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Révolution culturelle au Maroc : le sens d'une transition démographique

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  • Révolution culturelle au Maroc : le sens d'une transition démographique

    Pour l'etude complete: http://www.fondation-res-publica.org/_a210.html

    Révolution culturelle au Maroc : le sens d'une transition démographique
    par Youssef Courbage et Emmanuel Todd, Institut National d'Etudes Démographiques, Paris.

    Le Maroc est à la veille de récolter les bénéfices de la transition. Cette transition de la fécondité et l'entrée dans la modernité comportent néanmoins quelques « déstabilisations ».


    Originalité de la transition démographique marocaine

    Pour prendre la mesure des transformations démographiques, culturelles et mentales du Maroc, il faut les situer dans un contexte comparatif adéquat. Le Maroc appartient à des ensembles plus vastes, structurés par des organisations internationales ou non : le Maghreb, l'Afrique, la Méditerranée, le monde arabe et le monde musulman.

    Le Maroc : un précurseur dans le monde arabe

    La baisse de la fécondité marocaine a pris une décennie d'avance sur celle de la plupart des pays arabes, et 20 ans sur les retardataires comme la Palestine ou le Yémen. Au moment où elle survint au milieu des années 70, elle a surpris les observateurs qui doutaient tous qu'elle puisse avoir lieu aussi vite et aussi tôt. La fécondité du Maroc ne différait en rien avant cette date de celle des pays arabes, exception faite de deux petits pays le Liban et la Tunisie. La préférence pour la famille nombreuse était tellement marquée que le pays s'est permis une légère hausse de 7,2 à 7,4 enfants entre 1962 et 1973, phénomène assez rare.

    Ailleurs dans le monde arabe, deux précurseurs de la maîtrise de la croissance démographique, Habib Bourguiba et Jamal Abdel Nasser, ardents malthusiens, ont remporté plus de succès en Tunisie et en Egypte. Ces pays ont amorcé, avant le Maroc, une transition démographique réussie en Tunisie mais avortée en Egypte. En Tunisie, la baisse de la fécondité a été stimulée par une hausse de l'alphabétisation masculine, qui avait atteint 50% en 1969. Il convient néanmoins de relativiser la portée de l'alphabétisation sur la démographie. Malgré son retard séculaire sur la Tunisie en matière d'éducation -il y a aujourd'hui 2 fois plus d'analphabètes au Maroc (3)-, la fécondité marocaine n'est plus qu'à quelques décimales de la fécondité tunisienne. Le rôle de l'instruction comme vecteur de la transition démographique s‘est amorti avec le temps.

    Les schémas démographiques du Maroc sont différents de ceux du Proche-Orient, avec une spécificité maghrébine très prononcée. En Egypte et en Syrie, depuis une quinzaine d'années, un sérieux coup de frein a figé la transition démographique et, serait-on tenté de dire, les autres formes de transition. De telle sorte que la fécondité y reste très élevée en termes mondiaux. Le Maroc est à 2,47 enfants par femme en 2004, la Syrie à 3,6 (45% de plus) et l'Egypte à 3,4 (37% de plus).

    Une transition atypique, des discordances entre phénomènes

    Le déclenchement précoce de la transition au Maroc contredit la théorie démographique. Celle-ci met en première position, dans la course au progrès démographique, les pays les plus avancés au plan économique, culturel et social. Or, dans le contexte arabe des années 70, le Maroc non seulement ne jouissait d'aucun atout particulier, largement distancé par les autres pays. D'où une série de discordances.

    Première discordance : lorsque s'est déclenchée la chute de fécondité et par la suite, le niveau de vie était et reste faible. Aujourd'hui, le Maroc est l'un des pays arabes les moins bien lotis : le PIB per capita (en PPA) est modeste (3940 dollars en 2003). Pour tomber plus bas, il faut aller au Soudan, au Yémen, en Palestine et en Syrie, pays de faible niveau de vie et de forte fécondité.
    Deuxième discordance : le pays était profondément rural et en principe moins prédisposé à la transition. Le poids de quelques villes-makhzen prestigieuses - Rabat, Fès, Meknès, Tanger- ou de la capitale économique - Casablanca -, ne doit pas faire illusion. Même ces villes étaient sous la coupe de la campagne. En remontant les générations, on trouvait un grand nombre de ruraux de souche chez les personnes âgées, qui participaient pleinement aux décisions de fécondité du couple. Aujourd'hui, la proportion officielle des urbains dépasse celle des ruraux, mais le poids de la campagne et de l'agriculture demeure. Toute l'économie reste tributaire des caprices de la pluviométrie et des fluctuations agricoles.

