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La place de la médecine caritative dans le système de santé algérien ?

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  • La place de la médecine caritative dans le système de santé algérien ?

    Le choix du système de santé dans un pays est toujours une décision politique qui va déterminer le choix du mode de financement des soins de santé.

    En Algérie, les politiques de financement de la santé ont été marquées par trois grandes orientations successivement dominantes: la gratuité des soins assez fictive, la participation financière des usagers aux résultats très contrastés et le partage des risques dans des mécanismes assuranciels encore peu développés et mal gérés mais qui constituent une dynamique nouvelle assez prometteuse même si dans notre pays la prise en compte de la dimension économique n'entrait pas encore dans la culture dominante. La lecture attentive du décret exécutif 07-321 du 22 octobre 2007 portant organisation et fonctionnement des établissements hospitaliers privés et l'analyse particulière des articles 27 et 37 de ce décret semblent autoriser la création d'hôpitaux privés par les mutuelles et les associations et permettre aussi de recevoir au titre de recettes les dons et legs. Ce qui laisse envisager qu'il y aura désormais une place à la médecine caritative et au mécénat dans le financement de la santé à côté du budget de l'Etat, de l'assurance maladie, des ménages et de la solidarité nationale.

    - Que pourra être la place de la médecine caritative dans notre système de santé ?

    Le législateur algérien n'a pas encore prévu de place spéciale pour le mécénat ni pour les fondations et celles qui fonctionnent actuellement sous cette appellation sont en fait régies par le statut d'association et activent dans ce cadre.

    La fondation est l'acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident de l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général et à but non lucratif. Nécessairement dotée d'un patrimoine, elle se distingue de l'association qui est avant tout un regroupement de personnes physiques ou morales pour conduire un projet commun.

    En constituant une fondation, le fondateur crée une instance nouvelle et distincte de lui.

    Il peut exister trois types de fondations:

    - Les fondations créées sous égide

    - La fondation reconnue d'utilité publique

    - La fondation d'entreprise

    Les fondations d'entreprise en particulier sont très nombreuses dans le monde anglo-saxon, en raison d'un régime fiscal incitateur et très favorable. Beaucoup de particuliers y disposent aussi de la fortune nécessaire pour s'investir dans une mission d'intérêt général.

    Plus proche de nous, la France ne comptait avant les années 70 que 250 fondations contre 15.000 aux Etats-Unis (où il s'en crée plus de 1.200 par an).

    - Quel est l'intérêt d'une fondation et quel est son rôle ?

    La naissance d'une fondation vient de l'idée de créer un organisme privé et indépendant qui aiderait à concrétiser des projets à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social ou culturel. Il s'agit de réactualiser une pratique peu connue en Algérie, le mécénat. Si traditionnellement le mécène était celui qui, avec ses propres ressources, protégeait et aidait l'artiste de son temps, cette facette de la philanthropie concerne aujourd'hui tous les domaines de l'intérêt général et en particulier la recherche et la santé.

    L'expansion économique n'étant pas tout, la fondation va surtout permettre de renforcer le lien social: dans ce nouveau paysage, peu à peu les entreprises vont prendre conscience de leur responsabilité en la matière. Le but sera alors d'aider concrètement «les initiatives de générosité» émanant de toutes parts. Il faut donc concevoir l'entité capable de jouer un rôle d'intermédiaire et de catalyseur des générosités, véritable médiateur entre la sphère publique et le secteur privé. La fondation d'entreprise a progressivement été privilégiée dans les pays développés pour les sociétés civiles ou commerciales, les établissements publics à caractère industriel et commercial, les coopératives et les mutuelles. Quant aux pouvoirs publics, même s'ils peuvent craindre l'influence d'une fondation à l'américaine qui pourrait remettre en question le rôle de l'Etat, ils devront progressivement se montrer plutôt favorables.

    - Les fondations caritatives ont façonné l'âge d'or de la médecine arabe

    La médecine est née en Grèce, puis elle est devenue romaine, avant de se réfugier à Byzance lors de l'effondrement de l'empire. Le savoir médical gréco-romain est alors traduit et conservé par les savants arabes, qui porteront en Occident le précieux héritage. Vers l'an 1000, la médecine arabe atteignait déjà un niveau élevé pendant qu'en Europe des clercs élaborent une doctrine de la santé et de la maladie qu'ils incorporent à celle plus générale de l'homme et de la création. Pour l'homme et le chrétien du Moyen Age, la maladie est une «manifestation du mal», elle est aussi un châtiment qui peut frapper soit des individus, soit des peuples entiers. Parallèlement à l'Occident, l'Orient arabe eut son propre essor hospitalier, et le mot iranien «bismaristan» correspondait alors à celui d'hôpital. Les fondations nouvelles qui apparaissent dans les villes dès les Xe et XIe siècles se retrouvent donc d'Ispahan à Baghdad, du Caire à Damas, et se sont étendues jusqu'au califat de Cordoue. La structure de ces établissements hospitaliers comportait plusieurs parties et très souvent un orphelinat, une mosquée, une bibliothèque et une école coranique. On voit ainsi que les hôpitaux arabes avaient en plus de leur fonction sociale une mission culturelle. Les médecins y pratiquaient un enseignement clinique plus avancé que dans l'Occident chrétien. A Baghdad, l'hôpital Adudi, au Caire, l'hôpital Mandouri, dans la ville d'Alep, l'hôpital d'Ayoum al Kamili, fondé au XIVe siècle, ont joui d'une grande renommée. Sur le plan artistique, c'est avant tout l'architecture et la décoration qui ont participé au bien-être des malades.

