Les agriculteurs français s'adaptent au pétrole cher (1/5)
par Séverine Cazes
Plusieurs observateurs l'affirment : le prix du baril de pétrole pourrait dépasser dans les prochains mois les 200 dollars. Toute la semaine, lepoint.fr vous propose de découvrir comment cela changerait notre quotidien.
Imaginez des centrales nucléaires qui, au lieu de chauffer l'eau des rivières, serviraient à chauffer toute l'année des serres remplies de légumes et des usines à engrais. Ou encore des éleveurs bovins qui se mettraient à produire des céréales, qui se cotiseraient pour acheter un pressoir à plusieurs et fabriqueraient eux-mêmes l'huile de colza dont ils ont besoin pour faire tourner leurs machines et leurs tracteurs. Imaginez enfin des agriculteurs semant sans labour - comme dans le bon vieux temps ! - et des cultures produites avec deux fois moins d'engrais, selon le principe de la rotation des parcelles. Voilà à quoi pourrait ressembler l'agriculture française si le pétrole devait un jour - bientôt ? - dépasser la barre fatidique de 200 dollars le baril.
"Les agriculteurs se préparent depuis longtemps à une énergie chère", dit Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA. "Mais il est vrai que, ces derniers mois, la hausse du pétrole nous oblige à accélérer nos réflexions", ajoute le leader syndical qui, dans l'immédiat, s'inquiète de la trésorerie de certaines filières (légumes sous serres, grandes cultures, élevage), plus durement touchées que d'autres. Grands consommateurs de gaz et de fioul, les cultivateurs de légumes sous serres (les serristes), fort nombreux en Bretagne, seraient d'ores et déjà "pris à la gorge".
La chasse au gaspillage
Obligés de chauffer leurs serres - y compris durant l'été puisque l'humidité est porteuse de maladies pour les plantes -, ces exploitations ont beau avoir négocié avec Gaz de France des facilités de paiement, leur situation financière s'aggrave de jour en jour. "Le problème, c'est que nous ne sommes pas maîtres des prix du porc, du cours du lait, etc. Les agriculteurs ne peuvent donc pas toujours répercuter leurs hausses de coûts et certains risquent la faillite", explique encore M. Lemétayer, qui se félicite de la décision du ministère de l'Agriculture d'aider tous les agriculteurs à pratiquer un bilan énergétique complet de leurs installations. Première ébauche de solution pour faire face au pétrole cher, la "chasse au gaspi" a évidemment de beaux jours devant elle. Mais cette attitude économe ne suffira certainement pas, car les agriculteurs sont également de grands utilisateurs d'engrais et de plastiques, deux intrants dont les coûts sont directement indexés sur ceux du pétrole.
"Comparé à l'année 2006, le poste Carburants et lubrifiants a augmenté de 30 % en moyenne", explique Thierry Fellman, responsable du département économie à l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture. "Mais les postes Engrais et Aliments du bétail ont augmenté bien davantage... de 50 % chacun !", ajoute cet analyste qui décortique, mois après mois, les comptes d'exploitation des paysans français. "Avec un pétrole à 200 dollars, les coûts d'engrais d'une exploitation céréalière augmenteraient de 23 000 euros, sachant qu'ils sont déjà passés de 15 700 à 23 500 euros annuels depuis avril 2006", précise Thierry Fellman. Cependant, des solutions existent.
"Mieux vaut considérer l' effet pétrole comme une opportunité de changement, et non comme une menace", estime Thierry Fellman. Pour lui, les changements possibles passent par l'installation de pompes à chaleur dans les serres (comme en Hollande), la cogénération (les agriculteurs deviendraient des producteurs d'électricité) et l'adoption de nouvelles pratiques culturales, telles que les cultures tournantes pour réduire l'usage d'engrais, l'abandon des labours, etc. Autant d'évolutions auxquelles les agriculteurs français seront certainement contraints un jour. Un jour, mais quand ? "J'espère que ce ne sera pas demain matin", s'écrie en tout cas Jean-Michel Lemétayer, le président de la FNSEA.
par Séverine Cazes
Plusieurs observateurs l'affirment : le prix du baril de pétrole pourrait dépasser dans les prochains mois les 200 dollars. Toute la semaine, lepoint.fr vous propose de découvrir comment cela changerait notre quotidien.
