El Watan du 27 Août 2008
Corruption, mondialisation et impunité
Bernanos disait : « L’énorme proportion des coupables finit toujours par détruire chez les non coupables le sens de la culpabilité. » A côté de ce constat sur le crime en général, pour la corruption, il faut en ajouter un autre : la corruption ne peut s’accomplir qu’avec la complicité entre un corrupteur, en quête d’un avantage ou d’un droit illégitime qui peut aller jusqu’à l’absurdité de suborner un agent pour une place privilégiée dans une chaîne d’attente et un corrompu.
Cet aspect de la corruption accroît son invisibilité et la rend hypothétique et très souvent indétectable, faute de preuves. Outre les personnes directement ou indirectement victimes de l’infraction, la corruption élève ses dégâts jusqu’à la société et sape les fondements de l’Etat. Selon le politologue William Zartrman, (cité par Ammar Belhimer dans Le Soir d’Algérie du 9 octobre 2007), l’effondrement d’un Etat découle de « l’incapacité de ses dirigeants, généralement minés par la corruption et le patrimonialisme, à assurer un minimum de régulation politique, à fonder un pacte social et à conquérir une légitimité minimale ».
Le plus alarmant est de voir que la corruption a été élevée au rang d’arme de combat par la première puissance mondiale qui, d’ailleurs, ne s’en cache pas. Ainsi, le 17 décembre 2002, dans Newsweek, le directeur de la CIA affirmait : « Nous avons les moyens de façonner l’opinion publique mondiale », en disposant d’un budget, pour « financer les opérations de corruption, de recrutement de personnes au profil douteux et les opérations d’assassinats à l’étranger. » Un calcul a même été fait pour délimiter le budget d’une opération de corruption de mille « personnes clés (parlementaires, journalistes, scientifiques, juges, etc.) », dans chacun des 50 premiers pays de la planète. Cela représente à peine 10% du budget annuel des services de renseignement et 0,8 % du budget annuel des services de défense globale des USA.
La conclusion est que les « Etats-Unis disposent de moyens financiers nécessaires pour corrompre une majorité de parlementaires de la presque totalité des pays de la planète, de juges, et la totalité des rédacteurs en chef des principaux médias. Si un tel niveau de corruption avoué est possible, comment ne pas imaginer que des niveaux de corruption biens plus modestes puissent être réels alors qu’ils n’apparaissent que sous forme de légers frissons en profondeur face aux vagues dévastatrices américaines. Devenue de plus en plus une infraction transfrontière, la corruption, avec la libéralisation effrénée de l’économie mondiale, ouvre à son domaine d’intervention un espace sans limites et encore plus fructueux, celui des affaires en tant que point de rencontre de trafics en tout genre où se conjugue la masse colossale de leurs bénéfices mutuels. La corruption devenait une menace très sérieuse pour le nouvel ordre mondial qui s’installait, après sa victoire sur le collectivisme, sur le concept du « bienfait de l’ouverture des relations économiques internationales. »
Elle risque de le faire sombrer dans les travers d’un libéralisme débridé qui instaure la tricherie et l’effacement subreptice des frontières entre le licite et l’illicite dans les affaires. Selon l’estimation, faite en 2003, par le directeur chargé de la gouvernante à la Banque mondiale, le revenu des transactions illicites représente 5% du volume mondial des échanges, soit un trillion de dollars américains, la moitié représente les paiements illicites et les pots-de-vin. Cependant, les augmentations des aides, particulièrement celles de l’OCDE prévues en 2010, et l’accroissement des transactions internationales et de la contrebande, qui se greffent sur l’incontrôlable boulimie de la consommation de tout genre, ne poussent pas à l’optimisme. Ainsi, la mondialisation a permis de promouvoir une zone grise devenue difficile à délimiter, ne permettant plus de distinguer entre le permis et le défendu.
C’est le cas notamment des rémunérations mirobolantes et primes de départ accordées aux dirigeants des grandes entreprises capitalistes, du gonflement des frais professionnels ou les « fringe benefits » (avantages annexes) américains, une forme déguisée de corruption, à côté d’autres pratiques telle « la comptabilité créative » établie selon des standards élaborés pour tromper les actionnaires, du « délit d’initié » pour manipuler les marchés financiers au détriment de petits actionnaires naïfs, de l’usage illicite des ressources de l’entreprise) à des fins personnelles (abus de biens sociaux) ou bien de la plus scandaleuse pratique du monde des affaires, le principe de « déductibilité scale des pots-de-vin » la déduction de l’impôt des sommes versées en pots-de-vin à des agents publics étrangers une pratique qui a permis de révéler les cas de nombreux cadres étrangers et même des chefs d’Etat (Abacha, Taylor, Mobutu, Fujimori, Bhutto et Suharto…), à côté des scandales qui touchent de hauts responsables politiques dans leur pays, parlementaires, chefs d’Etat ou de gouvernement, ministres, etc. accusés de corruption.
