L’ambassadeur de la Fédération de Russie en Algérie revient longuement dans cet entretien accordé à L’Expression sur les relations entre les deux pays. Son Excellence Alexander Egorov estime qu’il est tout à fait du droit de l’Algérie de renforcer son potentiel militaire pour assurer sa sécurité. La polémique née suite à l’affaire des Mig-29 est résolue, à en croire notre interlocuteur suite à la dernière visite effectuée par le Président algérien en Russie. M.Alexander Egorov s’étale sur le conflit au Caucase. Il affirme que son pays n’a aucune visée expansionniste dans la région, mais avertit que la Russie ne tolèrera pas de guerre sur ses frontières.
L’Expression: L’Algérie et la Russie ont signé un accord de partenariat stratégique en 2001, le premier du genre passé avec un pays arabe ou africain. Peut-on faire le bilan de ce partenariat sept ans après?
Alexander Egorov: Nos relations avec l’Algérie évoluent très positivement. Durant les deux législatures de M. Poutine, il y a eu au total cinq rencontres entre les deux présidents des pays respectifs. Les relations ont repris après le creux affiché durant les années 90, qui s’explique par le fait que les deux pays furent occupés par les affaires internes qu’elles soient politiques ou économiques. La vision de nos dirigeants est en totale concordance sur les questions globales de sécurité dans le monde.
Bien évidemment, notre partenariat est stratégique dans le domaine énergétique dans la mesure où les deux pays sont exportateurs et producteurs de pétrole et de gaz. En octobre, nous avons adressé une invitation au président du Parlement algérien. On organise très prochainement une exposition des pays arabes à Moscou, en marge de laquelle une rencontre est programmée entre le conseil d’hommes d’affaires russes et la délégation algérienne.
L’accord d’armement signé entre la Russie et l’Algérie a soulevé beaucoup de polémique. Les Mig 29 sont remplacés par les Sukhoi. Les analyses se sont multipliées sur ce contrat. Est-ce que le dossier est clos?
Je n’aimerais pas spécialement parler de cette question. C’est un dossier confidentiel géré par les deux Etats. C’est à la partie algérienne d’apprécier la qualité de cet accord. Je tiens à souligner néanmoins que la coopération entre les deux pays dans le domaine sécuritaire, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, est très intéressante. Et elle va continuer.
Pensez-vous que la Russie a respecté les engagements auxquels elle a souscrit dans l’accord d’armement?
Les deux chefs d’Etat se sont félicités en février du bon niveau de coopération dans ce domaine. Si les dirigeants apprécient le partenariat de cette manière, cela ne peut qu’être très rassurant.
La coopération militaire entre l’Algérie et la Russie n’est pas vue d’un bon oeil par nos voisins. Certains pays n’ont pas hésité à exprimer leurs craintes sur le potentiel militaire algérien. Que pensez-vous?
La coopération militaire entre l’Algérie et la Russie n’est pas dirigée contre un pays. L’Algérie a le droit de renforcer son potentiel militaire. De garantir sa sécurité et sa souveraineté et de préserver ses richesses. Tout cela se fait dans le cadre du respect bien évidemment des règles internationales. Sur ce point, il n’ y a rien à reprocher aux deux nations. La Russie et l’Algérie développent des relations tout à fait légitimes pour le bien des deux pays et pour la sécurité régionale et internationale. La même coopération est affichée dans le domaine de la sécurisation du marché énergétique.
L’option de l’Opep du gaz est-elle mort-née?
Là aussi, je rassure que notre coopération n’est pas dirigée contre qui que ce soit. Les pays producteurs et exportateurs de gaz n’ont pas l’intention de créer un monopole sur le marché. Mais il est tout à fait de droit, de notre droit de nous concerter dans ce domaine sachant les coûts très élevés des investissements que nécessite ce secteur. Il est aussi très logique qu’on tente par tous les moyens de défendre nos intérêts. Les pays importateurs le font, pourquoi devons-nous nous résigner à dialoguer?
Cette concertation sera-t-elle sanctionnée par la création d’une Opep du gaz?
Pas spécialement. A l’heure actuelle nous sommes en train de voir comment consolider cette activité. Et comment réagir si les pays européens décident d’instaurer une organisation des pays importateurs de gaz. Bien évidemment, notre réponse ne saurait tarder. En attendant, il est dans l’intérêt de la Russie et des pays producteurs, notamment l’Algérie, de poursuivre les concertations.
L’accord signé entre Gazprom et Sonatrach portant sur la prospection, l’extraction, le transport et la commercialisation du gaz naturel établi en 2006 patine. Est-il remis en cause?
Gazprom n’a pas de représentation à Bruxelles mais a ouvert récemment un bureau à Alger. Cela démontre l’intérêt réciproque que portent les deux pays au partenariat énergétique.
L’Algérie a signé des accords de coopération nucléaire pacifique avec la France et les USA. Un projet en perspective avec la Russie?
Il y a effectivement un accord en préparation. Son lancement dépendra de l’Algérie.
La coopération économique reste le maillon faible du partenariat algéro-russe. Comment expliquez-vous cela?
