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Qarqabou: Un art étrange aux sonorités insolites les origines de la nuit des temp

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  • Qarqabou: Un art étrange aux sonorités insolites les origines de la nuit des temp

    Qarqabou, les origines de la nuit des temps


    Qui n’a pas un jour de son enfance entendu les quartiers d’Alger et des grandes villes algériennes souvent résonner sous les crotales (qarqabou) de Baba Salem, sous des atours bigarrés surchargés de couleurs et de rythmes ? Selon le bon vouloir de chacun, la pièce était lancée du haut d’un balcon en offrande, le rire et la bonne humeur tout le temps assurés. Qu’est-ce que les qarqabou ? Que signifier le diwan ? La réponse se terre alors dans les indices immémoriaux de l’inconscient collectif.

    Le diwan est un ensemble d’œuvres, il devient une appartenance, un rassemblement, quand il est pris en charge par les héritiers d’une tradition séculaire. En ce qui concerne le « Diwan de Sidi Blal » (le Diwan de Sidi Bilal, le premier muezzin abyssin de l’histoire fabuleuse de l’islam), il plonge les racines de ses origines très profondément dans le cœur de l’Afrique. Le bruit lancinant des crotales en fer rythmé par des tambours en peau de chameau ou de bœuf, les t’bal colorés de henné, une cadence permanente, menant inexorablement vers une transe intraduisible dans le mode profane. Le vêtement ample, tout en soieries, incite au respect du «cérémonial», les musiciens, maîtres de séance, noirs, altiers, sillonnent les rues des villes et des villages pour les ziarate hautes en couleur qui attirent les gens dans leur folle sarabande, celles-ci sont appelées Derd’ba, le rituel s’installe alors et les animateurs de cette étrange cérémonie commencent l’aventure dans les profondeurs de l’âme humaine.

    L’origine de ces étranges magiciens des sons va chercher très loin sa naissance; probablement dans les lointaines contrées de Nubie. La légende, ou plutôt l’histoire dit que cette origine plonge ses racines au Soudan, les anciens disent que ces chefs de cérémonie seraient descendants d’esclaves achetés par les familles bourgeoises d’Afrique du Nord ; on les appelait les w’ssif, littéralement personnes de couleur, mais aussi littéralement les gens à disposition (un euphémisme pour ne pas dire esclave sans doute !).

    L’esclavage est aboli, la musique reste !

    Bien que l’esclavage soit aboli en 1848, la tradition gardera longtemps cette habitude d’avoir un ou plusieurs w’ssif dans une maison.
    Mais ces musiciens hors pairs sont par héritage séculaire, organisés en confrérie ; ils veillent à la préservation d’une conscience raciale puissamment entretenue par le rituel et la tradition. C’est pour cela qu’ils s’entraident mutuellement dans la pure tradition africaine, poussés par la religion musulmane qui demeure ainsi le ciment culturel de leur fonctionnement quotidien et l’organisation de leurs traditions en rites usuels précis. Le culte est ainsi entretenu sur des modes musicaux qui interpellent souvent, pour ne pas dire toujours, la liturgie.

    Ces cérémoniaux, sont à vrai dire construits sur une expression musicale fortement rythmique dans un système précis qui fait appel à des instruments harmonisés malgré l’apparence extérieure qui peut sembler à première vue quelque peu anarchique.

    Le chant et la musique ont très peu de chose à voir avec les musiques dites «profanes» entreprises par les nouveaux jazzmen et les partisans de la world music qui prennent à bras-le-corps ces sonorités insolites pour rester englués dans les rets de la mode ethnique sans âme.

    Pour le Diwan Sidi B’lal, les choses sont beaucoup plus authentiques et sérieuses.

    Les abysses originelles

    L’impression vivace de voyager dans le temps, c’est la première pensée qui s’impose dans l’esprit du «regardeur» de cet étrange rituel. Le rythme saccadé, les notes lancinantes, les incantations en contre voix qui s’entrechoquent rapidement, l’alternance entre les soupirs et les crescendos les plus puissants s’harmonisent sur une instrumentation appuyée par le gumbri, petit instrument rectangulaire à trois cordes aux sonorités graves en général réalisées avec des boyaux de chèvre. Le son velouté du gumbri est accompagné des Qarqabous qui finissent par donner leur nom à la troupe. Les rituels basiques se passent souvent dans les zaouïas «marabouts» autour des sépultures des saints patrons.

    La dénomination des musiciens est souvent déclinée sous le nom de «Bambara»; «Baba Salem»; «G’nawa»… avec des différences d’appellation entre l’Ouest et l’Est par exemple.

