En Algérie, une sanglante actualité a fait encore une fois passer à la trappe la commémoration d’un événement qui coûta la vie à plus de 12 000 victimes et qui ruina les populations de près de 30 douars du Nord constantinois. Il s’agit de l’insurrection généralisée du 20 août 1955, qui marquera à jamais l’histoire de la guerre d’Algérie dont elle fut incontestablement le véritable catalyseur. Comme toute guerre, celle de l’indépendance de l’Algérie aura laissé d’indélébiles traces. Chez les populations autochtones, mais également européennes. Plus d’un demi-siècle après ces douloureux événements, les chiffres des victimes de la répression continuent d’être l’objet de contestations et d’interprétations pas toujours désintéressées.
Cette contribution tente, les consciences enfin apaisées, de remettre de l’ordre dans ce bilan macabre. Pour l’Histoire et pour la mémoire des milliers de victimes.
Rappelons que durant l’insurrection 20 août 1955 dans la région du Nord constantinois, ce sont la petite bourgade minière d’El Alia et la ville de Skikda (ex-Philippeville) qui en furent les épicentres. Au niveau du village minier d’El Alia, il y eut les premières victimes civiles d’origines européennes – entre femmes, enfants et hommes – que différentes sources crédibles évaluent à 37. L’insurrection sur Skikda fera autant de victimes parmi la population d’origine européenne. Un témoin soutiendra que « 26 militaires sont tués et 92 civils dont 71 Européens sont massacrés ».
Dans un bilan dressé par la gendarmerie sur son site internet (histoire gendarmerie/dossier moi/aout 2005/violence/central2.htm ), parlant d’El Alia, il mentionne « 35 morts, 15 blessés et 2 disparus. Au total, le bilan des victimes des insurgés s’élève à 123 morts dont 71 dans la population européenne ». On peut noter que le total recensé par la gendarmerie – que l’on ne peut soupçonner de manipulation des chiffres – le document étant à l’époque ultra confidentiel et donc destiné à un usage interne –, s’élève bien à 71 morts européens entre ceux d’El Alia et ceux de Skikda.
Quant à la répression qui s’ensuivra et dont le sanguinaire Aussaresses ne fait aucun mystère, elle aura concerné sans distinctions les populations de tous les douars et les mechtas qui entourent Skikda. Notamment à Zef Zef, non loin de la carrière romaine et à Béni Mélek ; car ici, c’est à proximité du mausolée de Sidi Ahmed que les principaux responsables de l’insurrection (à l’exclusion de Ziroud Youcef) ont donné le signal à plus de 4 000 (quatre mille) combattants pour s’ébranler en deux colonnes en direction de Skikda. L’une contournera la muraille pour pénétrer par le Mont Plaisant et l’autre empruntera le chemin qui relie la Prise d’Eau à la ville par les hauteurs. Enfin, une 3e colonne composée essentiellement de travailleurs agricoles et commandée par Mahmoud Daïboun, partira de Zef Zef vers le faubourg de l’Espérance et la porte de Constantine. Le choix de tactique de prise en tenaille était très judicieux car il permettait de répartir les milliers de combattants, encadrés par près de 400 moudjahidines armés. Alors qu’ils étaient attendus comme l’affirme Aussaresses, les insurgés, relayés par des combattants infiltrés quelques jours auparavant, parviendront à tenir tête et surtout à engager le combat pendant toute l’après-midi.
Des chiffres disputés des deux côtés
Mais alors que le nombre des tués dans les rangs de la population européenne et ceux de l’armée française font l’unanimité, il n’en est pas de même pour les assaillants de l’ALN, ni encore moins pour les victimes de la terrible répression qui s’ensuivra. Curieusement, c’est cette histoire que d’anciens combattants de la guerre d’indépendance, lors d’un entretien au journal El Watan du 20 août 2005, auront superbement ignorée. Apparemment, ni le nombre de combattants mobilisés par le FLN- ALN – alors que la révolution qui avait à peine neuf mois commençait à s’enliser dangereusement –, ni celui des victimes algériennes n’auront échappé à la manipulation.
