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La Mecque et les pelleteuses des Ben Laden

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  • La Mecque et les pelleteuses des Ben Laden

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    http://img383.imageshack.us/my.php?i...lomar05ks1.jpg



    Sur les photos qui s'égrènent sur l'écran de son ordinateur, il pointe, d'un index las, les nuées d'insectes jaunes qui partent à l'assaut des crêtes. Une armée d'engins de chantier qui arasent méthodiquement la pierre. "Bientôt, soupire l'architecte saoudien Sami Angawi, il sera trop tard. Le point de non-retour sera atteint." Dans quelques mois, une ville largement renouvelée sera définitivement sortie de terre, émergeant des volutes de la poussière qui blanchit un ciel hérissé de grues. La sainte cité de La Mecque, ville de naissance du Prophète, interdite aux non-musulmans, célébrera des noces provisoires avec les temps nouveaux des hommes.

    Dans ce royaume d'Arabie saoudite, dont le souverain se présente comme le "serviteur" de ce lieu et de Médine, l'autre ville du Prophète, rares sont ceux qui trouvent à redire à ces grands travaux. Ils sont justifiés par la crue opiniâtre des pèlerins, chaque année plus nombreux à se presser, quarante jours après la fin du ramadan, au hadj, le pèlerinage, l'un des cinq piliers de l'islam avec la profession de foi, l'aumône, la prière et le jeûne de ramadan.

    Combien déferlent aujourd'hui ? Sans doute plus de trois millions, rassemblés aux mêmes lieux aux mêmes instants, pendant les cinq jours du mois lunaire prévus par le dogme, et qui en subissent avec d'autant plus de ferveur les épreuves qu'elles sont la garantie de se laver de ses péchés. Ils viennent de l'étranger comme du royaume. En théorie, les Saoudiens ne peuvent effectuer le hadj qu'une fois tous les cinq ans, mais en pratique il est impossible d'interdire la venue de ceux qui souhaitent y participer avant.

    Combien seront-ils demain ? Nul ne le sait, mais tous redoutent une marée humaine encore plus importante, encore plus impitoyable avec les plus faibles, ceux qui tombent et que transforme en charpie ce flot irrépressible de dévots, à tel point que les représentants en Arabie de leurs pays d'origine ont bien du mal à les identifier à la morgue. "Le pèlerinage tel qu'il est aujourd'hui, je trouve cela affolant, soupire Zaher, un consultant de Djedda installé aujourd'hui à Riyad, seul le "petit pèlerinage", l'homra (qui ne compte pas parmi les piliers de l'islam), permet de préserver une véritable dimension spirituelle."

    Avant sa qualité d'architecte, Sami Angawi met en avant ses origines mecquoises, une valeur qui selon lui transcende ce qui pourrait apparaître comme un patriotisme de minaret. "Quand j'étais enfant, se souvient cet homme à la chevelure argentée, je parcourais souvent la ville avec des personnes plus âgées qui m'indiquaient les lieux attachés à notre Prophète. C'est ainsi que notre histoire se transmettait. Comment ferons-nous plus tard si tout a disparu ?"

    Les travaux titanesques engagés depuis plusieurs années déjà ne se limitent pas à l'aménagement des sites, y figure aussi le projet salutaire de navettes ferroviaires pour économiser les forces des pèlerins, ou bien la construction déjà en cours d'un pont circulaire enserrant sur une demi-douzaine de niveaux les trois stèles de pierre incarnant le diable qui doivent être lapidées au fil du parcours sacré.

    Personne ne trouve à redire à ces projets destinés à répondre à la conséquence directe de l'expansion de l'islam au-delà de son aire, vers l'Afrique, l'Asie ou même l'Europe et qui a déjà entraîné la rénovation du terminal aéroportuaire consacré au pèlerinage à Djedda, capitale du Hedjaz, la province orientale du royaume baignée par la mer Rouge. En revanche, les à-côtés immobiliers, la construction de nouveaux hôtels et de résidences luxueuses, suscitent l'irritation des Mecquois de souche, comme Séoud Al-Fahmi, jeune trentenaire qui travaille à l'usine de désalinisation de Djedda, à 60 km de la ville sainte. "Ma ville est tout simplement devenue hors de prix", maugrée-t-il.

    Dans le bureau de Sami Engawi, l'agrandissement d'un cliché datant de 1904, selon l'architecte, donne une idée de ce qu'était à cette époque cette cité. Une ville basse entourant le cube de la Kaaba, enserrée dans un relief tourmenté de monticules parcourus de ravines. "Ce fort ottoman a été totalement rasé et c'est cette montagne qui est à présent livrée aux engins de terrassement. A la place, on va bâtir Manhattan ou Dubaï, déplore l'architecte qui se fait volontiers imprécateur, on assiste à un véritable nettoyage éthique, culturel et social."

    De hautes tours vont entourer, en gradins, la place sacrée, donnant aux plus fortunés des croyants l'occasion de disposer depuis leur appartement d'une vue imprenable sur le repère absolu que constitue le manteau noir qui recouvre la Kaaba, lieu saint entre tous. Cette parure autrefois cousue au Caire était acheminée en procession à travers le désert. Mais Abdelaziz Al-Saoud, le fondateur du royaume, avait transféré sa confection à La Mecque au XXe siècle. De sources convergentes, le prix du mètre carré à La Mecque serait aujourd'hui le plus élevé au monde, du fait d'une spéculation alimentée par le troisième choc pétrolier.