    Mais en ce qui concerne le Diwan de Sidi B’lal, la saison du printemps revêt une importance primordiale ; facile de deviner alors tout le concept de renouveau, de renaissance et de remise en place du cycle de la vie en marche… La célébration de cette nouvelle saison se pare d’une fête illustrant ce renouveau dans ce qui est appelé communément «Aïd El-foul» ( la fête des fèves) ; cette cérémonie est ironiquement usitée surtout quand on sait que dans un lointain passé, les esclaves étaient vendus au prix d’un sac de fèves…

    Mais une autre légende rejoint celle-ci pour incarner les délicates amours d’un sultan pour sa concubine noire. De cette passion naquit un enfant que le sultan nomma Bilal. Cette histoire d’amour et de tolérance provoqua le respect des familles algéroises qui érigèrent alors une qobba (marabout) en hommage au fils du sultan.

    En avant le gangafarma !

    La musique du diwan est composée sur des rituels précis, d’abord la nouba qui se joue sur des cérémonies traditionnelles, la nouba commence avec les tambours et annonce le diwan.

    Le kouyou est une chorégraphie qui ouvre la cérémonie, le kouyou précède souvent la cérémonie de sacrifice du taureau. C’est ensuite El-Meïdane qui est le cœur de la cérémonie, l’orchestre se place face à la m’hala (assistance) le rituel est toujours présidé par le m’âalem le maître de cérémonie (et de l’orchestre donc) qui est gardien du répertoire sacré et qui joue du Gumbri, le m’âalem est secondé par le guendouz qui est son assistant et héritier spirituel. A droite du m’âalem s’asseoit le kouyoubango qui chante les bradjs, (parties du répertoire). A la gauche se place le gangafarma qui joue du ganga, un instrument aujourd’hui disparu et qui ressemble à l’imzad, sorte de grosse vielle (instrument à corde aux sons graves) réalisée sur une calebasse qui donne un son très rugueux sur une corde.

    Le «réalisateur» des actes rituels est le chaouch ou m’keddem, il s’occupe des invités.

    Les cercles de musiques magiques

    Les qarqabous se mettent sur les côtés du demi-cercle et forment la chorale.

    On notera l’absence quasi-totale de l’élément féminin, si ce n’est la ârifa qui est reconnue pour son statut de manipulatrice des instruments sacrés, elle ne joue pas de ceux-ci, mais elle est nécessaire dans le diwan lors des danses, transes et processions féminines.

    Mais la sacralité de ces chants et rituels ne fait pas oublier quelques aspects ironiques et humoristiques que l’on citera en exemple à travers le Bordj intitulé Bambara iheb el foul, (Bambara aime les fèves). L’entrée dans la hadra, l’espace symbolique sacré, est permise à tout un chacun à la seule condition de pénétrer les pieds nus en se purifiant spirituellement.

    L’invocation des Ridjal Allah est le nœud gordien de ces cérémonies originaires du Soudan, mais elles se mêlent naturellement avec les génies arabes et berbères comme Baba Hamouda, Sidi-Ali, Sidi-Hamou, Bouderbala.

    L’encens (djaoui) est l’élément central de la mise en place de la hadra, les gens dansent, bougent la tête de droite à gauche sur une cadence lancinante des qarqabous heureusement attenuée par le son doux du gumbri. Les chants sont souvent sacrés, ils font appel au med’h (louange au prophète qssl !), par une invocation qui s’impose souvent dans les rituels et qui est : Ay iara djengari mama.

    Les chansons et danses évoquent la liberté comme Kouyou, la danse de la reine habillée de rose Nana Aïcha; bouderbala, la danse du repentir et de retour à Dieu.

    Mais aussi megzaoua dite la danse du chasseur ou la danse des couteaux.

    Ce rituel fortement dépaysant est pourtant intégré dans le Nord algérien où par exemple nous avons eu le loisir de découvrir la troupe de Qarqabou El-Hillal, dans les limites de la ville des Roses, ce diwan est fortement ancré dans la région et fait encore les beaux jours d’une culture qui s’enrichit de toutes ses composantes les plus riches et les plus insolites.

    Le diwan et ses illustrations les plus diverses continuent sur sa lancée avec une animation continue de ces chants sacrés immémoriaux qui transcendent les temps les plus reculés pour se garder intact dans nos cœurs. Il est tout simplement fabuleux de découvrir ces cérémoniaux magiques en attendant de les rédécouvrir bientôt. J. G.

    Sources :
    Association El-Hillel
    Qarqabou de Blida).
    Contact : Association El-Hillel chez Association El-Manar,
    4, place du 1er Novembre,
    09 000 Blida, Algérie.

    - Le Jeune Independant
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