En effet, le volume des échanges commerciaux ne dépasse pas le seuil de un milliard de dollars. Un niveau que nos deux présidents respectifs jugent trop bas. Ce niveau s’explique par le fait que l’Algérie n’exporte pas de gaz (un produit qui représente l’essentiel de ses exportations), vers la Russie. Aussi, les importateurs algériens préfèrent acheter le matériel russe de France pour réduire les frais de transport. Mais, nous avons signé un accord très intéressant dans le domaine du transport pour la modernisation du réseau ferroviaire de la capitale. J’espère que d’autres accords suivront.
Venons-en maintenant si vous voulez, à l’actualité européenne et plus précisément les derniers développements de la situation en Géorgie. L’accord UE-Russie signé le 13 août a semblé avoir quelques difficultés d’application. Mercredi, le chef de la diplomatie russe, M.Lavrov, a accusé les dirigeants européens d’avoir dénaturé ce texte en évoquant un déploiement des observateurs internationaux sur «tout le territoire géorgien». Or, Moscou estime que le texte initial exclut l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. Est-ce le retour à la case départ dans cette crise?
Tout d’abord, je souhaite exprimer les sincères regrets de mon pays face à cette nouvelle guerre qui s’est déclenchée au Caucase. Une guerre provoquée par nos amis géorgiens qui, instruits par les Américains et d’autres pays occidentaux, ont employé la force contre notre armée. Nos peuples, ceux d’Abkhazie, de Géorgie, et d’Ossétie ont de tout temps vécu ensemble sans la moindre animosité. Des milliers de Géorgiens vivent en Russie sans être inquiétés. Honnêtement, l’on n’arrive pas à saisir la politique des dirigeants de Tbilissi. Concernant maintenant l’accord signé le 13 août, j’aimerais de prime abord apporter une précision. Ce n’est pas la Russie qui a remis en cause son contenu. Mais c’est l’Union européenne, représentée par le président français, qui semble avoir reculé. Les deux parties, la Russie, en sa qualité de pays garant de la sécurité dans la région en conflit, et M.Nicolas Sarkozy, dont le pays assure la présidence de l’UE, se sont entendus le 8 août sur des principes. Une fois partis de Moscou, nos amis français ont procédé à des modifications du texte. Pis, à Tbilissi, M.Sarkozy a exhibé un autre accord, qui porte la touche des Américains. La même démarche fut adoptée pour le deuxième accord auquel vous faites allusion, signé le 12 septembre. Ce n’est pas sérieux. Qui a donné le droit à M.Sarkozy de revoir ces clauses. Nous nous sommes entendus sur le fait que les observateurs internationaux soient déployés sur le territoire géorgien, or l’Ossétie et l’Abkhazie n’appartiennent pas à ce territoire. Ce sont deux entités indépendantes. Cela n’empêchera pas la Russie de continuer le dialogue avec ses partenaires.
L’Expression: L’Algérie et la Russie ont signé un accord de partenariat stratégique en 2001, le premier du genre passé avec un pays arabe ou africain. Peut-on faire le bilan de ce partenariat sept ans après?
Alexander Egorov: Nos relations avec l’Algérie évoluent très positivement. Durant les deux législatures de M. Poutine, il y a eu au total cinq rencontres entre les deux présidents des pays respectifs. Les relations ont repris après le creux affiché durant les années 90, qui s’explique par le fait que les deux pays furent occupés par les affaires internes qu’elles soient politiques ou économiques. La vision de nos dirigeants est en totale concordance sur les questions globales de sécurité dans le monde.
Bien évidemment, notre partenariat est stratégique dans le domaine énergétique dans la mesure où les deux pays sont exportateurs et producteurs de pétrole et de gaz. En octobre, nous avons adressé une invitation au président du Parlement algérien. On organise très prochainement une exposition des pays arabes à Moscou, en marge de laquelle une rencontre est programmée entre le conseil d’hommes d’affaires russes et la délégation algérienne.
L’accord d’armement signé entre la Russie et l’Algérie a soulevé beaucoup de polémique. Les Mig 29 sont remplacés par les Sukhoi. Les analyses se sont multipliées sur ce contrat. Est-ce que le dossier est clos?
Je n’aimerais pas spécialement parler de cette question. C’est un dossier confidentiel géré par les deux Etats. C’est à la partie algérienne d’apprécier la qualité de cet accord. Je tiens à souligner néanmoins que la coopération entre les deux pays dans le domaine sécuritaire, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, est très intéressante. Et elle va continuer.
Pensez-vous que la Russie a respecté les engagements auxquels elle a souscrit dans l’accord d’armement?
Les deux chefs d’Etat se sont félicités en février du bon niveau de coopération dans ce domaine. Si les dirigeants apprécient le partenariat de cette manière, cela ne peut qu’être très rassurant.
La coopération militaire entre l’Algérie et la Russie n’est pas vue d’un bon oeil par nos voisins. Certains pays n’ont pas hésité à exprimer leurs craintes sur le potentiel militaire algérien. Que pensez-vous?
