Il a été le premier président du GPRA en 1958 : Ferhat Abbas, une vie au service de la nation algériennePar Leïla Benammar Benmansour
Docteur en communication
Le cinquantième anniversaire de la création du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), avec la nomination de Ferhat Abbas à sa présidence le 19 septembre 1958, rappelle à nous la grandeur de l’homme, ce qu’il représentait pour son peuple et ce qu’il a donné de lui-même pour que les Algériens puissent vivre libres dans leur propre pays.
Mais cet anniversaire nous rappelle aussi (et malheureusement) des propos qu’on lui a attribués sur la nation algérienne, selon lesquels cette dernière n’existerait pas, qu’il l’aurait cherchée jusque dans les cimetières sans jamais la trouver, véhiculés de 1936 à ce jour et qui entachent son honneur jusque dans la tombe. Ferhat Abbas les récusa dès 1962 dans son livre La nuit coloniale, puis vers la fin de sa vie dans L’indépendance confisquée (1984) accusant ses détracteurs d’avoir déformé ce qu’il a écrit dans l’un de ses articles, en vain. Car ses détracteurs non seulement ont fait la sourde oreille, mais ont redoublé de férocité, puisque voilà les propos attribués à l’homme politique algérien objet d’études jusque dans les universités.
Cet article aurait été écrit selon les historiens en 1936 dans l’hebdomadaire L’Entente, où Ferhat Abbas fut la plume de prestige et est cité régulièrement par les historiens dans leurs ouvrages, qui en rapportent quelques phrases, ponctuées de points de suspension, comme preuve immuable que Ferhat Abbas aurait écrit que « la nation algérienne n’existe pas », ou « que la patrie algérienne n’existe pas », en d’autres termes que Ferhat Abbas n’était pas nationaliste. Ces phrases hachées de points de suspension ont été reconnues par les historiens français Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis et aujourd’hui par Julien Fromage, comme sorties de leur contexte et déformées par rapport aux points de ponctuation. Ce qui n’a pas empêché les historiens de continuer à les véhiculer. Le cinquantième anniversaire de la nomination de Ferhat Abbas en tant que premier président du GPRA est l’opportunité à saisir pour mettre les historiens face à leurs contradictions et d’émettre des réserves que Ferhat Abbas ait écrit en 1936 que la nation algérienne n’existe pas ou que la patrie algérienne n’existe pas ou quoi que ce soit en ce sens.
Les contradictions des historiens
Dans Ferhat Abbas une utopie algérienne, paru en 1995 aux éditions Garnier (réédité en Algérie), l’historien français Benjamin Stora écrit : « Les historiens Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis signalent que cet éditorial fameux de L’Entente est également paru dans le journal La Défense du 28 février 1936. Ils ont mis en évidence la forme suivante de cette phrase : « Et cependant, je ne mourrai pas pour la patrie algérienne (en caractères gras dans le texte de La Défense) parce que cette patrie n’existe pas ? » Pour ces chercheurs, les caractères gras de « patrie algérienne » et surtout la ponctuation terminant la phrase en point d’interrogation, « changent du tout au tout le sens d’une formule qui fut à l’envi présentée comme une assertion définitive ». « Mais, précise Benjamin Stora, à l’époque, les formations politiques musulmanes ne s’attardent pas sur de telles nuances » De notre propre lecture de l’ouvrage de Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis L’Emir Khaled premier Zaïm (L’Harmattan 1987), il est important de préciser que les propos rapportés par Benjamin Stora ne sont pas tout à fait conformes à ceux des historiens cités. En effet, ces deniers écrivent : « Ferhat Abbas publie dans La Défense (en bas de page La Défense du 28 février 1936) son article, depuis, célèbre, « La France c’est moi ! » « Et cependant je ne mourrai pas pour la patrie algérienne (en gras dans le texte) parce que cette patrie n’existe pas ? »
Parfois pressés, les historiens n’ont guère relevé ni les caractères gras de « patrie algérienne » ni surtout, la ponctuation terminant la phrase - un point d’interrogation - alors qu’elle change du tout au tout le sens d’une formule qui fut à l’envi présentée, comme assertion affirmative. (p 6-7) Il est clair que selon les propos de Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis, Ferhat Abbas a publié son article sur la nation algérienne dans le journal La Défense du 28 février 1936 et non dans L’Entente. Nous précisons aux lecteurs qu’il est ici question du journal La Défense dirigé par Lamine Lamoudi, journal proche des oulémas. Une question découle de source : l’article originel attribué à Ferhat Abbas a-t-il été publié dans le journal L’Entente comme l’affirme Benjamin Stora ou dans La Défense, comme l’affirment Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis ? Lors de notre prospection, nous avons constaté que seul Amar Naroun rapporte l’article attribué à Ferhat Abbas dans son intégralité (sauf erreur de notre part), et cela dans la biographie Ferhat Abbas ou les chemins de la souveraineté (Denoël 1961. p 162-166). Amar Naroun (1906-1988), homme politique, journaliste et écrivain, a été député de Constantine du 13 juillet 1952 au 1er décembre 1955 en tant que républicain indépendant. On le dit adversaire de Ferhat Abbas aux élections. L’article attribué à Ferhat Abbas et qu’il rapporte dans son ouvrage est dactylographié, il a été selon lui publié dans L’Entente, et Amar Naroun en apporte la preuve, un bout de la photocopie de l’article tel que publié à la une de ce journal.
