demandeurs soient plus dignes.
De ce point de vue, l'objectif a été atteint. En ce qui concerne le nombre de visas délivrés, il n'y a pas d'objectifs politiques. Vous savez que pour délivrer un visa, il faut qu'il soit demandé.
Q.O.: Mais lorsqu'il est demandé, il n'est pas délivré...
F.H.: Sauf que le constat que nous portons ces dernières années sur les visas en Algérie, c'est d'abord que nous sommes confrontés à une baisse très sensible et régulière de la demande de visa, là j'ouvre une parenthèse : pour délivrer 800.000 visas comme nous le faisions au tournant des années 90, il faut qu'il y ait 800.000 demandes. Si vous avez 200.000 demandes, vous ne pouvez pas délivrer 800.000 visas. Les demandes ont diminué de manière tout à fait significative. Ce qui a signifié aussi qu'avec des demandes en diminution, nous avons un taux d'accord qui augmente parce que nous avons des demandes de meilleure qualité. Notre taux de refus, qui a été pendant plusieurs années supérieur à 45%, est aujourd'hui en dessous des 40%.
Q.O.: Comment expliquez-vous cette baisse des demandes?
F.H.: Elle a plusieurs explications. La première, c'est l'instauration au 1er janvier 2003 des frais des dossiers sur les visas. C'est-à-dire avant de décider si nous accordons ou si nous refusons un visa, nous considérons qu'il y a des frais à acquitter. Ce sont des frais d'examen, d'instruction inhérent à cette demande. Nous savions que dans le cas algérien, l'instauration des frais de dossier au 1er janvier 2003, allait forcément provoquer une chute importante de la demande. Nous avions estimé que nous passerions d'environ 800.000 visas demandés en 2002 à environ 500.000 en 2003.
En fait, la chute a été beaucoup plus importante que cela puisque nous sommes passés sous les 400.000 visas demandés, une chute de plus de 50% en un an.
Q.O.: Mais ça pénalise de larges couches de la population qui ne peuvent plus ni avoir le visa ni voyager du moment que les frais de visas sont excessifs.
F.H.: Sur la baisse de la demande, il y a aussi le fait que sur la période 2003 jusqu'à aujourd'hui, un certain nombre de demandeurs algériens ont compris qu'ils n'étaient pas éligibles au visa et ont cessé d'en demander. Il y a aussi troisièmement...
Q.O.: Excusez-moi, Monsieur le Consul général, mais l'éligibilité, ce n'est pas l'argent qui doit la déterminer.
F.H.: Il ne s'agit pas de faire une sélection par l'argent.
Q.O.: On le comprend comme ça, justement.
F.H.: Non, parce que si on appliquait strictement la réglementation Schengen et notamment les ressources que doivent avoir les demandeurs de visa pour être éligibles au visa Schengen, avec un SMIG égal à 120 euros, on ne délivrerait pratiquement pas de visa en Algérie.
Donc, il faut bien que nous prenions en considération d'autres critères de revenu notamment les revenus des répondants en France pour nous permettre finalement de délivrer un visa alors même que les revenus intrinsèques de la personne sont insuffisants.
Q.O.: Il y a quand même une sorte d'élimination voulue puisque vous étiez persuadé qu'en instaurant des frais de visas importants, il va y avoir chute de la demande, qu'il va y avoir systématiquement une certaine catégorie de personnes qui vont en être exclues, ce qui est clair.
F.H.: Ce n'est pas tout à fait ça. L'effet d'éviction portait sur la demande redondante. C'est-à-dire que vous aviez, en 2002, un demandeur qui faisait 10 demandes en se disant que sur les dix, il y en a bien une qui aboutirait, il le faisait parce qu'il n'avait rien à payer si ce n'est que le prix de quelques photocopies et 10 timbres.
Ça, c'est la situation en 2002. S'il veut faire la même chose en 2003, il lui faut payer 10 fois 35 euros, il ne le fera pas.
à suivre....
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