Jeff halper
Jeff Halper, l’un des passagers des deux bateaux qui ont brisé le blocus israélien et accosté à Gaza, tire les conclusions de cette initiative. Nous soulignons que Jeff Halper, responsable du Comité israélien contre la démolition des Maisons palestiniennes, a été emprisonné en Israël lorsqu’il a quitté la Bande de Gaza.
La fin d’une odyssée
Quelques jours après avoir été libéré de prison à la suite de mon voyage à Gaza, je fais part de quelques points, pour résumer les choses.
Tout d’abord, l’opération du Mouvement Free Gaza en vue de briser le siège israélien s’est révélée être un succès au-delà de toute espérance. Le fait que nous ayons atteint Gaza et en soyons sortis a donné lieu à la création d’un canal libre et régulier entre Gaza et le monde extérieur. C’est ce qui a été atteint, car le gouvernement israélien a été contraint d’émettre une déclaration politique sans ambiguïté : qu’il n’occupe pas Gaza, et qu’en conséquence il n’empêchera pas la libre circulation des Palestiniens vers et hors de Gaza (au moins par voie maritime). (Les préoccupations sécuritaires d’Israël peuvent facilement être réglées par l’institution de procédures de contrôle semblables à celles des autres ports). Toute tentative d’Israël de revenir en arrière — en empêchant à l’avenir des bateaux d’entrer à Gaza ou d’en partir, avec du fret et des passagers comprenant des Palestiniens — pourra immédiatement être interprétée comme une manifestation de contrôle, et donc d’occupation, conduisant Israël à devoir répondre de crimes de guerre au titre du droit international, ce qu’Israël tente d’éviter à tout prix.
Envolée la fumée qui a permis à Israël de maintenir son contrôle sur les Territoires occupés sans en assumer aucune responsabilité : à compter de maintenant, soit Israël est une puissance occupante redevable de ses actions et de sa politique, soit les Palestiniens ont tous les droits de jouir de leur droit humain qui est celui de circuler librement dans et hors de leur pays. Israël ne peut plus jouer sur tous les tableaux. Non seulement nos deux minuscules bateaux ont forcé le gouvernement israélien et les militaires à lâcher prise, mais en plus ils ont permis de modifier fondamentalement le statut du contrôle qu’exerce Israël sur Gaza.
Lorsque nous sommes enfin arrivés à Gaza après une journée et demie de mer, l’accueil des 40.000 Gazaouis remplis de joie a été pour nous un moment très fort et très émouvant. Les gens ont particulièrement recherché le contact avec moi, ayant semble-t-il très envie de parler l’hébreu avec un Israélien après tant d’années d’enfermement. Le message qui m’a été transmis par des gens appartenant à toutes les factions pendant ces trois jours a été le même : Comment pouvons-nous (”nous” dans le sens de nous tous qui vivons dans leur pays, et pas seulement les Palestiniens et les Israéliens) sortir de cette terrible situation ? Où allons-NOUS ? Le discours tenu n’était même pas politique, de type “quelle est la solution/un état, deux états, etc”. C’était juste du bon sens, bien établi, basé sur l’idée que nous continuerons tous à vivre dans le même pays, et que ce conflit imbécile avec ses murs, son blocus et sa violence, est mauvais pour tout le monde. Ils me demandaient : les Israéliens ne réalisent-ils pas cela ?
(La réponse, malheureusement, est “non”. Pour être honnête, c’est nous les Juifs Israéliens qui sommes le problème. Les Palestiniens ont accepté notre existence il y a des années dans le pays en tant que peuple, et ils sont disposés à accepter TOUTE solution — deux états, un état, pas d’état, peu importe. C’est nous qui voulons l’exclusivité sur la “Terre d’Israël”, nous qui ne pouvons voir les choses sous la forme d’un seul pays, et nous qui n’acceptons pas la présence nationale des Palestiniens —en Israël, nous parlons “d’Arabes”—, et c’est nous qui avons éliminé avec nos colonies la possibilité même d’une solution de deux états avec laquelle nous prenons 80 % de la terre. Alors, c’est triste, vraiment triste, lorsque nos “ennemis” veulent la paix et la coexistence — et me le disent en hébreu— et que nous n’en voulons pas. Oui, nous les Juifs Israéliens voulons la “paix”, mais entre temps tout ce que nous avons — pratiquement pas d’attaques, un sentiment de sécurité, un peuple palestinien qui a “disparu”, une économie en pleine forme, le tourisme et une présence à l’international comme jamais auparavant — semble parfait. Si la “paix” signifie abandonner les colonies, la terre et le contrôle, pourquoi donc s’y résoudre ? Quel est le problème avec le statut-quo ? Tant que ce n’est pas cassé, laisse tomber.)