    Le modus operandi de ce chantier prestigieux entre tous laisserait interdit le premier conservateur du patrimoine venu. Autour de l'enceinte de la mosquée, dans les espaces livrés aux travaux, les bouches voraces des pelleteuses ont arraché à l'histoire des strates de sol sans doute riches en témoignages du passé. Il faut dire que la version la plus rigoriste de l'islam qui prévaut aujourd'hui dans le royaume, ce wahhabisme inscrit dans l'école hanbalite, se méfie comme de la peste de tout ce qui peut apparaître comme une forme d'idolâtrie. C'est ainsi que le monument présenté comme le "tombeau d'Eve", et de nombreuses mosquées attachées à tel ou tel membre de la descendance du Prophète, ont été rasés sans pitié au fil des décennies dans la région.

    Sur son ordinateur, Sami Angawi agrandit en quelques clics la photographie d'un engin de chantier. Il montre du doigt le nom de la société chargée de rénover La Mecque, qui apparaît sur le flanc de l'énorme machine. "Gardez-nous des aménageurs ! gronde-t-il, voilà ce que donne le (Ben) ladenisme !" Car La Mecque est le champ quasi clôt de la puissante firme de travaux publics dont le nom a acquis une fâcheuse renommée du fait de l'un de ses rejetons. Le fondateur du groupe Ben Laden a su nouer dès les origines des liens privilégiés avec la famille royale. Il était déjà aux manettes pour la première grande transformation de La Mecque. Puis, en 1979, lors de la prise des lieux saints par un groupe armé millénariste conduit par Juhaiman Al-Utaibi, les dirigeants de l'entreprise contribuèrent au succès laborieux des forces saoudiennes et de leurs experts occidentaux - dont le GIGN français - en fournissant des plans détaillés des lieux et notamment ses sous-sols dans lesquels s'étaient retranchés les rebelles.

    La suite...
    Dernière modification par zek, 11 septembre 2008, 18h26.
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

  • #2
    Dans les bureaux de l'entreprise Ben Laden, à la périphérie de Djedda, nul subalterne ne se risque à évoquer le dossier de La Mecque, même si la tour la plus imposante qu'il y a érigée figure en bonne place sur les affiches qui vantent ses réalisations de prestige. Le mutisme prévaut également au siège, installé dans le quartier cossu de Rawda. Dans le hall majestueux de ce palais de granit, deux imposantes maquettes des mosquées de La Mecque et de Médine trônent face à un pan entier du manteau de la Kaaba. Ce manteau changé tous les ans, et dont les restes sont offerts comme des reliques aux personnalités jugées méritantes.

    L'activisme de l'architecte Sami Angawi agace, c'est certain. "Que fallait-il faire ? Laisser les choses en l'état ?", s'interroge un proche du cabinet du roi Abdallah, qui requiert l'anonymat, "au lieu de critiquer, il aurait mieux valu avancer des alternatives !" "Je ne dis pas qu'il ne fallait rien faire, assure de son côté le franc-tireur, j'aurais conduit moi-même le bulldozer si on s'y était pris autrement."

    S'il est bien le seul à s'indigner publiquement de la tournure des choses, il peut compter sur le discret soutien d'universitaires ou de journalistes locaux, qui avouent d'autant plus leur exaspération qu'ils ont reçu l'assurance que leur nom ne sera pas mentionné. "Ce chantier est important pour Ben Laden parce que cela lui vaut un énorme prestige, grince l'un d'eux. En échange, on sait bien qu'il construira gracieusement, ici et là, quelques palais."

    La querelle des chantiers de La Mecque n'aurait sans doute pas d'écho si elle ne recoupait pas les relations parfois délicates entre la province du Nejd, où s'est ancré l'Etat saoudien, et celle du Hedjaz, qui fut pendant longtemps le phare de la péninsule, de par la présence des lieux saints, mais aussi du fait de son ouverture sur le monde via la mer Rouge. Les représentations diplomatiques avaient d'ailleurs élu domicile dans le port cosmopolite de Djedda, avant d'être regroupées dans les années 1980 dans la capitale saoudienne, au sein d'un quartier diplomatique placé sous haute surveillance.

    La mainmise des autorités centrales saoudiennes sur les lieux saints suscite l'amertume. "Naguère, le mufti de La Mecque était toujours choisi dans ma famille, maintenant il est nommé par Riyad", affirme avec humeur un homme d'affaires mecquois sous couvert d'anonymat. Ce sentiment âcre de dépossession n'est sans doute pas pour rien dans la mauvaise humeur des Hedjazis face aux grands travaux de La Mecque, nostalgiques d'une grandeur perdue.

    Gilles Paris envoyé spécial
    Le Monde
    Dernière modification par zek, 11 septembre 2008, 18h25.
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

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    • #3
      La mainmise des autorités centrales saoudiennes sur les lieux saints suscite l'amertume. "Naguère, le mufti de La Mecque était toujours choisi dans ma famille, maintenant il est nommé par Riyad", affirme avec humeur un homme d'affaires mecquois sous couvert d'anonymat. Ce sentiment âcre de dépossession n'est sans doute pas pour rien dans la mauvaise humeur des Hedjazis face aux grands travaux de La Mecque, nostalgiques d'une grandeur perdue.
      Quelle mentalité ils ont ses bédouins, il pleurniche parce qu'on choisi plus des muftis dans son clan!!
      le choix d'un mufti se fait sur la base de ses connaissances religieuses et pas selon ces origines tribales
      A todo cerdo le llega su San Martín.

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