Propos recueillis pa Marc Epstein , mis à jour le 27/08/2008 - publié le 27/08/2008
Avant sa visite en France mercredi 27 août, le souverain hachémite a accordé un entretien exclusif à L'Express. Très inquiet pour le processus de paix au Proche-Orient, il s'exprime aussi sur la menace iranienne et sur le poids de sa charge.
Lors du lancement de l'Union pour la Méditerranée (UPM), en juillet, à Paris, la Jordanie était représentée par son Premier ministre. Votre absence traduit-elle un manque d'intérêt à l'égard de ce projet?
Non, j'ai une très grande amitié pour Nicolas Sarkozy, mais mon emploi du temps ne m'a pas permis d'honorer ce rendez-vous. C'est l'une des raisons de ma visite en France, le 27 août.
Qu'attendez-vous de l'UPM?
Nous avons une relation forte avec l'Europe ; votre région a toujours été plus proche du Moyen-Orient que les Etats-Unis, la Russie ou les pays d'Asie. La France, en particulier, est l'un des principaux partenaires commerciaux de la Jordanie. L'UPM représente un moyen concret pour nous rapprocher encore.
Pourquoi l'UPM réussirait-elle mieux que le processus de Barcelone, né en 1995, et qui a déçu?
Cet échec est largement dû au manque de progrès enregistré dans les négociations israélo-palestiniennes. L'UPM prend acte de cette situation, en quelque sorte, et propose une autre dynamique, grâce à une série de projets concrets de nature à intéresser tous les pays de la région.
Le conflit israélo-palestinien a fait l'objet de multiples négociations, au point que chacun voit bien désormais quels seraient les contours d'un éventuel accord. Seule la volonté politique fait défaut. Sur cette question du leadership, voyez-vous des raisons d'espérer une évolution?
C'est le coeur du sujet. Au sein de l'Autorité palestinienne comme dans de nombreux pays arabes, il y a une forte volonté de parvenir à un accord. Mais qu'en est-il en Israël? J'ai souvent discuté avec des responsables israéliens. Je leur dis : "Ecoutez, puisque nous voulons développer des relations de confiance et poursuivre le processus de paix, expliquez-moi à quoi pourrait ressembler votre pays dans une dizaine d'années. Et quel sera, alors, son rôle régional?" C'est une question à laquelle de nombreux dirigeants arabes peuvent répondre sans difficulté.
Les Israéliens, en revanche, semblent obnubilés par le temps présent, les attentats suicides et les tirs de roquettes contre leur territoire. Ils voient la "forteresse Israël" d'aujourd'hui, sans se projeter dans un avenir où leur Etat serait intégré dans la région. Je crains, pour cette raison, que le processus de paix ne soit menacé. Le soutien de la Jordanie reste intact. Mais je ne suis pas certain, au fond, que les Israéliens veuillent résoudre ce problème. Car ils manquent d'une vision à long terme.
Israël est engagé dans des discussions avec la Syrie, via la Turquie, ainsi qu'avec le Hezbollah, par une série d'intermédiaires. N'est-il pas frustrant de constater que les leaders arabes modérés, comme vous-même, sont souvent tenus à l'écart?
C'est extrêmement frustrant. Nous souhaitons bonne chance aux Israéliens et aux Syriens, bien sûr, à supposer qu'ils puissent régler leurs problèmes. Mais ces échanges interviennent au moment précis où de nombreux pays de la région tentent de faire progresser le dossier israélo-palestinien - une question clef pour le Moyen-Orient. Et voilà soudain que les Israéliens parlent aux Syriens!
Je vais peut-être vous sembler facétieux, mais il me semble que ces négociations bilatérales tombent bien, du point de vue des deux parties, car elles constituent une bonne raison pour éviter de se concentrer sur la question palestinienne. Je suis inquiet parce que, pendant ce temps-là, l'horloge tourne. Au rythme où vont les choses, la Cisjordanie aura bientôt perdu sa continuité géographique [NDLR : en raison de la présence du mur de séparation, des colonies de peuplement et des nombreuses routes d'accès "protégées"].
Dans ces conditions, comment imaginer un Etat palestinien viable? Et, si cette perspective s'éloigne, comment faire avancer les négociations? Actuellement, 57 pays, soit près d'un tiers des Etats représentés aux Nations unies, ne reconnaissent toujours pas Israël. Nous proposons aux Israéliens la reconnaissance de la part de ce monde arabe et musulman, qui s'étend du Maroc à l'Indonésie. Ce n'est pas rien! Mais il faut, en échange, offrir un avenir aux Palestiniens.
Y a-t-il une autre solution que la création d'un Etat palestinien?
Non, je ne crois pas. La seule issue acceptable aux yeux des musulmans et des Arabes implique un accord sur Jérusalem, sur les réfugiés palestiniens et sur un foyer national pour le peuple palestinien. Certains évoquent parfois une "option jordanienne", de nature confédérale. Mais rien ne se fera tant que les Palestiniens ne disposeront pas d'un Etat.
Si John McCain et Barack Obama sont décidés à régler le conflit israélo-palestinien, doivent-ils s'atteler à la tâche dès leur premier mandat?
Oui, car le temps presse. Israéliens et Palestiniens ne parviendront pas, seuls, à une solution.
Tant que le Hamas contrôlera Gaza et que le camp palestinien sera divisé, est-il réaliste de parler d'un accord?
Les pays occidentaux font un trop grand cas du Hamas, aux dépens de l'Autorité palestinienne. Si les leaders israéliens, américains et européens considèrent que le Hamas est un paria, qu'ils soutiennent davantage l'Autorité palestinienne! En versant une aide économique plus importante, d'abord, mais aussi -en ce qui concerne Israël- en supprimant des barrages routiers et en cessant de construire des colonies
Avant sa visite en France mercredi 27 août, le souverain hachémite a accordé un entretien exclusif à L'Express. Très inquiet pour le processus de paix au Proche-Orient, il s'exprime aussi sur la menace iranienne et sur le poids de sa charge.