    Troisième discordance : selon l'un des dogmes de la transition démographique, une baisse de la mortalité anticipe celle de la fécondité. Lorsque la mortalité baisse, la « productivité » des naissances augmente; il en faut moins pour conserver un enfant -un garçon- jusqu'à l'âge adulte. Or le Maroc n'a pas attendu l'accélération de la baisse de la mortalité des enfants pour que sa fécondité chute. Cet effet d'« assurance » n'a pas joué.

    Quatrième discordance : un article du credo de la transition, plus récent, affirme que l'amélioration du statut de la femme est la condition sine qua non de la transition. Le cas du Maroc ne vérifie pas ce dogme. Le statut de la Marocaine a certes beaucoup évolué, avec des plus (comme la nouvelle Moudawana). Il est vrai que le foeticide féminin à l'aide des procédés de détection du sexe, bon indicateur du statut féminin, n'existe pas au Maroc contrairement à ce qu'on observe dans des pays d'Asie (et un peu en Tunisie). Mais après sa naissance, la fillette perd l'avantage biologique que lui confère la nature : la mortalité des fillettes marocaines est de 22% plus élevée que celle des garçons avant l'âge de 5 ans, alors qu'elle devrait être de 22% plus basse dans une société sans biais patrilinéaire et patrilocal.

    Cinquième discordance : un autre lien établi par la théorie de la transition est celui qui associe mécaniquement la baisse de la fécondité aux progrès de la scolarisation et à la diminution de l'analphabétisme féminin. La scolarisation des enfants favorise la réduction de leur nombre en raison des coûts indirects (livres, vêtements, cantine…) et des coûts d'opportunité. Or, à la veille de la révolution démographique marocaine en 1975, la scolarisation était peu répandue (moins de 40% des enfants étaient scolarisés) et l'analphabétisme féminin dominant : 87% chez les femmes (1971). Depuis trois décennies, la fécondité baisse beaucoup sans que la sortie de l'analphabétisme féminin en apparaisse comme le moteur effectif. En 2004, 55% des Marocaines sont encore analphabètes. A l'encontre des dogmes les mieux enracinés, il apparaît que la transition de la fécondité marocaine a été plus guidée par l'alphabétisation des hommes : les hommes âgés de 20 ans atteignent un taux d'alphabétisation de 50% en 1972, ce qui contribue à expliquer la transition de la fécondité survenue 3 ans plus tard en 1975.

    La déconnexion entre l'alphabétisation et la transition démographique permet d'envisager un avenir plus radieux pour les femmes. La transition de la fécondité, devenue inéluctable, se traduira concrètement par des naissances moins nombreuses ou stabilisées et, par conséquent, une pression beaucoup moins forte sur les entrées dans le système scolaire. Les filles en seront les premières bénéficiaires, avec une scolarisation universelle et, à terme, l'éradication de l'analphabétisme féminin. Depuis quelques années, l'accès à l'école remet en question le déséquilibre traditionnel entre les sexes. L'enseignement primaire assure une parité parfaite : en 2003/2004, 48,2% des nouveaux inscrits étaient des filles. L'enseignement secondaire (45,2% de filles en 2003-2004) et l'université (48,5%) comptent autant de filles que de garçons.
    Dernière modification par ayoub7, 06 septembre 2008, 07h40.

