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Appelez-moi par mon prénom de Nina Bouraoui

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  • Appelez-moi par mon prénom de Nina Bouraoui

    L'amour sied bien à Nina Bouraoui. Pour preuve son onzième livre, Appelez-moi par mon prénom, l'un de ses plus beaux depuis Mes mauvaises pensées (prix Renaudot, Stock, 2005), qu'elle a composé dans les pleins et les déliés d'une écriture classique, tenue, fluide, précise, teintée d'une douce nostalgie : celle du moment fugace et intense qui marque le début d'une passion.

    Pour autant, si la sensualité était à l'oeuvre, l'amour, lui, n'a jamais été le terrain de prédilection de la romancière. A l'exception de La Vie heureuse (Stock, 2002), où, pour la première fois, elle s'"autorisait" à explorer la mécanique amoureuse à travers la relation de deux adolescentes. "C'était un livre de jeunesse", confie-t-elle en souriant. Un livre qui l'a libérée de ses peurs et de ses doutes nés de l'échec d'un roman "avorté", écrit lorsqu'elle avait 25 ans.

    Auréolée du prix du livre Inter pour La Voyeuse interdite (Gallimard, 1991), dont elle dit aujourd'hui qu'il l'a "écrasée", Nina Bouraoui compose Paris selon l'amour. "Il s'agissait de l'histoire d'un homme quitté par une femme et qui erre dans Paris. Mais ce n'était pas bon. A l'image de ce titre, un peu kitsch, ça sonnait faux. J'y ai repensé lorsque j'ai terminé Appelez-moi par mon prénom, et je me suis rendu compte que j'y avais repris quelques-uns des thèmes contenus dans ce livre raté. Il est en quelque sorte une réparation..." Puis, après un silence : "C'est un livre étrange comme s'il revisitait tous les autres. Pour moi, un livre n'annule pas le précédent, mais le recouvre. C'est un peu comme une échelle montant vers le ciel, un édifice amoureux..."

    Un édifice bâti peu à peu dans le silence de l'écriture, dans la fièvre et le désir de redoubler sa vie par les mots, de surmonter ses doutes et ses angoisses, d'apaiser ses douleurs et de s'ouvrir aux autres... Un édifice fait aussi d'exigence, d'un souci de perfection qu'elle sent en elle de plus en plus aigu en vieillissant. Mais également d'une volonté constante d'explorer de nouveaux thèmes, de nouvelles formes d'écriture. "Ecrire, c'est relancer les dés ! Rejouer et se dire que rien n'est jamais gagné." Même si, confie-t-elle, le prix Renaudot qu'elle a fêté et fête encore trois ans après lui a apporté un peu plus de confiance en elle et un certain apaisement.

    "Avec ce roman, je voulais écrire une histoire d'amour d'une manière disons plus "neutre", en mettant en scène un homme et une femme. Non pour me défaire d'une certaine étiquette gay, car je ne crois pas en avoir une, même si l'on est toujours rattrapé par ce que l'on écrit. Ni pour me défendre de... Non, simplement, je voulais voir si j'en étais capable. Et soudain, en faisant ce choix, je me suis sentie plus libre d'écrire sur les sentiments. Enfin, j'avais envie pour ce livre de m'essayer à une écriture plus classique."

    Et c'est ainsi qu'elle a abandonné le présent pour l'imparfait. "Il y a de l'élégance dans ce temps et aussi une forme de nostalgie. Son usage a induit des mots que je n'employais pas jusqu'alors. J'ai dû calmer mon écriture, user d'une langue plus châtiée et bannir les points d'exclamation ou de suspension. Ce fut un travail de titan, un travail d'orfèvrerie, car je voulais que ce soit un livre élégant, passionnel, passionné et pudique."

    Avant ce travail de haute précision, dont elle ne regrette aucune phrase ni aucun mot, Nina Bouraoui a relu Adolphe, de Benjamin Constant, Passion simple, d'Annie Ernaux, et s'est inspirée d'un couple qu'elle admire, Yann Andréa et Marguerite Duras (un de ses écrivains de prédilection), qu'elle a eu la chance de rencontrer lors d'une émission de la télévision suisse : "J'étais fascinée par ce couple qui s'est aimé d'abord à travers les mots. Oui, ce fut un moment merveilleux, car j'ai compris - c'est la lectrice qui vous parle - que le rapport entre un écrivain et son lecteur pouvait être un rapport amoureux et qu'il pouvait donner lieu à une rencontre..."

    Comme un clin d'oeil, mais pas seulement, c'est en Suisse (lieu où se situait La Vie heureuse et où résida dans sa jeunesse Nina Bouraoui), plus précisément dans une librairie de Lausanne, que P., jeune homme étudiant aux Beaux-Arts, rencontre la narratrice, une femme de seize ans son aînée, dont les livres l'ont "aidé" à surmonter son mal de vivre, son mal d'amour. Ainsi qu'il l'écrit dans une lettre qu'il lui confie, accompagnée d'un petit film inspiré du Journal de la romancière. Séduite par sa beauté et sa jeunesse tout autant que par ses mots, très vite la narratrice se laisser gagner par le désir et l'envahissement de cette figure rêvée, fantasmée, qui hante ses jours et ses nuits, ses rêves, son imaginaire. "J'ignorais si j'étais en train de fabriquer une intimité, si les mots et les images pouvaient se substituer au corps, à ce que l'on peut étreindre. Je le fixais à ma vie comme une légende qui n'existait pas (...). Il avait forcé mon sang, agissant sur moi comme une invasion. Il modifiait ma relation au temps, au monde et à l'écriture."

    Dans l'étreinte de l'attente, d'une passion naissante, qui couve en elle, la pousse dans de longues errances à travers Paris, débute alors une liaison épistolaire entre cette femme qui se croyait perdue pour l'amour et le jeune artiste. A mots comptés, pudiques, émouvants, chacun livre ses passions (pour l'art, le cinéma, la littérature), mais aussi ses blessures, ses défaites... "Nos mots ressemblaient à des missives, je les attendais avec folie, consultant ma messagerie plusieurs fois par jour (...) il m'invitait dans sa vie, je l'invitais dans la mienne."

    Après qu'ils se seront abrités dans cette solitude amoureuse, cette "solitude des corps", qui les tient hors du monde viendra le temps de leur rencontre. Pour valider tous ces mots échangés, ces mots qui ont attisé le désir et préparé les gestes...

    D'un envahissement l'autre, ainsi Nina Bouraoui dépeint-elle avec une extrême minutie le surgissement de l'amour, dans ses moindres élans, ses moindres pulsions, ses hésitations, ses interrogations. Ciselé dans une langue pleine de grâce et de douceur, dans une langue classique qui vient recouvrir d'une patine nouvelle celle lyrique, nerveuse, syncopée qui fut jusqu'alors sa marque, ce roman courtois sait, dans la lumière mélancolique d'une jeunesse qui s'achève, s'offrir aussi comme une méditation profonde sur l'âge, l'art, l'écriture la création et la vie.

    "Je voudrais que ce soit un livre pour les amoureux et pour tous ceux qui ont perdu la foi en l'amour", explique encore Nina Bouraoui, avant d'ajouter : "Consigner l'amour, n'est-ce pas d'une certaine manière le rendre éternel ?"

    Par Le Monde


  • #2
    Encore un livre composé de Sujet+Verbe+complément?
    Je suis toujours intrigué par ces romans à la typographie 18 pour mieux combler l'espace.

    Je le lirai... pour voir, mais sans grande suprise.

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