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L'usine Renault de Sandouville ne croit plus à la stratégie de Carlos Ghosn

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  • L'usine Renault de Sandouville ne croit plus à la stratégie de Carlos Ghosn

    Jeudi 11 septembre, 12 h 30. C'est l'heure de la relève à l'usine Renault de Sandouville (Seine-Maritime). Les salariés de l'équipe de l'après-midi croisent ceux du matin. Les visages sont fermés. Comme résignés. La direction a annoncé, mardi 9 septembre, la suppression de 1 000 postes sur la base du volontariat dans ce site. La restructuration devrait concerner au total 6 000 salariés dans le monde dont 4 900 en France.

    "T'as fait grève ce matin ?", lance Jonathan Quesnot, 33 ans et dix ans d'usine derrière lui, à l'un de ses copains. Sur les 2 000 salariés présents, entre 350 et 400 salariés selon le syndicat (la moitié selon la direction) ont débrayé de 9 heures à 11 heures à l'appel de la CGT. Ouvrier à l'atelier de peinture, Jonathan, lui, ne fera pas grève. "J'ai déjà perdu assez de sous !" Ils sont nombreux comme lui.

    Depuis le lancement de la nouvelle Laguna en octobre 2007, les ventes n'ont jamais été à la hauteur des attentes de Renault. L'usine a fonctionné avec des arrêts réguliers. En 2008, les jours chômés s'élèveront au total à 52 jours sur la Laguna et 30 sur l'Espace et la Vel Satis. Sur le seul mois de septembre, les salariés en seront à dix jours et, à partir du mois d'octobre et pour trois semaines, tous les après-midi seront chômés. "En septembre, je vais perdre environ 350 euros sur un salaire de 1 350 euros, ça fait mal", lâche Ludovic Leblanc, ouvrier à l'atelier montage.
    Le syndicat FO aurait bien voulu appelé aussi à la grève. "Mais les salariés ont déjà perdu assez d'argent comme ça. A nous de faire en sorte que ceux qui veulent partir puissent le faire dans les meilleures conditions possibles", déclare Guy Vallot, secrétaire du comité d'entreprise de Renault Sandouville.

    Derrière le ras-le-bol, l'inquiétude et pour beaucoup certains, nombreux, la peur du lendemain, la colère est manifeste, l'amertume aussi. "Renault est une entreprise qui va bien, elle a dégagé plus d'1 milliard d'euros de profits au premier semestre ! Si elle allait mal, on comprendrait et on serait prêt à faire encore des efforts mais là, franchement, c'est dégueulasse, s'exclame M. Leblanc. On nous dit : c'est la faute aux subprimes, au pétrole cher et à la hausse de l'acier, il manque plus que l'ouragan Gustav et qu'il ne fasse pas beau à Paris !"

    DÉSENCHANTEMENT

    Le désenchantement vis-à-vis de Carlos Ghosn, le patron de Renault, est palpable. Les ouvriers rappellent les samedis travaillés et les heures supplémentaires pour sortir la nouvelle Laguna. "Carlos Ghosn ? Il nous a clairement pris pour des cons ! Il nous avait dit : si vous mettez la nouvelle Laguna parmi les trois premiers véhicules de sa catégorie en qualité de produit et de service, vous aurez un autre véhicule à produire. On l'a fait. C'est une super bagnole, si j'avais de l'argent, je l'achèterais tout de suite. Alors qu'il tienne ses promesses ou qu'il s'en aille", fulmine Nicolas Guermonprez.

    A un an de la retraite et trente-sept ans à Sandouville, Jean-Louis Leclerc n'est pas tendre non plus avec M. Ghosn : "On s'est bien fait avoir ! Il nous en a mis plein les yeux. Il nous a fait espérer. Résultat : on n'a rien et on n'aura rien." Ce grand gaillard de 55 ans se rappelle son arrivée à l'usine en 1971 : "C'était comme une petite ville. On n'était pas loin de 14 000."

    Tous se demandent pourquoi ils n'ont pas encore eu un nouveau véhicule en production. "On avait demandé à produire le Koléos (le 4 x 4 lancé en juin). Pour des raisons financières, ils ont décidé de le fabriquer en Corée", regrette M. Vallot. La berline Mégane ? Elle sera produite en Espagne. Le véhicule électrique ? "On l'aura peut-être. Mais ce ne sera de toute façon pas avant 2011", regrette Alain Richeux, de la CGT.

    Les ouvriers en rage de voir que Renault multiplie actuellement les publicités à la télévision pour la Twingo, la Modus, la Scénic et la Clio et "rien pour la Laguna. S'ils veulent la vendre, qu'ils cassent les prix", estime un ouvrier. Annick Detornay, 55 ans, ouvrière à la chaîne, a du mal à trouver les mots pour exprimer son désarroi. "Je travaille ici depuis trente-deux ans et, depuis la Safrane, j'ai vu la situation se dégrader d'année en année."

    L'espoir que l'usine survive est bien mince. "Quand l'Espace s'arrêtera, des gens vont encore partir", affirme Jean-Louis. Michel Thirard, ouvrier au montage des planches de bord, est encore plus catégorique. Cet ouvrier à Sandouville depuis trente-trois ans est formel : l'usine fermera. "Je lui donne encore un an, un an et demi au plus", affirme-t-il.

    Pour l'heure, les salariés sont persuadés que la direction n'atteindra pas son objectif de 1 000 départs volontaires. "Etre volontaire aujourd'hui, c'est être chômeur demain !", s'exclame M. Leblanc. Dans la région havraise, le taux de chômage avoisine les 12 %. Les salariés de Sandouville se font peu d'illusion, retrouver un travail dans la région sera impossible. Jeudi, Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, a demandé à Renault "d'assumer la reconversion" des bassins d'emploi concernés. En attendant, une manifestation pour l'emploi est prévue le 25 septembre au Havre.

    Nathalie Brafman (Le Monde)
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