  • #2
    Moins de disparités entre régions : vers l'Etat-nation

    Durant les années 60 et 70, dans une frange de la bourgeoise marocaine urbaine occidentalisée, musulmane ou juive, ainsi que chez les étrangers encore nombreux à l'époque, on se mariait tard et on pratiquait le contrôle des naissances. Ces groupes pesaient peu dans la balance; le mariage était précoce (17,3 ans chez les filles en 1960, 19,5 ans en 1971, aujourd'hui 26,3 ans) et la contraception rare : 9% (aujourd'hui 63%). La fécondité était partout élevée, sauf à Tanger (5,75 enfants), alors moins provinciale que Rabat (7,17) ou Casablanca (7,08), et qui n'avait pas eu le temps d'oublier son rayonnement de ville internationale.

    Au milieu des années 70, la révolution démographique s'est rapidement diffusée du centre vers la périphérie. Partis de la côte atlantique, les nouveaux comportements familiaux ont conquis une partie appréciable du Maroc dit « utile ». Le Nord-Est et le Sous se sont également mis au diapason. En 1982, les deux capitales initient de nouveaux comportements démographiques, se plaçant nettement en deçà du reste du pays : 3,4 enfants par femme à Rabat et 4,0 à Casablanca, où le prolétariat rural récemment immigré a conservé quelques habitudes de son ancien mode de reproduction. La capitale politique, en revanche, lieu d'élection des classes moyennes et supérieures, fermée à la classe ouvrière, était plus moderne. A l'échelle du territoire, les différences démographiques étaient gigantesques : 8,3 enfants - plus que le Mali ou le Niger - à Chefchaouen et à Zagora, 5 enfants de plus qu'à Rabat.

    Les comportements ont changé durant la décennie suivante. La fécondité du pays a considérablement baissé mais, en contrepartie, les contrastes démographiques se sont accentués et ont atteint un pic en 1994. Sans s'être totalement résorbée, la différence démographique est aujourd'hui très émoussée. On trouve toujours l'écart entre Chefchaouen avec 3,93 enfants et Rabat, où la fécondité est tombée à 1,63, un niveau aussi bas qu'à Paris, Milan ou Madrid. Mais ces écarts sont désormais mineurs. Les 14 provinces où la fécondité dépasse encore 3 enfants, ne regroupent que 13% de la population du Maroc. Un Marocain sur 8 seulement vit encore dans un contexte de famille nombreuse. Les provinces ouvertes à la migration internationale : Oujda, Nador, Al Hoceima et Agadir… se retrouvent parmi celles où la fécondité est la plus basse, voire inférieure au seuil de remplacement : 2,1 enfants par femme.

    En 2004, la réduction des inégalités régionales est frappante et révèle une substantielle unité culturelle du pays, évidemment favorable à la stabilisation et à l'affirmation de l'Etat-Nation. Nouveau paradoxe : certains régimes arabes se sont voulus socialistes et jacobins, mais leurs efforts centralisateurs n'ont paradoxalement abouti qu'à un morcellement renforcé entre les régions, comme la Syrie: la fécondité des régions favorisées par le régime : Damas, la zone côtière alaouite, le Djebel Druze y était deux à trois fois inférieure à celle des régions délaissées ou frappées d'exclusion : Alep et son hinterland, par exemple.

    Le déclenchement : crise économique, révolution mentale

    En 1975, le Maroc s'est trouvé à la croisée des chemins, avec un double virage économique et politique. Le prix du phosphate, sa principale ressource d'exportation, a chuté, tandis que les dépenses de l'Etat se sont envolées après la Marche Verte de novembre 1975 et la récupération du Sahara espagnol. En 1983, le programme d'ajustement structurel a inauguré une longue phase d'austérité financière. Celle-ci a accéléré l'érosion de la préférence pour la famille nombreuse. La fécondité est tombée de 7,4 enfants avant la crise de 1975 à 4,4 en 1987.

