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Des centaines de journalistes sans toit !

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  • Des centaines de journalistes sans toit !

    Journalistes SDF.....Parqués dans des chambres d'hôtel ou vivant en location dans des taudis

    Ils ne passent pas leurs nuits à la belle étoile, mais dans des nids douillets. Des abris de fortune chèrement loués à défaut d’un toit décent, digne du métier qu’ils exercent. Ils manquent cruellement de stabilité. Ce sont de véritables nomades dans un monde urbain.

    Ils changent de toit comme ils changent de chemise. Eux, ce sont les journalistes, tous médias confondus, auxquels le problème du logement se pose avec acuité. Comble de l’ironie, depuis l’avènement de la presse indépendante en 1990, aucun journaliste ne s’est penché sérieusement sur le problème du logement auquel font face ses confrères, alors que tous les problèmes des autres citoyens, y compris celui du logement, sont sérieusement pris en charge par les médias. En un mot, le journaliste est au service de la société. Il contribue tant bien que mal, à travers des reportages, à solutionner les difficultés de celle-ci mais oublie les siennes ou feint de les oublier. Il se résigne à son sort, baisse les bras et jette même l’éponge comme un boxeur groggy. Alors que les autres secteurs en ont bénéficié, la corporation des journalistes n’en a jamais profité, notamment depuis l’ouverture du champ médiatique. Et pourtant, tous les Algériens croient que le monde de la presse jouit de tous les conforts et commodités. Malheureusement, les professionnels des médias sont très nombreux à souffrir en silence et dans l’indifférence. Ils sont les plus lésés en matière de logement. En Algérie, les journalistes sont des laissés-pour-compte, alors que dans d’autres pays, ils sont si bien rémunérés que le problème du logement est accessoire.

    Pour bien comprendre la souffrance de cette frange de la société, plusieurs journalistes ont accepté d’ouvrir leur cœur et de raconter leurs souffrances.

    Nadir Bensebaâ, le représentant de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) nous a indiqué : «Nous avons hébergé des journalistes en situation de détresse. Ils n’arrivaient pas à payer leur loyer. Du jour au lendemain, ils se sont retrouvés sans toit. Nous sommes allés jusqu’à transgresser certaines règles pour leur éviter de passer la nuit à la belle étoile.» Le Syndicat national des journalistes, en collaboration avec la FIJ, a volé plusieurs fois au secours des gens de la corporation qui étaient confrontés à ce genre de situation. Mais le manque de moyens fait cruellement défaut et il a fallu que le syndicat demande l’assistance de certains organismes pour loger les journalistes. C’est dire tout le désarroi des journalistes sans domicile.

    Ils sont au nombre de 120 à vivre régulièrement dans les hôtels sécuritaires de Sidi Fredj et de Moretti. Depuis l’avènement du terrorisme, ils ont trouvé refuge dans ces hôtels qui n’offrent aucune commodité. H. B., vit avec ses trois filles dans une chambre de 6 m2. Le balcon fait office de cuisine. Il réside à l’hôtel El-Manar depuis décembre 1993, lui qui se targue d’exercer ce métier depuis plus de 20 ans. «Il est temps que les pouvoirs publics se penchent sur notre détresse», déclare-t-il d’un ton amer et plein de dépit face à l’indifférence affichée à leur égard par ces mêmes pouvoirs à leur égard. Son voisin, L. N, caricaturiste, a même eu une dépression nerveuse à cause de l’exiguïté de la chambre dans laquelle il vit avec sa femme et ses deux filles. Et que dire de O. M., célibataire endurci, qui occupe les lieux depuis plus de 15 ans. Talentueux journaliste aimant à la folie l’histoire de l’Algérie, il se lamente de n’avoir pas assez d’espace pour donner libre cours à son talent et laisser quelques écrits pour la postérité. Ce ne sont là que trois cas parmi les 120 journalistes qui vivent cette situation sans parler de ceux qui possèdent des chambres mais qui n’y habitent pas tout le temps.

    Ceux qui n’ont pas bénéficié de ce genre de chambre sont, en revanche, obligés d’avoir recours à la location, à Alger ou dans sa périphérie. I. D. en fait partie. Journaliste dans la presse écrite depuis 1994 et père d’un enfant, il paye 22 000 DA de loyer pour un F3 à Hussein Dey. «Au-delà de toutes les procédures et autres moyens nécessaires pour régler le problème du logement dans notre pays, il est navrant de constater que la corporation des journalistes n’a bénéficié d’aucune opération de logement comme celles dont ont bénéficié les enseignants universitaires et les magistrats.» Tel est le constat d’un rédacteur qui souffre le martyre pour arriver à joindre les deux bouts.