Docteur en communication
Le cinquantième anniversaire de la création du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), avec la nomination de Ferhat Abbas à sa présidence le 19 septembre 1958, rappelle à nous la grandeur de l’homme, ce qu’il représentait pour son peuple et ce qu’il a donné de lui-même pour que les Algériens puissent vivre libres dans leur propre pays.
Mais cet anniversaire nous rappelle aussi (et malheureusement) des propos qu’on lui a attribués sur la nation algérienne, selon lesquels cette dernière n’existerait pas, qu’il l’aurait cherchée jusque dans les cimetières sans jamais la trouver, véhiculés de 1936 à ce jour et qui entachent son honneur jusque dans la tombe. Ferhat Abbas les récusa dès 1962 dans son livre La nuit coloniale, puis vers la fin de sa vie dans L’indépendance confisquée (1984) accusant ses détracteurs d’avoir déformé ce qu’il a écrit dans l’un de ses articles, en vain. Car ses détracteurs non seulement ont fait la sourde oreille, mais ont redoublé de férocité, puisque voilà les propos attribués à l’homme politique algérien objet d’études jusque dans les universités.
Cet article aurait été écrit selon les historiens en 1936 dans l’hebdomadaire L’Entente, où Ferhat Abbas fut la plume de prestige et est cité régulièrement par les historiens dans leurs ouvrages, qui en rapportent quelques phrases, ponctuées de points de suspension, comme preuve immuable que Ferhat Abbas aurait écrit que « la nation algérienne n’existe pas », ou « que la patrie algérienne n’existe pas », en d’autres termes que Ferhat Abbas n’était pas nationaliste. Ces phrases hachées de points de suspension ont été reconnues par les historiens français Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis et aujourd’hui par Julien Fromage, comme sorties de leur contexte et déformées par rapport aux points de ponctuation. Ce qui n’a pas empêché les historiens de continuer à les véhiculer. Le cinquantième anniversaire de la nomination de Ferhat Abbas en tant que premier président du GPRA est l’opportunité à saisir pour mettre les historiens face à leurs contradictions et d’émettre des réserves que Ferhat Abbas ait écrit en 1936 que la nation algérienne n’existe pas ou que la patrie algérienne n’existe pas ou quoi que ce soit en ce sens.
Les contradictions des historiens
Dans Ferhat Abbas une utopie algérienne, paru en 1995 aux éditions Garnier (réédité en Algérie), l’historien français Benjamin Stora écrit : « Les historiens Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis signalent que cet éditorial fameux de L’Entente est également paru dans le journal La Défense du 28 février 1936. Ils ont mis en évidence la forme suivante de cette phrase : « Et cependant, je ne mourrai pas pour la patrie algérienne (en caractères gras dans le texte de La Défense) parce que cette patrie n’existe pas ? » Pour ces chercheurs, les caractères gras de « patrie algérienne » et surtout la ponctuation terminant la phrase en point d’interrogation, « changent du tout au tout le sens d’une formule qui fut à l’envi présentée comme une assertion définitive ». « Mais, précise Benjamin Stora, à l’époque, les formations politiques musulmanes ne s’attardent pas sur de telles nuances » De notre propre lecture de l’ouvrage de Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis L’Emir Khaled premier Zaïm (L’Harmattan 1987), il est important de préciser que les propos rapportés par Benjamin Stora ne sont pas tout à fait conformes à ceux des historiens cités. En effet, ces deniers écrivent : « Ferhat Abbas publie dans La Défense (en bas de page La Défense du 28 février 1936) son article, depuis, célèbre, « La France c’est moi ! » « Et cependant je ne mourrai pas pour la patrie algérienne (en gras dans le texte) parce que cette patrie n’existe pas ? »
Parfois pressés, les historiens n’ont guère relevé ni les caractères gras de « patrie algérienne » ni surtout, la ponctuation terminant la phrase - un point d’interrogation - alors qu’elle change du tout au tout le sens d’une formule qui fut à l’envi présentée, comme assertion affirmative. (p 6-7) Il est clair que selon les propos de Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis, Ferhat Abbas a publié son article sur la nation algérienne dans le journal La Défense du 28 février 1936 et non dans L’Entente. Nous précisons aux lecteurs qu’il est ici question du journal La Défense dirigé par Lamine Lamoudi, journal proche des oulémas. Une question découle de source : l’article originel attribué à Ferhat Abbas a-t-il été publié dans le journal L’Entente comme l’affirme Benjamin Stora ou dans La Défense, comme l’affirment Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis ? Lors de notre prospection, nous avons constaté que seul Amar Naroun rapporte l’article attribué à Ferhat Abbas dans son intégralité (sauf erreur de notre part), et cela dans la biographie Ferhat Abbas ou les chemins de la souveraineté (Denoël 1961. p 162-166). Amar Naroun (1906-1988), homme politique, journaliste et écrivain, a été député de Constantine du 13 juillet 1952 au 1er décembre 1955 en tant que républicain indépendant. On le dit adversaire de Ferhat Abbas aux élections. L’article attribué à Ferhat Abbas et qu’il rapporte dans son ouvrage est dactylographié, il a été selon lui publié dans L’Entente, et Amar Naroun en apporte la preuve, un bout de la photocopie de l’article tel que publié à la une de ce journal.
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