    La crise économique de 1975 a été douloureuse (4). Mais elle a participé à la modernisation des mentalités. Plutôt que de tendre la main à l'Etat pour satisfaire ses besoins, le citoyen a découvert qu'il ne pouvait plus compter que sur son initiative, sur ses ressources propres, et non sur celles d'un Etat patrimonial redistributeur. Les années de crise furent celles de l'irruption des femmes dans la vie active. La diminution de l'emploi public, la baisse du pouvoir d'achat, ont imposé la nécessité d'une 2ème source de revenus dans la famille. La féminisation de la main-d'œuvre est allée crescendo : en 1960, 10% des femmes de 20-34 ans avaient un emploi, 35% en 1995. Cette féminisation a accéléré la baisse de la fécondité.

    Migration internationale et changement culturel

    Que la transition démographique ait conquis les villes est somme toute un phénomène normal. Moins gagné d'avance était son déclenchement en milieu rural (deux habitants sur trois en 1975). Or la transition a non seulement gagné les campagnes, mais elle y a maintenu un rythme élevé de telle sorte que la fécondité rurale n'était plus que de 3,06 enfants par femme en 2004, malgré le taux de 75% d'analphabétisme féminin. Si le monde rural s'est mis à l'unisson des villes c'est qu'il en a subi la contagion et la diffusion de modèles familiaux plus modernes. Mais l'influence venue de dehors ne fut pas uniquement celle des villes. Les émigrés marocains, ces passeurs de cultures, ont accéléré la mutation des comportements.

    Un Marocain sur 11 vit à l'étranger, une proportion qui a doublé en 10 ans. Le Maroc comptait 3,1 millions d'expatriés en 2004, dont 85% en Europe occidentale et 9% seulement dans les pays arabes. Le rôle visible ou caché de la diaspora sur les transformations du Maroc, démographiques en particulier, a augmenté en proportion de cette diaspora. Les remises d'épargne donnent la mesure du phénomène : elles sont passées de 1,5% du PNB en 1970 à 7,3% en 1993 et 8,3% en 2004, 4,1 milliards de dollars, un montant considérable. Or, la démographie des provinces sujettes à la migration internationale s'est transformée, ceteris paribus, plus vite que les autres.

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    • #3
      *****

      == MODERATION ==
      Soyez poli et évitez les messages provocateurs - Lisez la charte du forum.

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      • #4
        j'ai parcouru l'article, comparant les autres pays au maroc: palestine, egypte, tunisie, mali... mais aucune référence à l'algérie qui est son voisin et du même poids démographique. Serait-ce un complexe d'infériorité?

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        • #5
          @ZMIGRI

          Les auteurs sont Youssouf Courbage et Emmanuel Todd

          deux démographes français

          je ne vois d'ou peut venir un complexe d'infériorité
          .
          .
          ''La pauvreté ne sera plus séditieuse, lorsque l'opulence ne sera plus oppressive''
          Napoléon III

          Commentaire


          • #6
            oui en effet deux demographes, voila un article d'un journal qui parle de ce rappport commandé par le maroc.

            __________________________________________________ _____________
            Un rapport sur la démographie du Maroc de l’éminent universitaire français, peut-être un poil trop optimiste

            Le lobbyeur français Olivier Le Picard, surnommé Findus et bien connu des lecteurs de Bakchich pour avoir embarqué Laurent Joffrin au Maroc disserter sur les bienfaits de la culture de la diffamation en matière de presse, a encore frappé. En 2006, il a commandé pour le compte du royaume enchanté de Mohammed V une étude confidentielle sur la transition démographique au Maroc à l’historien Emmanuel Todd et au démographe Youssef Courbage.

