Il y a quelques semaines, les médias nous avaient abreuvé avec l’histoire de la femme à la burqa à qui on avait refusé la nationalité française.
J’avais noté, ironiquement, que la journaliste de Libération Catherine Coroller, alors que ce quotidien titrait sur toute la Une sur cette « affaire », écrivait : « Y a-t-il davantage de frictions entre la laïcité et l’islam ? Difficile à dire, le moindre incident concernant des musulmans étant systématiquement monté en épingle. »
On prend les mêmes et on recommence. Rappelons les faits. Un procès pour braquage devait avoir lieu à Rennes. Il avait été reporté à plusieurs reprises, notamment après la découverte de la condamnation d’un enquêteur pour agression sexuelle sur un témoin (affaire actuellement en cassation) et parce que plusieurs autres témoins devaient être jugés dans une affaire de stupéfiants. Dans une lettre envoyée au président du tribunal, l’avocat Yann Choucq a invoqué, parmi d’autres motifs, le fait qu’un de ses client jeûnait. Dans Libération (6-7 septembre), il s’explique : « “Pourquoi cet emballement ? s’interroge-t-il. Y a-t-il des audiences à Noël où à la Toussaint, qui ne sont pas que je sache des fêtes républicaines ? N’est-il pas d’usage d’obtenir des reports pour cause de fêtes juives ou autres. Y aurait-il des religions plus respectables que d’autres?” Surtout, l’avocat n’en fait pas une question “religieuse” mais seulement “un problème de discrimination” vis-à-vis de personnes qui auraient été affaiblies physiquement. “Pour suivre une audience d’assises sur trois semaines, il faut être en pleine possession de ses moyens, souligne-t-il, or ces personnes auraient été dans un état de grande faiblesse physique.” ».
Pourquoi le parquet général de la cour d’appel ne s’est-il pas opposé à la décision ? Toujours dans le même article de Libération :
« Le parquet général de la cour d’appel de Rennes (Ille-et-Vilaine) a démenti vendredi que le “jeûne diurne” ait pu motiver l’ordonnance de renvoi d’un procès pour braquages qui devait s’ouvrir pour trois semaines le 16 septembre à Rennes, en plein ramadan. “Cela aurait été contraire à tous les principes républicains de laïcité, l’institution judiciaire ne va pas arrêter de juger des personnes de confession musulmane qui suivraient le ramadan”, a affirmé le procureur général de la cour d’appel Léonard Bernard de la Gatinais. Si le parquet général ne s’est pas opposé à l’ordonnance de renvoi, qui mentionne pour seule justification “une bonne administration de la justice”, ce n’est “en aucune façon le motif du ramadan qui a été retenu”, a insisté le procureur. Il a évoqué des raisons procédurales et la nécessité de “retrouver un climat serein” dans une affaire ayant suscité déjà bien des remous. »
Dans son édition des 6 et 7 septembre, Libération titre en Une : « Le tribunal fait le ramadan ». En illustration, la tranche de trois livres, le code pénal (en blanc) pris en sandwich entre la Bible (en bleu) et le Coran (en rouge). Un chapeau accompagne cette illustration : « Le soupçon qu’un procès à Rennes, ait pu être ajourné car l’accusé observait le jeûne musulman, suscite l’inquiétude des tenants d’une application stricte des principes laïcs. » Deux remarques sur cette présentation : la première est, bien évidemment, l’importance accordée à cette affaire (dès que l’islam est évoqué, cela fait la Une des journaux) ; l’hypocrisie, car l’illustration met sur le même plan la Bible et le Coran, alors que tout dans la présentation indique bien que c’est l’islam qui est le problème. Qui peut croire un seul instant que Libération pourrait titrer « Le tribunal fait shabbat » ou « Le tribunal fait Pâques » ?
Sensationnalisme donc des médias. Cette affaire mérite-t-elle un tel ramdam ? Ou bien ne sert-elle qu’à encourager l’islamophobie en faisant croire que nous vivons une grande offensive de l’islam (toujours pointé, malgré les tentatives de faire croire que l’on s’attaque à « toutes » les religions) contre la République et la laïcité ? Il est intéressant de noter que dans la frise qui couvre les pages 2 et 3 de Libération, et qui rappelle les articles 1 et 2 de la loi de 1905 (que le journal présente comme les articles 1 et 2 de la Constitution...), les exemples donnés concernent tous l’islam : le voile, le mariage annulé (virginité), la burqa et les créneaux horaires des piscines (qui concernent aussi les juifs).