Lors du lancement de l'Union pour la Méditerranée (UPM), en juillet, à Paris, la Jordanie était représentée par son Premier ministre. Votre absence traduit-elle un manque d'intérêt à l'égard de ce projet?
Non, j'ai une très grande amitié pour Nicolas Sarkozy, mais mon emploi du temps ne m'a pas permis d'honorer ce rendez-vous. C'est l'une des raisons de ma visite en France, le 27 août.
Qu'attendez-vous de l'UPM?
Nous avons une relation forte avec l'Europe ; votre région a toujours été plus proche du Moyen-Orient que les Etats-Unis, la Russie ou les pays d'Asie. La France, en particulier, est l'un des principaux partenaires commerciaux de la Jordanie. L'UPM représente un moyen concret pour nous rapprocher encore.
Pourquoi l'UPM réussirait-elle mieux que le processus de Barcelone, né en 1995, et qui a déçu?
Cet échec est largement dû au manque de progrès enregistré dans les négociations israélo-palestiniennes. L'UPM prend acte de cette situation, en quelque sorte, et propose une autre dynamique, grâce à une série de projets concrets de nature à intéresser tous les pays de la région.
Le conflit israélo-palestinien a fait l'objet de multiples négociations, au point que chacun voit bien désormais quels seraient les contours d'un éventuel accord. Seule la volonté politique fait défaut. Sur cette question du leadership, voyez-vous des raisons d'espérer une évolution?
C'est le coeur du sujet. Au sein de l'Autorité palestinienne comme dans de nombreux pays arabes, il y a une forte volonté de parvenir à un accord. Mais qu'en est-il en Israël? J'ai souvent discuté avec des responsables israéliens. Je leur dis : "Ecoutez, puisque nous voulons développer des relations de confiance et poursuivre le processus de paix, expliquez-moi à quoi pourrait ressembler votre pays dans une dizaine d'années. Et quel sera, alors, son rôle régional?" C'est une question à laquelle de nombreux dirigeants arabes peuvent répondre sans difficulté.
Les Israéliens, en revanche, semblent obnubilés par le temps présent, les attentats suicides et les tirs de roquettes contre leur territoire. Ils voient la "forteresse Israël" d'aujourd'hui, sans se projeter dans un avenir où leur Etat serait intégré dans la région. Je crains, pour cette raison, que le processus de paix ne soit menacé. Le soutien de la Jordanie reste intact. Mais je ne suis pas certain, au fond, que les Israéliens veuillent résoudre ce problème. Car ils manquent d'une vision à long terme.
Israël est engagé dans des discussions avec la Syrie, via la Turquie, ainsi qu'avec le Hezbollah, par une série d'intermédiaires. N'est-il pas frustrant de constater que les leaders arabes modérés, comme vous-même, sont souvent tenus à l'écart?
C'est extrêmement frustrant. Nous souhaitons bonne chance aux Israéliens et aux Syriens, bien sûr, à supposer qu'ils puissent régler leurs problèmes. Mais ces échanges interviennent au moment précis où de nombreux pays de la région tentent de faire progresser le dossier israélo-palestinien - une question clef pour le Moyen-Orient. Et voilà soudain que les Israéliens parlent aux Syriens!
Je vais peut-être vous sembler facétieux, mais il me semble que ces négociations bilatérales tombent bien, du point de vue des deux parties, car elles constituent une bonne raison pour éviter de se concentrer sur la question palestinienne. Je suis inquiet parce que, pendant ce temps-là, l'horloge tourne. Au rythme où vont les choses, la Cisjordanie aura bientôt perdu sa continuité géographique [NDLR : en raison de la présence du mur de séparation, des colonies de peuplement et des nombreuses routes d'accès "protégées"].
Dans ces conditions, comment imaginer un Etat palestinien viable? Et, si cette perspective s'éloigne, comment faire avancer les négociations? Actuellement, 57 pays, soit près d'un tiers des Etats représentés aux Nations unies, ne reconnaissent toujours pas Israël. Nous proposons aux Israéliens la reconnaissance de la part de ce monde arabe et musulman, qui s'étend du Maroc à l'Indonésie. Ce n'est pas rien! Mais il faut, en échange, offrir un avenir aux Palestiniens.
Y a-t-il une autre solution que la création d'un Etat palestinien?
Non, je ne crois pas. La seule issue acceptable aux yeux des musulmans et des Arabes implique un accord sur Jérusalem, sur les réfugiés palestiniens et sur un foyer national pour le peuple palestinien. Certains évoquent parfois une "option jordanienne", de nature confédérale. Mais rien ne se fera tant que les Palestiniens ne disposeront pas d'un Etat.
Si John McCain et Barack Obama sont décidés à régler le conflit israélo-palestinien, doivent-ils s'atteler à la tâche dès leur premier mandat?
Oui, car le temps presse. Israéliens et Palestiniens ne parviendront pas, seuls, à une solution.
Tant que le Hamas contrôlera Gaza et que le camp palestinien sera divisé, est-il réaliste de parler d'un accord?
Les pays occidentaux font un trop grand cas du Hamas, aux dépens de l'Autorité palestinienne. Si les leaders israéliens, américains et européens considèrent que le Hamas est un paria, qu'ils soutiennent davantage l'Autorité palestinienne! En versant une aide économique plus importante, d'abord, mais aussi -en ce qui concerne Israël- en supprimant des barrages routiers et en cessant de construire des colonies
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