            Cette étude est restée confidentielle pendant de longs mois jusqu’à ce que ses auteurs décident d’en publier une bonne partie sur le site web de l’association Respublica proche de Jean-Pierre Chevènement, nouvelle éminence grise de Ségolène Royal.
            Ne tournons pas autour du pot : rendue en décembre 2006, cette étude, plutôt sérieuse, caresse le royaume enchanté de Mohammed VI dans le sens du poil. On y apprend qu’en matière de démographie, le Maroc est un pays exceptionnel car il est l’un des premiers à avoir amorcé sa transition démographique. Dès 1975 en l’occurrence, à cause de la crise qui a laminé l’économie marocaine au milieu des années 70. Pour survivre, les sujets d’Hassan II devaient tout simplement avoir moins de bouches à nourrir dans leurs familles.
            L’étude ne manquera pas non plus de rassurer les investisseurs étrangers attirés par le Maroc mais redoutant un pépin islamiste : les tensions politiques et religieuses actuelles ne seraient que passagères. Mieux, elles seraient une étape de la transition démographique. Selon nos deux lumières, qui dit chute de la natalité dit femmes qui travaillent, mariages tardifs, plus de célibataires… Bref, plein d’aléas de la modernité qui bousculent le conservatisme ambiant pour donner naissance à plein de méchants barbus. Un peu rapide en besogne, non ? Surtout si l’on considère que la démographie ne peut pas tout expliquer sur terre.
            Par contre, l’étude devient franchement intéressante à la lecture des bienfaits à long terme de la transition démographique. Selon nos deux chercheurs, elle donne immanquablement naissance à une société mûre pour la démocratie. A ce qu’il paraît, le makhzen marocain, plus que jamais crispé sur ses privilèges, a adoré la plaisanterie… Merci qui ? Merci Findus/Le Picard !



            Bakchich
            « Great minds discuss ideas; average minds, events; small minds, people. » Eleanor ROOSEVELT

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            • #7
              oulaaa, si cette etude est consideree comme "trop optimiste", c'est qu'on a lu le titre et qu'on ne s'est pas attarde sur le contenu...

              Se plaindre parce qu'une comparaison avec l'Algerie n'a pas ete faite et dire que c'est un sentiment d'inferiorite? On voit que tu n'as pas lu l'etude cher ami:

              Les risques du court terme

              La transition démographique comporte cependant des risques. Eludons d'emblée celui qui est le plus communément invoqué : le vieillissement de la population. Vieillissement accéléré, beaucoup plus abrupt qu'en Europe, avec le doublement des effectifs des personnes âgées et en pourcentage de 5,5% à 9,3% entre 2005 et 2030. Or, cet inconvénient de la transition démographique est très exagéré. Il sera atténué grâce à la pérennité des structures sociales et familiales marocaines, et à la solidarité entre les générations.

              En revanche, il faut être clair sur le fait que la transformation du cadre démographique de la vie économique et sociale n'interviendra qu'avec un temps de retard sur la baisse de la fécondité. Un décalage que les projections de population par tranches d'âge permettent d'évaluer avec précision. Avant la baisse de la tension démographique, doit être envisagée une période de tension sociale, durant laquelle la hausse du niveau éducatif et celle du niveau d'aspiration sociale de la population jeune, n'impliquent aucune amélioration de sa situation économique. Au contraire. Les projections indiquent aussi que le Maroc aura à gérer un marché de l'emploi tendu jusqu'au milieu de la prochaine décennie, et que la tension ne baissera qu'à partir de 2013. Mais il ne s'agit pas seulement de chômage. Dans l'immédiat doit être notée une aggravation de la condition concrète des jeunes adultes, qui résulte directement de la mutation du démographique : la forte montée du célibat qui accompagne et qui explique en partie, la chute de la fécondité. Le problème est que le Maroc allie deux éléments de structure sociale contradictoires et générateurs de tension : un régime démographique de plus en plus occidentalisé avec un système de relations entre les sexes largement traditionnel (insistance sur la virginité de la femme, réprobation des relations sexuelles avant le mariage, prohibition du concubinage). Les implications psychologiques et politiques sont sérieuses dans un pays qui compte dans ses villes, 1,3 million de jeunes célibataires, 92% de cette tranche d'âge masculine, par nature particulièrement dynamique pour ne pas dire remuante.

              Les indicateurs de fécondité et d'alphabétisation, évoquent-ils la possibilité d'une crise islamiste semblable à celles qui ont touché l'Iran à partir de 1979 et l'Algérie de 1991? Ou sont-ils, à l'opposé, compatibles avec une modernisation de type tunisien, combinant mutation des mœurs et immobilisme politique ? L'examen des paramètres culturels suggère que la transition marocaine est absolument spécifique et ne semble mener ni à une explosion de type iranien ou algérien, ni à une stabilité de type tunisien.