A Gaza, j’ai réussi à revoir des vieux copains, tout spécialement Eyad Al Sarraj du Programme de santé mentale de Gaza, et Raji Sourani qui dirige le Centre palestinien pour les droits de l’Homme, à qui j’ai rendu visite dans son bureau. J’ai aussi reçu la nationalité palestinienne à titre honorifique, avec un passeport, ce qui représente beaucoup pour moi qui suis Juif Israélien.
Lorsque j’étais à Gaza, tout le monde en Israël — y compris les médias qui m’interviewaient — m’ont répété d’être prudent et de faire attention à ma vie. Ils me demandaient : n’as-tu pas peur ? Eh bien, le seul moment où j’ai ressenti une sérieuse et authentique peur pendant tout ce périple, cela a été quand je suis retourné en Israël. J’y suis revenu via le check-point d’Erez, parce que je voulais manifester que le blocus n’est pas seulement maritime. Du côté israélien, j’ai été immédiatement arrêté et inculpé pour avoir enfreint un ordre militaire interdisant aux Israéliens de se trouver à Gaza, et j’ai été emprisonné à la prison de Shikma à Ashkelon. Cette nuit-là, dans ma cellule, quelqu’un m’a reconnu grâce aux informations télévisées. Toute la nuit, j’ai fait l’objet de menaces physiques de la part d’Israéliens d’extrême-droite, et j’avais la certitude que je ne survivrai pas jusqu’au matin. Ironiquement, j’ai partagé ma cellule avec trois Palestiniens qui en quelque sorte m’ont protégé, de telle sorte que le danger ne venait pas des Palestiniens mais des Israéliens, à Gaza comme en Israël. (Un Palestinien d’Hébron était en prison pour s’être trouvé illégalement en Israël ; j’étais en prison pour avoir été illégalement en Palestine). A l’heure actuelle, j’ai été libéré sous caution. Les autorités israéliennes vont probablement me poursuivre dans les semaines à venir, et je risque environ deux mois de prison mois. Je suis maintenant un Palestinien dans tous les sens du terme : le lundi, j’ai reçu la nationalité palestinienne ; et le jeudi j’étais déjà emprisonné en Israël.
Jeff Halper, l’un des passagers des deux bateaux qui ont brisé le blocus israélien et accosté à Gaza, tire les conclusions de cette initiative. Nous soulignons que Jeff Halper, responsable du Comité israélien contre la démolition des Maisons palestiniennes, a été emprisonné en Israël lorsqu’il a quitté la Bande de Gaza.
La fin d’une odyssée
Quelques jours après avoir été libéré de prison à la suite de mon voyage à Gaza, je fais part de quelques points, pour résumer les choses.
Tout d’abord, l’opération du Mouvement Free Gaza en vue de briser le siège israélien s’est révélée être un succès au-delà de toute espérance. Le fait que nous ayons atteint Gaza et en soyons sortis a donné lieu à la création d’un canal libre et régulier entre Gaza et le monde extérieur. C’est ce qui a été atteint, car le gouvernement israélien a été contraint d’émettre une déclaration politique sans ambiguïté : qu’il n’occupe pas Gaza, et qu’en conséquence il n’empêchera pas la libre circulation des Palestiniens vers et hors de Gaza (au moins par voie maritime). (Les préoccupations sécuritaires d’Israël peuvent facilement être réglées par l’institution de procédures de contrôle semblables à celles des autres ports). Toute tentative d’Israël de revenir en arrière — en empêchant à l’avenir des bateaux d’entrer à Gaza ou d’en partir, avec du fret et des passagers comprenant des Palestiniens — pourra immédiatement être interprétée comme une manifestation de contrôle, et donc d’occupation, conduisant Israël à devoir répondre de crimes de guerre au titre du droit international, ce qu’Israël tente d’éviter à tout prix.
Envolée la fumée qui a permis à Israël de maintenir son contrôle sur les Territoires occupés sans en assumer aucune responsabilité : à compter de maintenant, soit Israël est une puissance occupante redevable de ses actions et de sa politique, soit les Palestiniens ont tous les droits de jouir de leur droit humain qui est celui de circuler librement dans et hors de leur pays. Israël ne peut plus jouer sur tous les tableaux. Non seulement nos deux minuscules bateaux ont forcé le gouvernement israélien et les militaires à lâcher prise, mais en plus ils ont permis de modifier fondamentalement le statut du contrôle qu’exerce Israël sur Gaza.