    - Dans le monde entier, l'essor des fondations est considérable

    Aujourd'hui, de nombreux Etats intègrent les fondations dans des projets qui ne sont pas des projets minimes, mais importants et ambitieux. Toutes les réformes placent les fondations au centre de la relation universités-entreprises: fondation dans le cadre du plan Alzheimer, le Grenelle de l'Environnement, Veolia... En plus de cette nouvelle place, la perception du monde des fondations par la société civile a nettement progressé. Les Etats accordent de nouvelles places aux fondations mais renforcent leur contrôle pour éviter toute dérive de l'argent privé mis au service de l'intérêt général. Tout le monde connaît la fondation Rockefeller, la fondation Rothschild, la fondation Al-Babitine. On connaît peut-être mieux la fondation de l'ARC, en raison de ses déboires judiciaires, il y a quelques années en France.

    - Pourquoi un statut et une loi pour les hôpitaux privés à but non lucratif ?

    Très souvent, dans notre pays, le classement est simple: oui ou non, blanc ou noir, public ou privé. Mais un établissement hospitalier peut être ni l'un ni l'autre: l'hôpital privé à but non lucratif. Généralement créés par des associations ou des mécènes, ces établissements ne recherchent pas le profit mais n'appartiennent pas non plus à l'Etat.

    Ces établissements sont gérés par une personne morale de droit privé - généralement une association ou une fondation - et les pouvoirs publics n'interviennent pas dans le choix de leurs responsables. Leur comptabilité doit demeurer de droit privé et les bénéficies dégagés sont intégralement réinvestis dans l'établissement. En revanche, leur mode de financement est le même que celui des hôpitaux publics et ils en partagent les valeurs et les principes: égal accès aux soins pour tous, assurance d'un accueil de jour et de nuit, éventuellement en urgence, offre de soins préventifs, curatifs, ou palliatifs, continuité des soins, en s'assurant notamment que les patients disposent, à leur sortie, des conditions d'existence nécessaires à la poursuite de leur traitement, orientation des patients ne disposant pas de telles conditions d'existence vers des structures prenant en compte la précarité de leur situation. En France, les établissements à but non lucratif sont au nombre de 1.446, regroupent 64.917 lits et participent au service public hospitalier (PSPH).

  • #2
    - Les perspectives nationales en matière de santé

    Au niveau international, tous les pays développés sont aujourd'hui confrontés au double défi du vieillissement des populations et de l'émergence de nouvelles technologies médicales coûteuses. On distingue deux tendances dans l'évolution des systèmes de santé: l'ouverture des systèmes vers des solutions hybrides, notamment des initiatives «public-privé» et la «privatisation» du statut du personnel hospitalier. Dans notre pays, le schéma directeur sectoriel du secteur de la santé qui vient d'être adopté par le Conseil de gouvernement s'étale sur 20 ans et prévoit dans ses trois étapes de doter le pays de capacités médicales et paramédicales, pharmaceutiques, infrastructures à même de répondre aux besoins nationaux en santé et prise en charge médicale. Ce programme sanitaire d'une enveloppe globale de 1.900 milliards de dinars vise notamment la réhabilitation et le développement du réseau d'infrastructures actuel et ce, en remplacement des structures vétustes par de nouvelles structures répondant aux normes requises.

    Parallèlement, la promulgation de la loi sur l'établissement hospitalier privé semble conforter définitivement l'existence de ce secteur garant de l'efficience: cependant il ne pourra jamais se développer tant que la tarification et le conventionnement ne sont pas encore appliqués. Etabli dans la perspective d'arriver à compter de 2025 aux indicateurs sanitaires des pays industrialisés et de réduire les écarts entre les différentes régions du pays en matière d'infrastructures et d'encadrement médical performant et conforme aux normes prescrites par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ce programme nécessite aussi des ressources humaines considérables et un système de santé efficient: les établissements de soins à but non lucratif peuvent participer à la réalisation de ce programme ambitieux. Il appartient alors à nos décideurs et à nos parlementaires de promulguer les textes et lois nécessaires pour encadrer l'existence des fondations à même de drainer des volontés formidables qui existent dans notre pays ainsi que des élans de générosité insoupçonnés.


    Par Mohammed Cherrak El Ghosli Spécialiste ORL à Oran
    Président de l'association des cliniques de l'Ouest
    Le Quotidien d'Oran

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