Corruption, mondialisation et impunité
Bernanos disait : « L’énorme proportion des coupables finit toujours par détruire chez les non coupables le sens de la culpabilité. » A côté de ce constat sur le crime en général, pour la corruption, il faut en ajouter un autre : la corruption ne peut s’accomplir qu’avec la complicité entre un corrupteur, en quête d’un avantage ou d’un droit illégitime qui peut aller jusqu’à l’absurdité de suborner un agent pour une place privilégiée dans une chaîne d’attente et un corrompu.
Cet aspect de la corruption accroît son invisibilité et la rend hypothétique et très souvent indétectable, faute de preuves. Outre les personnes directement ou indirectement victimes de l’infraction, la corruption élève ses dégâts jusqu’à la société et sape les fondements de l’Etat. Selon le politologue William Zartrman, (cité par Ammar Belhimer dans Le Soir d’Algérie du 9 octobre 2007), l’effondrement d’un Etat découle de « l’incapacité de ses dirigeants, généralement minés par la corruption et le patrimonialisme, à assurer un minimum de régulation politique, à fonder un pacte social et à conquérir une légitimité minimale ».
Le plus alarmant est de voir que la corruption a été élevée au rang d’arme de combat par la première puissance mondiale qui, d’ailleurs, ne s’en cache pas. Ainsi, le 17 décembre 2002, dans Newsweek, le directeur de la CIA affirmait : « Nous avons les moyens de façonner l’opinion publique mondiale », en disposant d’un budget, pour « financer les opérations de corruption, de recrutement de personnes au profil douteux et les opérations d’assassinats à l’étranger. » Un calcul a même été fait pour délimiter le budget d’une opération de corruption de mille « personnes clés (parlementaires, journalistes, scientifiques, juges, etc.) », dans chacun des 50 premiers pays de la planète. Cela représente à peine 10% du budget annuel des services de renseignement et 0,8 % du budget annuel des services de défense globale des USA.
La conclusion est que les « Etats-Unis disposent de moyens financiers nécessaires pour corrompre une majorité de parlementaires de la presque totalité des pays de la planète, de juges, et la totalité des rédacteurs en chef des principaux médias. Si un tel niveau de corruption avoué est possible, comment ne pas imaginer que des niveaux de corruption biens plus modestes puissent être réels alors qu’ils n’apparaissent que sous forme de légers frissons en profondeur face aux vagues dévastatrices américaines. Devenue de plus en plus une infraction transfrontière, la corruption, avec la libéralisation effrénée de l’économie mondiale, ouvre à son domaine d’intervention un espace sans limites et encore plus fructueux, celui des affaires en tant que point de rencontre de trafics en tout genre où se conjugue la masse colossale de leurs bénéfices mutuels. La corruption devenait une menace très sérieuse pour le nouvel ordre mondial qui s’installait, après sa victoire sur le collectivisme, sur le concept du « bienfait de l’ouverture des relations économiques internationales. »
Elle risque de le faire sombrer dans les travers d’un libéralisme débridé qui instaure la tricherie et l’effacement subreptice des frontières entre le licite et l’illicite dans les affaires. Selon l’estimation, faite en 2003, par le directeur chargé de la gouvernante à la Banque mondiale, le revenu des transactions illicites représente 5% du volume mondial des échanges, soit un trillion de dollars américains, la moitié représente les paiements illicites et les pots-de-vin. Cependant, les augmentations des aides, particulièrement celles de l’OCDE prévues en 2010, et l’accroissement des transactions internationales et de la contrebande, qui se greffent sur l’incontrôlable boulimie de la consommation de tout genre, ne poussent pas à l’optimisme. Ainsi, la mondialisation a permis de promouvoir une zone grise devenue difficile à délimiter, ne permettant plus de distinguer entre le permis et le défendu.
C’est le cas notamment des rémunérations mirobolantes et primes de départ accordées aux dirigeants des grandes entreprises capitalistes, du gonflement des frais professionnels ou les « fringe benefits » (avantages annexes) américains, une forme déguisée de corruption, à côté d’autres pratiques telle « la comptabilité créative » établie selon des standards élaborés pour tromper les actionnaires, du « délit d’initié » pour manipuler les marchés financiers au détriment de petits actionnaires naïfs, de l’usage illicite des ressources de l’entreprise) à des fins personnelles (abus de biens sociaux) ou bien de la plus scandaleuse pratique du monde des affaires, le principe de « déductibilité scale des pots-de-vin » la déduction de l’impôt des sommes versées en pots-de-vin à des agents publics étrangers une pratique qui a permis de révéler les cas de nombreux cadres étrangers et même des chefs d’Etat (Abacha, Taylor, Mobutu, Fujimori, Bhutto et Suharto…), à côté des scandales qui touchent de hauts responsables politiques dans leur pays, parlementaires, chefs d’Etat ou de gouvernement, ministres, etc. accusés de corruption.
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