La coopération militaire entre l’Algérie et la Russie n’est pas dirigée contre un pays. L’Algérie a le droit de renforcer son potentiel militaire. De garantir sa sécurité et sa souveraineté et de préserver ses richesses. Tout cela se fait dans le cadre du respect bien évidemment des règles internationales. Sur ce point, il n’ y a rien à reprocher aux deux nations. La Russie et l’Algérie développent des relations tout à fait légitimes pour le bien des deux pays et pour la sécurité régionale et internationale. La même coopération est affichée dans le domaine de la sécurisation du marché énergétique.
L’option de l’Opep du gaz est-elle mort-née?
Là aussi, je rassure que notre coopération n’est pas dirigée contre qui que ce soit. Les pays producteurs et exportateurs de gaz n’ont pas l’intention de créer un monopole sur le marché. Mais il est tout à fait de droit, de notre droit de nous concerter dans ce domaine sachant les coûts très élevés des investissements que nécessite ce secteur. Il est aussi très logique qu’on tente par tous les moyens de défendre nos intérêts. Les pays importateurs le font, pourquoi devons-nous nous résigner à dialoguer?
Cette concertation sera-t-elle sanctionnée par la création d’une Opep du gaz?
Pas spécialement. A l’heure actuelle nous sommes en train de voir comment consolider cette activité. Et comment réagir si les pays européens décident d’instaurer une organisation des pays importateurs de gaz. Bien évidemment, notre réponse ne saurait tarder. En attendant, il est dans l’intérêt de la Russie et des pays producteurs, notamment l’Algérie, de poursuivre les concertations.
L’accord signé entre Gazprom et Sonatrach portant sur la prospection, l’extraction, le transport et la commercialisation du gaz naturel établi en 2006 patine. Est-il remis en cause?
Gazprom n’a pas de représentation à Bruxelles mais a ouvert récemment un bureau à Alger. Cela démontre l’intérêt réciproque que portent les deux pays au partenariat énergétique.
L’Algérie a signé des accords de coopération nucléaire pacifique avec la France et les USA. Un projet en perspective avec la Russie?
Il y a effectivement un accord en préparation. Son lancement dépendra de l’Algérie.
La coopération économique reste le maillon faible du partenariat algéro-russe. Comment expliquez-vous cela?
En effet, le volume des échanges commerciaux ne dépasse pas le seuil de un milliard de dollars. Un niveau que nos deux présidents respectifs jugent trop bas. Ce niveau s’explique par le fait que l’Algérie n’exporte pas de gaz (un produit qui représente l’essentiel de ses exportations), vers la Russie. Aussi, les importateurs algériens préfèrent acheter le matériel russe de France pour réduire les frais de transport. Mais, nous avons signé un accord très intéressant dans le domaine du transport pour la modernisation du réseau ferroviaire de la capitale. J’espère que d’autres accords suivront.
Venons-en maintenant si vous voulez, à l’actualité européenne et plus précisément les derniers développements de la situation en Géorgie. L’accord UE-Russie signé le 13 août a semblé avoir quelques difficultés d’application. Mercredi, le chef de la diplomatie russe, M.Lavrov, a accusé les dirigeants européens d’avoir dénaturé ce texte en évoquant un déploiement des observateurs internationaux sur «tout le territoire géorgien». Or, Moscou estime que le texte initial exclut l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. Est-ce le retour à la case départ dans cette crise?
Tout d’abord, je souhaite exprimer les sincères regrets de mon pays face à cette nouvelle guerre qui s’est déclenchée au Caucase. Une guerre provoquée par nos amis géorgiens qui, instruits par les Américains et d’autres pays occidentaux, ont employé la force contre notre armée. Nos peuples, ceux d’Abkhazie, de Géorgie, et d’Ossétie ont de tout temps vécu ensemble sans la moindre animosité. Des milliers de Géorgiens vivent en Russie sans être inquiétés. Honnêtement, l’on n’arrive pas à saisir la politique des dirigeants de Tbilissi. Concernant maintenant l’accord signé le 13 août, j’aimerais de prime abord apporter une précision. Ce n’est pas la Russie qui a remis en cause son contenu. Mais c’est l’Union européenne, représentée par le président français, qui semble avoir reculé. Les deux parties, la Russie, en sa qualité de pays garant de la sécurité dans la région en conflit, et M.Nicolas Sarkozy, dont le pays assure la présidence de l’UE, se sont entendus le 8 août sur des principes. Une fois partis de Moscou, nos amis français ont procédé à des modifications du texte. Pis, à Tbilissi, M.Sarkozy a exhibé un autre accord, qui porte la touche des Américains. La même démarche fut adoptée pour le deuxième accord auquel vous faites allusion, signé le 12 septembre. Ce n’est pas sérieux. Qui a donné le droit à M.Sarkozy de revoir ces clauses. Nous nous sommes entendus sur le fait que les observateurs internationaux soient déployés sur le territoire géorgien, or l’Ossétie et l’Abkhazie n’appartiennent pas à ce territoire. Ce sont deux entités indépendantes. Cela n’empêchera pas la Russie de continuer le dialogue avec ses partenaires.
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