              Pas de ressemblance entre les trajectoires iranienne et marocaine tout d'abord. Le seuil de 50% d'hommes de 20 ans alphabétisés, atteint en 1964, a été suivi par des troubles politiques en 1979, soit 15 ans plus tard. Or au Maroc, 34 ans se sont déjà écoulés depuis le passage de ce seuil en 1972. L'alphabétisation de 50 % des femmes iraniennes en 1981 a quant à elle enclenché une chute immédiate de la fécondité. A la fin de la monarchie, la fécondité était de 7 enfants par femme, celle du Maroc actuel n'est déjà plus que de 2,47 (2004). Le Royaume du Maroc a donc passé la phase de transition sans crise idéologique ni politique.

              L'examen du cas algérien amène à nuancer cet optimisme, car il rappelle que l'alphabétisation féminine est une variable cruciale. En effet, en Algérie, le seuil de 50% des jeunes hommes alphabétisés fut atteint dès 1964.,La hausse de l'alphabétisation en 1950-1960 rend compte de l'aspiration à l'indépendance. La guerre d'Algérie a absorbé certaines des énergies de rupture dues à la hausse de l'alphabétisation masculine. Après 1962, l'Algérie était par ailleurs trop épuisée par cette lutte. Et ce n'est qu'en 1991 qu'intervient la crise islamiste, soit dix ans après que les jeunes femmes aient atteint une alphabétisation à 50% (dans un système anthropologique patrilinéaire, comme le système arabe, l'éducation féminine est fortement déstabilisatrice). Or, au Maroc, les femmes de 20 ans ont dépassé le seuil d'alphabétisation de 50% en 1996, il y a 10 ans. Une telle évaluation situerait donc le Royaume dans la dernière zone dangereuse. Mais le Maroc n'est pas comparable point par point à l'Algérie du début des années 90, notamment en démographie. En 1991, lors de la poussée islamiste, l'Algérie vivait une chute de fécondité d'une extrême brutalité. Tous les éléments de désorientation psychologique jouaient donc en même temps. Au Maroc, la maîtrise de la fécondité qui date de 1975 est irréversible. On ne peut envisager une tension du niveau de celle qui a déstabilisé l'Algérie.

              Trois autres éléments, anthropologiques, politiques et historiques renforcent l'hypothèse d'une différence de nature entre Maroc et Algérie : l'endogamie au Maroc est nettement plus basse que celle de l'Algérie, la contradiction entre modernité individualiste et système familial traditionnel y est moins violente et, d'un point de vue historique, les problèmes d'identité sont moindres, l'Etat marocain et sa monarchie étant inscrits dans une longue histoire.

              Si l'on compare le Maroc à la Tunisie, enfin, on relève d'emblée que la baisse de la fécondité s'est déroulée, dans ces deux pays, avec 10 ans de décalage mais selon des rythmes comparables. En revanche, la grande différence est d'ordre familial et anthropologique. Le taux d'endogamie de la Tunisie - 36% - est proche de la norme arabe, alors que celui du Maroc n'est que de 25% (20% dans sa zone centrale). Or, l'endogamie est l'un des indicateurs de l'anti-individualisme du système familial : il existe un rapport entre le degré d'ouverture du système familial et le degré d'ouverture du système politique. En Tunisie, donc, c'est le repli du système familial qui freine la montée de comportements individualistes ou libéraux. Cette forte endogamie est sans doute la clef d'un certain mystère tunisien. L'armée et les femmes, qui font généralement mauvais ménage, ont trouvé en terre tunisienne un rare compromis, effet d'une aversion partagée pour le mouvement islamiste, dont les uns et les autres n'auraient qu'à pâtir. Une telle combinaison « féministe autoritaire » n'est pas envisageable au Maroc, où l'ouverture du système familial conduit à plus d'individualisme et une ouverture du système politique.
              Dernière modification par ayoub7, 06 septembre 2008, 20h21.