Libération consacre, en plus de sa Une, trois pages au sujet. Dans son éditorial intitulé « Exception », Laurent Joffrin écrit : « C’est contre l’intégrisme que la République se raidit et choisit, à juste titre, l’interdiction, comme dans le cas du foulard islamique. Ou encore quand le principe de l’égalité homme femme est violé. Le report d’une audience de justice pour cause - entre autres - de ramadan entre-t-il dans cette catégorie ? Ce serait vrai s’il servait de précédent et que soudain le calendrier judiciaire devait se calquer de manière aberrante sur celui des religions. Court-on vraiment ce risque ? On peut en douter. Et d’ailleurs qui le réclame ? Au pire la décision de la cour d’appel de Rennes est une concession - ou une maladresse - qui doit rester l’exception. Pour le reste, sans jamais oublier le principe général, on aurait tort, sauf à vouloir stigmatiser l’islam, de crier haro sur le ramadan, rite privé et pacifique. Gageons, en tout cas, que Ferry ne l’aurait pas fait… »
J’avais noté, ironiquement, que la journaliste de Libération Catherine Coroller, alors que ce quotidien titrait sur toute la Une sur cette « affaire », écrivait : « Y a-t-il davantage de frictions entre la laïcité et l’islam ? Difficile à dire, le moindre incident concernant des musulmans étant systématiquement monté en épingle. »
On prend les mêmes et on recommence. Rappelons les faits. Un procès pour braquage devait avoir lieu à Rennes. Il avait été reporté à plusieurs reprises, notamment après la découverte de la condamnation d’un enquêteur pour agression sexuelle sur un témoin (affaire actuellement en cassation) et parce que plusieurs autres témoins devaient être jugés dans une affaire de stupéfiants. Dans une lettre envoyée au président du tribunal, l’avocat Yann Choucq a invoqué, parmi d’autres motifs, le fait qu’un de ses client jeûnait. Dans Libération (6-7 septembre), il s’explique : « “Pourquoi cet emballement ? s’interroge-t-il. Y a-t-il des audiences à Noël où à la Toussaint, qui ne sont pas que je sache des fêtes républicaines ? N’est-il pas d’usage d’obtenir des reports pour cause de fêtes juives ou autres. Y aurait-il des religions plus respectables que d’autres?” Surtout, l’avocat n’en fait pas une question “religieuse” mais seulement “un problème de discrimination” vis-à-vis de personnes qui auraient été affaiblies physiquement. “Pour suivre une audience d’assises sur trois semaines, il faut être en pleine possession de ses moyens, souligne-t-il, or ces personnes auraient été dans un état de grande faiblesse physique.” ».
Pourquoi le parquet général de la cour d’appel ne s’est-il pas opposé à la décision ? Toujours dans le même article de Libération :
« Le parquet général de la cour d’appel de Rennes (Ille-et-Vilaine) a démenti vendredi que le “jeûne diurne” ait pu motiver l’ordonnance de renvoi d’un procès pour braquages qui devait s’ouvrir pour trois semaines le 16 septembre à Rennes, en plein ramadan. “Cela aurait été contraire à tous les principes républicains de laïcité, l’institution judiciaire ne va pas arrêter de juger des personnes de confession musulmane qui suivraient le ramadan”, a affirmé le procureur général de la cour d’appel Léonard Bernard de la Gatinais. Si le parquet général ne s’est pas opposé à l’ordonnance de renvoi, qui mentionne pour seule justification “une bonne administration de la justice”, ce n’est “en aucune façon le motif du ramadan qui a été retenu”, a insisté le procureur. Il a évoqué des raisons procédurales et la nécessité de “retrouver un climat serein” dans une affaire ayant suscité déjà bien des remous. »
Dans son édition des 6 et 7 septembre, Libération titre en Une : « Le tribunal fait le ramadan ». En illustration, la tranche de trois livres, le code pénal (en blanc) pris en sandwich entre la Bible (en bleu) et le Coran (en rouge). Un chapeau accompagne cette illustration : « Le soupçon qu’un procès à Rennes, ait pu être ajourné car l’accusé observait le jeûne musulman, suscite l’inquiétude des tenants d’une application stricte des principes laïcs. » Deux remarques sur cette présentation : la première est, bien évidemment, l’importance accordée à cette affaire (dès que l’islam est évoqué, cela fait la Une des journaux) ; l’hypocrisie, car l’illustration met sur le même plan la Bible et le Coran, alors que tout dans la présentation indique bien que c’est l’islam qui est le problème. Qui peut croire un seul instant que Libération pourrait titrer « Le tribunal fait shabbat » ou « Le tribunal fait Pâques » ?
Sensationnalisme donc des médias. Cette affaire mérite-t-elle un tel ramdam ? Ou bien ne sert-elle qu’à encourager l’islamophobie en faisant croire que nous vivons une grande offensive de l’islam (toujours pointé, malgré les tentatives de faire croire que l’on s’attaque à « toutes » les religions) contre la République et la laïcité ? Il est intéressant de noter que dans la frise qui couvre les pages 2 et 3 de Libération, et qui rappelle les articles 1 et 2 de la loi de 1905 (que le journal présente comme les articles 1 et 2 de la Constitution...), les exemples donnés concernent tous l’islam : le voile, le mariage annulé (virginité), la burqa et les créneaux horaires des piscines (qui concernent aussi les juifs).
Libération consacre, en plus de sa Une, trois pages au sujet. Dans son éditorial intitulé « Exception », Laurent Joffrin écrit : « C’est contre l’intégrisme que la République se raidit et choisit, à juste titre, l’interdiction, comme dans le cas du foulard islamique. Ou encore quand le principe de l’égalité homme femme est violé. Le report d’une audience de justice pour cause - entre autres - de ramadan entre-t-il dans cette catégorie ? Ce serait vrai s’il servait de précédent et que soudain le calendrier judiciaire devait se calquer de manière aberrante sur celui des religions. Court-on vraiment ce risque ? On peut en douter. Et d’ailleurs qui le réclame ? Au pire la décision de la cour d’appel de Rennes est une concession - ou une maladresse - qui doit rester l’exception. Pour le reste, sans jamais oublier le principe général, on aurait tort, sauf à vouloir stigmatiser l’islam, de crier haro sur le ramadan, rite privé et pacifique. Gageons, en tout cas, que Ferry ne l’aurait pas fait… »
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