Souvent, c’est le chiffre officiel des victimes, qui est très loin de la réalité comme nous allons le démonter, qui sert de référence exclusive aux historiens et surtout aux universitaires et aux journalistes, dont certains passent à juste titre pour être des spécialistes de la guerre de libération. Dans ce cadre, la dernière contribution rapportée par El Watan du 21 août 2008 n’aura pas dérogé à la règle. L’auteur, Zahia El Mokrani-Gonon, reproduit les mêmes erreurs que ses nombreux prédécesseurs et collègues. Il en est ainsi de l’article de Florence Beaugé, du quotidien Le Monde du 27 février 2008 où la journaliste donne la parole à Daho Djerbal qui « voit ainsi dans la tragédie d’El-Halia, le 20 août 1955 – date à laquelle 123 personnes, dont 71 Européens, ont été massacrées […] ». Dans la foulée, suite à la sortie du documentaire Algérie, histoires à ne pas dire de JP Lledo, Médiène Benamar s’étonnait du chiffre rapporté par un témoin de premier ordre, âgé à l’époque de 20 ans et disposant encore, lors du tournage, de toutes ses capacités intellectuelles. On peut lire sous la plume de Médiène Benamar que « La narration qu’en présentent les témoins à Yazid l’enquêteur, fils de la mechta des Mouats, laisse pantois par ses outrances quant au chiffre des assaillants évalués par l’un d’entre eux de 1 500 à 2 000 personnes déferlant des maquis sur les paysans et ouvriers européens. Ni l’enquêteur ni le réalisateur maître du projet artistique et du discours pédagogique, n’interviennent pour pondérer, sinon corriger ».
Encore une fois, les chiffres dérangent y compris ceux qui tentent de s’en distancer, comme notre intellectuel et néanmoins ami de Kateb Yacine. Que les chiffres soient contestables en soit, il n’y a là rien de choquant, ce qui choque, de la part d’un homme très raffiné, c’est l’usage du mot « outrance ». Outrance envers qui ? S’il avait été historien, Médiène Benamar aurait été fort avisé de nous dire sa vérité à lui, celle qui s’alimente à des sources irréfutables. Non, sans aucune retenue, ni aucune clémence à l’égard d’un témoin parvenu à un âge plus que respectable, donc totalement désintéressé, il assène sa sentence. Elle est imparable surtout après une critique rondement menée du film de JP lledo.
La guerre commence par des massacres
Dans cet enchevêtrement de chiffres, il est une vérité que personne n’ose plus contester de nos jours, celle de l’étendue de la répression. Alors que, depuis la fin de la guerre, seuls les pieds noirs, pour des raisons évidentes, auront eu droit à la parole. Déjà dès le lendemain de l’insurrection la machine de désinformation se mettra en branle, faisant la part belle aux victimes d’origine européenne d’El Halia. Les corps mutilés des femmes st surtout des enfants feront le tour des rédactions internationales. Les rares images de la répression seront littéralement noyées dans le flot. Il est pour le moins anormal que cinquante-quatre ans après ces événements, on continue de traiter la question dans le sens voulu par la propagande pied noir et largement relayée par les médias et les officines militaro-politiques de l’Hexagone. Le comble de l’insoutenable est atteint lorsque des historiens de renoms, des intellectuels algériens ou des amis de l’Algérie continuent à recourir à des sources totalement subjectives. Cette contribution s’inscrit dans un cadre strictement historique et mémoriel. C’est pourquoi, elle se fixe comme règle de ne rien affirmer sans en citer les sources, les références et les auteurs.
Cette contribution tente, les consciences enfin apaisées, de remettre de l’ordre dans ce bilan macabre. Pour l’Histoire et pour la mémoire des milliers de victimes.
Rappelons que durant l’insurrection 20 août 1955 dans la région du Nord constantinois, ce sont la petite bourgade minière d’El Alia et la ville de Skikda (ex-Philippeville) qui en furent les épicentres. Au niveau du village minier d’El Alia, il y eut les premières victimes civiles d’origines européennes – entre femmes, enfants et hommes – que différentes sources crédibles évaluent à 37. L’insurrection sur Skikda fera autant de victimes parmi la population d’origine européenne. Un témoin soutiendra que « 26 militaires sont tués et 92 civils dont 71 Européens sont massacrés ».
Dans un bilan dressé par la gendarmerie sur son site internet (histoire gendarmerie/dossier moi/aout 2005/violence/central2.htm ), parlant d’El Alia, il mentionne « 35 morts, 15 blessés et 2 disparus. Au total, le bilan des victimes des insurgés s’élève à 123 morts dont 71 dans la population européenne ». On peut noter que le total recensé par la gendarmerie – que l’on ne peut soupçonner de manipulation des chiffres – le document étant à l’époque ultra confidentiel et donc destiné à un usage interne –, s’élève bien à 71 morts européens entre ceux d’El Alia et ceux de Skikda.
Quant à la répression qui s’ensuivra et dont le sanguinaire Aussaresses ne fait aucun mystère, elle aura concerné sans distinctions les populations de tous les douars et les mechtas qui entourent Skikda. Notamment à Zef Zef, non loin de la carrière romaine et à Béni Mélek ; car ici, c’est à proximité du mausolée de Sidi Ahmed que les principaux responsables de l’insurrection (à l’exclusion de Ziroud Youcef) ont donné le signal à plus de 4 000 (quatre mille) combattants pour s’ébranler en deux colonnes en direction de Skikda. L’une contournera la muraille pour pénétrer par le Mont Plaisant et l’autre empruntera le chemin qui relie la Prise d’Eau à la ville par les hauteurs. Enfin, une 3e colonne composée essentiellement de travailleurs agricoles et commandée par Mahmoud Daïboun, partira de Zef Zef vers le faubourg de l’Espérance et la porte de Constantine. Le choix de tactique de prise en tenaille était très judicieux car il permettait de répartir les milliers de combattants, encadrés par près de 400 moudjahidines armés. Alors qu’ils étaient attendus comme l’affirme Aussaresses, les insurgés, relayés par des combattants infiltrés quelques jours auparavant, parviendront à tenir tête et surtout à engager le combat pendant toute l’après-midi.
