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L'Algérie de Hadj Lakhdar

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    L'Algérie de Hadj Lakhdar
    par Ahmed Saïfi Benziane

    A la fin du mois de Ramadhan, notre unique chaîne de télévision à trois têtes portées par des épaulettes solidement étoilées, nous livrera très certainement, comme à l'accoutumée, les statistiques sur le taux de sa fréquentation durant le sacré mois. Plusieurs millions d'Algériens auront consommé du Si Lakhdar en pleine soupe à l'Ouest, pendant le dessert au centre et au moment du baklava à l'Est par rapport au Greenwich. Série prisée au point d'être commentée dans les administrations publiques, dans les bus, dans les cafés maures, le personnage de Si Lakhdar pose tout de même quelques problèmes. D'abord d'où lui vient l'argent de son patrimoine immobilier ? Question déroutante et à réponses multiples selon le feuilleton du jour. Pourquoi veut-on connaître la provenance de la fortune de Si Lakhdar, pourquoi seulement lui ? Au moins lui peut se justifier car ce n'est qu'un personnage imaginaire. A voir le bonhomme, sa prononciation de la technologie, ses gesticulations burlesques, sa nervosité baveuse et les ratages de sa morale, comparés au succès populaire, on a l'impression qu'il représente le modèle-type de l'Algérien parvenu de nulle part et qui a réussi sa sortie de la vie après en avoir raté l'entrée. Il aurait pu être éleveur rurbanisé, agriculteur subventionné par un fonds quelconque, ministre remercié en mal du pays profond qui l'a vu naître ou même général en retraite forcée. Sa tenue vestimentaire expatriée, symbolisant une ruralité aujourd'hui disparue sous le béton de sa imara, offre l'image compressée d'une « révolution agraire » qui n'avait rien d'agricole. Sans vouloir être une critique de l'arrivisme, la série nous guide justement vers le respect d'un Si Lakhdar pour avoir toujours le dernier mot de l'histoire malgré la défaillance de son éducation, qui l'a flanqué de deux fils fainéants, aussi incultes que lui et vivant en parasitant le patrimoine paternel. Le bel exemple offert en cadeau aux téléspectateurs en contrepartie de leur fidélité ramadanesque à l'ENTV en attendant le fennec d'or. Si Lakhdar a aussi deux filles dont l'une est l'épouse d'un escroc qu'on arrive toujours à sauver des griffes de ses poursuivants mais qui vit aux crochets de sa femme et celle d'un neveu à l'accent kabyle caricaturé au point de se demander ce que vient faire l'accent kabyle dans cette cavale télévisuelle fade et de moindre goût qu'un navet. La musique, quant à elle, demeure bien rythmée et nous rappelle un stade de football. La mauvaise copie de Boubegra que tente de nous faire avaler le personnage de Si Lakhdar et son député de locataire et voisin, démontre bien que le rire a changé de formule en ces temps de disette intellectuelle. Il suffit de crier, de multiplier les mouvements du corps, de s'inventer quelques réprimandes locales difficilement comprises des autres dialectes du pays, de s'amuser à sortir les yeux de leurs orbites, pour faire de l'écriture scénique un baragouinage de couleurs dont le vert marabout, destiné à éloigner le mauvais oeil. Et ça fait rire. Et ça se commente partout. C'est que probablement l'image refoulée de Si Lakhdar est aussi partout. Qu'elle habite comme on dit les inconscients. L'ignorance de Si Lakhdar, propriétaire, concierge, père de famille, se dénoue pourtant à chaque fois par une morale aussi ambiguë que le personnage. Le voisinage de cette imara comprend pourtant une journaliste qui passe son temps à rapporter des ragots de l'immeuble dans son journal, en même temps qu'elle porte le pantalon dans un couple sans enfants par mariage tardif. Elle comprend un cabinet médical avec un médecin effacé et soumis à l'avis d'analphabètes qui le dominent par l'image de leurs fausses possessions et dont on ne voit jamais les patients. Mais là où Si Lakhdar se sent le mieux, c'est dans le studio exiguë du seul intellectuel de ce troupeau qui avale les étages en quelques énigmes étrangères à la logique alimentant ses colères par le seul jeûne. Bakhta, la locataire oranaise de la série, semble bien s'intégrer dans ce milieu conflictuel qu'elle pénètre par sa voix et son obésité qui doit donner bien des soucis aux cadreurs. Il serait bon d'ailleurs de savoir comment l'immeuble, douteusement acquis de Si Lakhdar, fonctionne en dehors du Ramadhan. Comment fonctionne aussi et par la même occasion l'ENTV. Une idée pour les auteurs qui se retrouvent à concurrencer les feuilletons turco-libanais à l'eau de rose, juste pour dire que nous sommes capables de faire tourner des caméras rouillées par l'attente d'une vraie télévision. La série par défaut de Si Lakhdar demeure une lecture sociale de ce qu'attend un public en mal d'images et qui est balancée entre un programme de nervosité face à un autre programme de sélection du meilleur lecteur du Coran par SMS sur un fonds de Starac avec ses primes, et Kamel Ouali en moins, mais sous l'oeil vigilant d'un Belkhadem « soudanaisement » accoutré. Un peu comme Si Lakhdar moul el Imara avec le palais du gouvernement en moins d'ailleurs. Et si l'auteur avait voulu subtilement alerter l'opinion publique sur le fonctionnement de l'Etat en empruntant les chemins d'une habitation avec Si Lakhdar comme prétexte pour expliquer que les propriétaires du pays ont des difficultés à gérer le patrimoine et ses occupants ? Trop fort pour l'ENTV, mais c'est juste pour donner du sens à ce qui ne paraît pas en avoir. Un effort comme un autre. Lorsqu'on se remémore les sketchs du temps du noir et blanc, du temps où la couleur était uniquement dans la recherche du sens du rire pour quelques pauses utiles, on se demande si le rire n'a pas, lui aussi, régressé au même titre que tout le reste. Le rire, c'est connu, est culturel et si Si Lakhdar fait encore rire beaucoup de monde, c'est qu'il faut en pleurer, car il constitue une vengeance contre les quelques signes de l'intelligence dans une Algérie où Hadj Lakhdar aurait eu une bonne place parmi ses moutons, sur ses terres au lieu de s'intéresser à l'immobilier. D'ailleurs, pour lui éviter le stress qu'il subit et qu'il nous procure, les auteurs pourraient, dans la foulée, penser à le marier d'ici au prochain Ramadhan vu qu'il paraît avoir ramassé beaucoup d'argent. Bakhta, célibataire, serait d'ailleurs un bon parti à défaut de recruter de meilleurs comédiens.
    Le quotidien d'Oran
    ta3adadat el assbabo wal karhato wahidatton faman lam yakrah bi la routine kariha bi ssiwaha

  • #2
    Azul





    .../...
    “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf

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    • #3
      Azul
      Désolée je n'avais pas vu que ça été déjà posté.
      ta3adadat el assbabo wal karhato wahidatton faman lam yakrah bi la routine kariha bi ssiwaha

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