    M. C., dont l’expérience dans le monde de la presse remonte à 6 ans, parle comme si le fait d’évoquer ce problème lui enlève l’envie de vivre, même s’il est encore jeune. En fait, l’expérience de ses aînés en la matière le rend sceptique. Aujourd’hui, il vit dans une sorte de pensionnat à raison de
    4 000 DA le mois. «Nous sommes 5 journalistes à vivre dans ce pensionnat. Nous ne nous sentons pas à l’aise. Nous ne demandons pas la lune, mais juste de quoi vivre décemment», indique-t-il
    De son côté, A. K., nouvellement marié qui se démène comme un beau diable pour pouvoir louer un studio. «Nous attendons un geste des pouvoirs publics, notamment le ministère de la Communication et celui de l’Habitat. Nous nous plaignons du manque d’organisation dans la corporation qui fait que les journalistes ne bénéficient pas de leurs droits fondamentaux, parmi lesquels le logement», affirme ce journaliste dont le quotidien se résume à chercher un logement. La situation est encore plus dramatique pour cette femme journaliste, âgée de 37 ans et célibataire, qui consacre la moitié de son salaire pour louer une place dans un pensionnat pour femmes. S. G., assez expérimentée dans le domaine, est pourtant titulaire d’un DEUA en techniques bancaires et monétaires. L’un de ses articles sur les assurances a été primé par le ministère des Finances, mais au-delà de cette distinction, elle vit le calvaire : «Doit-on manger ou louer ou encore penser à l’article de demain», s’interroge-t-elle en soulignant qu’elle a galéré ainsi pendant plus de 2 ans.

    La liste est longue, trop longue même. Certains refusent de parler mais en aparté, ils étalent leur détresse, leur désarroi aussi. Il y en a même plusieurs à fréquenter les restos du cœur durant ce mois de ramadan. Il n’y a aucune honte à le dire ; c’est la triste réalité de cette corporation.
    A. B., qui vient juste de convoler en justes noces, a lui aussi galéré.

    Locataire dans un hôtel à Alger, il débourse 6 000 DA chaque mois pour le loyer de sa chambre. Pendant plusieurs années, ce journaliste qui a commencé à travailler en pleine période de terrorisme, a logé à la cité universitaire Taleb-Abderrahmane de Ben Aknoun. Aujourd’hui, il a rejoint les rangs des journalistes sans logis. «Que dire sinon que nous représentons des cas sociaux ? Je n’ai aucune honte à le dire. Si personne ne se penche sur notre cas, je crois que le phénomène de la harga va nous atteindre, comme nos confrères qui sont partis au début des années 1990». Voilà où en sont aujourd’hui les journalistes dont on croit à tort qu’ils sont riches et qu’ils sont les mieux nantis dans notre pays.
    Il vient juste de subir une intervention chirurgicale. Ce jeune de 31 ans n’est pas encore marié ; la raison est toute évidente. Très estimé dans la corporation, il souffre en silence. «Cette situation m’empêche de penser au mariage. Je n’ai aucun objectif dans la vie puisque que je ne possède pas de toit. On ne pense qu’à renouveler le bail de location ; voilà où nous en sommes», lance-t-il d’une voix à peine audible avant d’ajouter : «Vu notre situation de célibataires, nous trouvons les pires difficultés à convaincre les propriétaires de nous louer un appartement». N. Z., puisque ce sont ses initiales, est un reporter de la presse sportive, un métier qu’il exerce depuis environ 10 ans. Il ne comprend pas pourquoi, depuis qu’il a embrassé ce métier, il n’a pratiquement jamais entendu parler de journalistes ayant bénéficié de logements sociaux. «Je ne connais pas de journalistes qui ont les moyens de postuler pour des logements participatifs. Il faut cependant avouer que certains éditeurs, et ils sont peu nombreux malheureusement, contribuent à aider leurs journalistes en leur louant des appartements. Une louable initiative si celle-ci venait à être généralisée à tous les autres titres de la presse. Mais ne dit-on pas qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même ?

    Il y a eu des promesses pour faire loger les journalistes, notamment du temps d’un ancien ministre de la Communication, mais celles-ci sont restées sans suite.

    Pendant ce temps, le journaliste continue de broyer du noir dans l’indifférence la plus totale.

    - Le Jeune Independant
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