Imaginez des centrales nucléaires qui, au lieu de chauffer l'eau des rivières, serviraient à chauffer toute l'année des serres remplies de légumes et des usines à engrais. Ou encore des éleveurs bovins qui se mettraient à produire des céréales, qui se cotiseraient pour acheter un pressoir à plusieurs et fabriqueraient eux-mêmes l'huile de colza dont ils ont besoin pour faire tourner leurs machines et leurs tracteurs. Imaginez enfin des agriculteurs semant sans labour - comme dans le bon vieux temps ! - et des cultures produites avec deux fois moins d'engrais, selon le principe de la rotation des parcelles. Voilà à quoi pourrait ressembler l'agriculture française si le pétrole devait un jour - bientôt ? - dépasser la barre fatidique de 200 dollars le baril.
"Les agriculteurs se préparent depuis longtemps à une énergie chère", dit Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA. "Mais il est vrai que, ces derniers mois, la hausse du pétrole nous oblige à accélérer nos réflexions", ajoute le leader syndical qui, dans l'immédiat, s'inquiète de la trésorerie de certaines filières (légumes sous serres, grandes cultures, élevage), plus durement touchées que d'autres. Grands consommateurs de gaz et de fioul, les cultivateurs de légumes sous serres (les serristes), fort nombreux en Bretagne, seraient d'ores et déjà "pris à la gorge".
La chasse au gaspillage
Obligés de chauffer leurs serres - y compris durant l'été puisque l'humidité est porteuse de maladies pour les plantes -, ces exploitations ont beau avoir négocié avec Gaz de France des facilités de paiement, leur situation financière s'aggrave de jour en jour. "Le problème, c'est que nous ne sommes pas maîtres des prix du porc, du cours du lait, etc. Les agriculteurs ne peuvent donc pas toujours répercuter leurs hausses de coûts et certains risquent la faillite", explique encore M. Lemétayer, qui se félicite de la décision du ministère de l'Agriculture d'aider tous les agriculteurs à pratiquer un bilan énergétique complet de leurs installations. Première ébauche de solution pour faire face au pétrole cher, la "chasse au gaspi" a évidemment de beaux jours devant elle. Mais cette attitude économe ne suffira certainement pas, car les agriculteurs sont également de grands utilisateurs d'engrais et de plastiques, deux intrants dont les coûts sont directement indexés sur ceux du pétrole.
"Comparé à l'année 2006, le poste Carburants et lubrifiants a augmenté de 30 % en moyenne", explique Thierry Fellman, responsable du département économie à l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture. "Mais les postes Engrais et Aliments du bétail ont augmenté bien davantage... de 50 % chacun !", ajoute cet analyste qui décortique, mois après mois, les comptes d'exploitation des paysans français. "Avec un pétrole à 200 dollars, les coûts d'engrais d'une exploitation céréalière augmenteraient de 23 000 euros, sachant qu'ils sont déjà passés de 15 700 à 23 500 euros annuels depuis avril 2006", précise Thierry Fellman. Cependant, des solutions existent.
"Mieux vaut considérer l' effet pétrole comme une opportunité de changement, et non comme une menace", estime Thierry Fellman. Pour lui, les changements possibles passent par l'installation de pompes à chaleur dans les serres (comme en Hollande), la cogénération (les agriculteurs deviendraient des producteurs d'électricité) et l'adoption de nouvelles pratiques culturales, telles que les cultures tournantes pour réduire l'usage d'engrais, l'abandon des labours, etc. Autant d'évolutions auxquelles les agriculteurs français seront certainement contraints un jour. Un jour, mais quand ? "J'espère que ce ne sera pas demain matin", s'écrie en tout cas Jean-Michel Lemétayer, le président de la FNSEA.
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