Lorsque nous sommes enfin arrivés à Gaza après une journée et demie de mer, l’accueil des 40.000 Gazaouis remplis de joie a été pour nous un moment très fort et très émouvant. Les gens ont particulièrement recherché le contact avec moi, ayant semble-t-il très envie de parler l’hébreu avec un Israélien après tant d’années d’enfermement. Le message qui m’a été transmis par des gens appartenant à toutes les factions pendant ces trois jours a été le même : Comment pouvons-nous (”nous” dans le sens de nous tous qui vivons dans leur pays, et pas seulement les Palestiniens et les Israéliens) sortir de cette terrible situation ? Où allons-NOUS ? Le discours tenu n’était même pas politique, de type “quelle est la solution/un état, deux états, etc”. C’était juste du bon sens, bien établi, basé sur l’idée que nous continuerons tous à vivre dans le même pays, et que ce conflit imbécile avec ses murs, son blocus et sa violence, est mauvais pour tout le monde. Ils me demandaient : les Israéliens ne réalisent-ils pas cela ?
(La réponse, malheureusement, est “non”. Pour être honnête, c’est nous les Juifs Israéliens qui sommes le problème. Les Palestiniens ont accepté notre existence il y a des années dans le pays en tant que peuple, et ils sont disposés à accepter TOUTE solution — deux états, un état, pas d’état, peu importe. C’est nous qui voulons l’exclusivité sur la “Terre d’Israël”, nous qui ne pouvons voir les choses sous la forme d’un seul pays, et nous qui n’acceptons pas la présence nationale des Palestiniens —en Israël, nous parlons “d’Arabes”—, et c’est nous qui avons éliminé avec nos colonies la possibilité même d’une solution de deux états avec laquelle nous prenons 80 % de la terre. Alors, c’est triste, vraiment triste, lorsque nos “ennemis” veulent la paix et la coexistence — et me le disent en hébreu— et que nous n’en voulons pas. Oui, nous les Juifs Israéliens voulons la “paix”, mais entre temps tout ce que nous avons — pratiquement pas d’attaques, un sentiment de sécurité, un peuple palestinien qui a “disparu”, une économie en pleine forme, le tourisme et une présence à l’international comme jamais auparavant — semble parfait. Si la “paix” signifie abandonner les colonies, la terre et le contrôle, pourquoi donc s’y résoudre ? Quel est le problème avec le statut-quo ? Tant que ce n’est pas cassé, laisse tomber.)
A Gaza, j’ai réussi à revoir des vieux copains, tout spécialement Eyad Al Sarraj du Programme de santé mentale de Gaza, et Raji Sourani qui dirige le Centre palestinien pour les droits de l’Homme, à qui j’ai rendu visite dans son bureau. J’ai aussi reçu la nationalité palestinienne à titre honorifique, avec un passeport, ce qui représente beaucoup pour moi qui suis Juif Israélien.
Lorsque j’étais à Gaza, tout le monde en Israël — y compris les médias qui m’interviewaient — m’ont répété d’être prudent et de faire attention à ma vie. Ils me demandaient : n’as-tu pas peur ? Eh bien, le seul moment où j’ai ressenti une sérieuse et authentique peur pendant tout ce périple, cela a été quand je suis retourné en Israël. J’y suis revenu via le check-point d’Erez, parce que je voulais manifester que le blocus n’est pas seulement maritime. Du côté israélien, j’ai été immédiatement arrêté et inculpé pour avoir enfreint un ordre militaire interdisant aux Israéliens de se trouver à Gaza, et j’ai été emprisonné à la prison de Shikma à Ashkelon. Cette nuit-là, dans ma cellule, quelqu’un m’a reconnu grâce aux informations télévisées. Toute la nuit, j’ai fait l’objet de menaces physiques de la part d’Israéliens d’extrême-droite, et j’avais la certitude que je ne survivrai pas jusqu’au matin. Ironiquement, j’ai partagé ma cellule avec trois Palestiniens qui en quelque sorte m’ont protégé, de telle sorte que le danger ne venait pas des Palestiniens mais des Israéliens, à Gaza comme en Israël. (Un Palestinien d’Hébron était en prison pour s’être trouvé illégalement en Israël ; j’étais en prison pour avoir été illégalement en Palestine). A l’heure actuelle, j’ai été libéré sous caution. Les autorités israéliennes vont probablement me poursuivre dans les semaines à venir, et je risque environ deux mois de prison mois. Je suis maintenant un Palestinien dans tous les sens du terme : le lundi, j’ai reçu la nationalité palestinienne ; et le jeudi j’étais déjà emprisonné en Israël.
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