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              • #8
                Le Maroc est à la veille de récolter les bénéfices de la transition ; ils se traduiront par une diminution de la pression démographique, sur le marché de l'emploi notamment, et un recul de la propension des jeunes à émigrer. Les différentes transitions - culturelle, démographique, anthropologique… - concernent l'ensemble du pays et tendent à atténuer les différences régionales et les différences de classe, favorisant ainsi la consolidation de l'Etat-Nation. A ce titre, la dichotomie arabe-berbère paraît de plus en plus artificielle, tout comme la différence linguistique : les processus d'acquisition de l'arabe écrit et celui des langues étrangères (français), ayant évolué en parallèle avec les progrès de la scolarisation et le recul de l'analphabétisme.

                La transition de la fécondité et l'entrée dans la modernité comportent néanmoins quelques « déstabilisations », telles que l'érosion du modèle familial patriarcal, l'émergence des femmes dans la sphère publique avec les progrès de leur scolarisation et, enfin, la contradiction entre une liberté individuelle accrue offerte par la contraception et la croissance vertigineuse du nombre des célibataires, hommes et femmes. C'est au regard de ces évolutions que doivent s'analyser les phénomènes d'anxiété religieuse ou idéologique conjoncturels que l'on observe au Maroc et qui pourraient se traduire, à l'occasion des élections législatives de 2007, par une hausse relative du vote contestataire.

                ---------
                1)Furet F. et Ozouf J., Lire et écrire : l'alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Editions de Minuit, Paris, 1977.
                2)La « zone centrale » du Maroc, aussi qualifiée de « Maroc utile » est composée des plaines côtières, des grandes villes (Rabat, Casablanca, Meknès, Fez, Tanger, Marrakech) et de leur périphérie.
                3)Hommes analphabètes : 30,8% au Maroc contre 14,8% en Tunisie ; femmes analphabètes : 55% au Maroc contre 31% en Tunisie
                4)Contrairement à la crise politique qui a permis l'union sacrée autour de la personne du Roi sur la question du Sahara

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                • #9
                  Sous quel angle lis tu l'article.

                  D'un point de vu cultuel:

                  - c'est aller à l'encontre des bienfaits, du devoir de la pro-création.

                  D'un point de vu sociétal:

                  - c'est inscrire dans une posture de repli, d'égoïsme, de non partage.

                  D'un point de vu politique:

                  - c'est une convergence des sociétés et non un choc des civilisations.

                  Qui a fiancé l'étude et que veut elle démontrer et qu'elle sont les conséquences de telles publications, les directions prospectives jongles avec des aléas à x inconnus. Les hypothèses d'actions sont déterminés par un point de vu libéral, avec pour objectif de faire de chacun d'entre nous un pion malléable. Méfie toi camarade a des aspirations qui ne sont pas les tiennes pûisqu'elles sont élaborées par d'autres qui te considérent comme un prédateur social.

                  A bon lecteur
                  Y des personnes qui battissent des ponts pour contrer ceux qui construisent des murs..

                  Commentaire


                  • #10
                    @oued rhiou
                    "...c'est aller à l'encontre des bienfaits, du devoir de la pro-création...."


                    Pour assurer la perennité de nos sociétés il faut justement juguler la croissance démographique
                    Le devoir de la procréation peut se concevoir et s'accepter dans des société ou le nombre de sujets est constament sous pression (maladies, guerres, etc...)
                    MAIS
                    dans des condition d'expansion de la population, je partlerai plutot du devoir de la limitation des naissance

                    Il faut savoir que des société que dans l'histoire plusieurs sociétés et civilisations se sont éteintes parcequ'elle n'ont pas pu maitriser la croissance de leurs populations
                    C'est le cas de la civilisation des maya, et plusieurs iles polynesiennes

                    le mécanisme est simple:

                    developpement démographique -----> Degradation de l'environnements -----> Diminution des rezssources -----> Luttes et compétitions ------> Chute démographique

                    La diminution de la population se poursuit malgrès la chute de la démographie, Car la reconstitution des ressources prend bcp plus de temps
                    .
                    .
                    ''La pauvreté ne sera plus séditieuse, lorsque l'opulence ne sera plus oppressive''
                    Napoléon III

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