Des chiffres disputés des deux côtés
Mais alors que le nombre des tués dans les rangs de la population européenne et ceux de l’armée française font l’unanimité, il n’en est pas de même pour les assaillants de l’ALN, ni encore moins pour les victimes de la terrible répression qui s’ensuivra. Curieusement, c’est cette histoire que d’anciens combattants de la guerre d’indépendance, lors d’un entretien au journal El Watan du 20 août 2005, auront superbement ignorée. Apparemment, ni le nombre de combattants mobilisés par le FLN- ALN – alors que la révolution qui avait à peine neuf mois commençait à s’enliser dangereusement –, ni celui des victimes algériennes n’auront échappé à la manipulation.
Souvent, c’est le chiffre officiel des victimes, qui est très loin de la réalité comme nous allons le démonter, qui sert de référence exclusive aux historiens et surtout aux universitaires et aux journalistes, dont certains passent à juste titre pour être des spécialistes de la guerre de libération. Dans ce cadre, la dernière contribution rapportée par El Watan du 21 août 2008 n’aura pas dérogé à la règle. L’auteur, Zahia El Mokrani-Gonon, reproduit les mêmes erreurs que ses nombreux prédécesseurs et collègues. Il en est ainsi de l’article de Florence Beaugé, du quotidien Le Monde du 27 février 2008 où la journaliste donne la parole à Daho Djerbal qui « voit ainsi dans la tragédie d’El-Halia, le 20 août 1955 – date à laquelle 123 personnes, dont 71 Européens, ont été massacrées […] ». Dans la foulée, suite à la sortie du documentaire Algérie, histoires à ne pas dire de JP Lledo, Médiène Benamar s’étonnait du chiffre rapporté par un témoin de premier ordre, âgé à l’époque de 20 ans et disposant encore, lors du tournage, de toutes ses capacités intellectuelles. On peut lire sous la plume de Médiène Benamar que « La narration qu’en présentent les témoins à Yazid l’enquêteur, fils de la mechta des Mouats, laisse pantois par ses outrances quant au chiffre des assaillants évalués par l’un d’entre eux de 1 500 à 2 000 personnes déferlant des maquis sur les paysans et ouvriers européens. Ni l’enquêteur ni le réalisateur maître du projet artistique et du discours pédagogique, n’interviennent pour pondérer, sinon corriger ».
Encore une fois, les chiffres dérangent y compris ceux qui tentent de s’en distancer, comme notre intellectuel et néanmoins ami de Kateb Yacine. Que les chiffres soient contestables en soit, il n’y a là rien de choquant, ce qui choque, de la part d’un homme très raffiné, c’est l’usage du mot « outrance ». Outrance envers qui ? S’il avait été historien, Médiène Benamar aurait été fort avisé de nous dire sa vérité à lui, celle qui s’alimente à des sources irréfutables. Non, sans aucune retenue, ni aucune clémence à l’égard d’un témoin parvenu à un âge plus que respectable, donc totalement désintéressé, il assène sa sentence. Elle est imparable surtout après une critique rondement menée du film de JP lledo.
La guerre commence par des massacres
Dans cet enchevêtrement de chiffres, il est une vérité que personne n’ose plus contester de nos jours, celle de l’étendue de la répression. Alors que, depuis la fin de la guerre, seuls les pieds noirs, pour des raisons évidentes, auront eu droit à la parole. Déjà dès le lendemain de l’insurrection la machine de désinformation se mettra en branle, faisant la part belle aux victimes d’origine européenne d’El Halia. Les corps mutilés des femmes st surtout des enfants feront le tour des rédactions internationales. Les rares images de la répression seront littéralement noyées dans le flot. Il est pour le moins anormal que cinquante-quatre ans après ces événements, on continue de traiter la question dans le sens voulu par la propagande pied noir et largement relayée par les médias et les officines militaro-politiques de l’Hexagone. Le comble de l’insoutenable est atteint lorsque des historiens de renoms, des intellectuels algériens ou des amis de l’Algérie continuent à recourir à des sources totalement subjectives. Cette contribution s’inscrit dans un cadre strictement historique et mémoriel. C’est pourquoi, elle se fixe comme règle de ne rien affirmer sans en citer les sources, les références et les auteurs.
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