Cette fois, après un nombre déjà respectable de “journées noires” depuis 25 mois, l’analogie est unanime. Ce qui s’est passé hier est bien l’équivalent historique d’octobre 1929, – si l’on s’en tient bien à l’événement lui-même. Nous citons un texte qui exprime bien ce sentiment, l’éditorial du Guardian de ce jour. C’est autour de cette analogie qu’est construit ce texte, qui emploie pour titre une de ces images («Maelstrom in the markets») dont les commentateurs du monde financier sont friands.
Citons l’entame de l’éditorial.
«It is a moment Karl Marx would have relished. From every angle financial capitalism is taking a battering. Late on Sunday one of the world's biggest investment banks, Lehman Brothers, filed for bankruptcy, while another, Merrill Lynch, sold itself off in a hurry to avoid going the same way. Yesterday brought nose-diving shares and a yo-yoing dollar. AIG was once the world's biggest insurer, but its woes today are only making more of a drama out of the crisis. Two pillars of the modern economic temple - greed and prosperity - are trembling in a manner unseen for a very long time. Only a fortnight ago, Alistair Darling attracted derision when he told the Guardian that circumstances were "arguably the worst they've been in 60 years". But events of the past 48 hours suggest that – in terms of finance, at least – 75 years might have been a better benchmark. The weather in the money markets is now bleaker than it has been since the 1930s.
»Fortunately, there is more to economic life than high finance. The economy as a whole is not – yet – in the dire condition it fell into in the mid-70s, early-80s or early-90s – still less the late 1920s and early 1930s. The great danger is that this could change. Many lessons must be learned from what is happening, and in time the rules of casino capitalism will need to be rewritten. But the urgent task for the authorities now is to stop the rot from spreading from the money-men to the rest of us.»
Le mot qui nous arrête est celui-ci: “Fortunately”, puis ce qui suit sur l’état de l’économie, qui concerne dans une courte allusion l’état de l’économie à la fin des années 1929 et au début des années 1930 (« the late 1920s and early 1930s»). C’est là-dessus que nous concentrerons notre commentaire. Nous nous appuyons fortement sur l’analogie historique, puisque tout nous invite; en nous concentrons sur les conditions générales entourant le krach de 1929 et sur celles entourant celui du 15 septembre 2008.
Il y a une méthodologie contestable dans cet éditorial. Il ne rend pas compte, à notre sens, d’une description acceptable des conditions respectives des deux époques. Il subvertit d’autant une analogie comparative qui, par ailleurs, s’impose effectivement. Plusieurs remarques préliminaires.
• La référence unanime est celle du krach d’octobre 1929 à Wall Street. C’est un événement spécifiquement américaniste, des USA seuls. Or, la référence économique faite dans l’édito renvoie à la situation économique hors des USA, particulièrement au Royaume-Uni (l’état de l’économie mauvais à la fin des années 1920, comme si le krach d’octobre 1929 en était l’expression boursière logique). Les Britanniques ont trop tendance à considérer comme communes les situations US et UK (cela correspond aux illusions de leur stratégie générale) et ils renvoient cette idée à 1929. Puisque octobre 1929 est un événement spécifiquement américaniste, la seule référence économique qui vaille est la situation économique des USA. Dans ce cas, le jugement est faux. Le krach d’octobre 1929 est par excellence “le coup de tonnerre dans un ciel bleu”, un effondrement dans une économie en pleine expansion, – l’économie US, alors complètement déconnectée de l’économie hors des USA.
• Le contexte dans lequel on juge quasi unanimement des événements d’hier est celui du seul cadre économico-financier, et réduit à la sphère occidentale. Ce choix nous paraît arbitraire et vicieux. Si l’on parle du contexte, alors on ne peut s’arrêter à l’économie parce que tous les grands domaines d’activité sont liés et intégrés. Si l’économie US est florissante lorsqu’éclate le krach alors que le reste de l’économie ne l’est pas, c’est parce que les USA sont en pleine période isolationniste, isolés du reste du monde dans tous les domaines de la vie publique et de la politique générale. Le fait, autant que la logique générale que nous privilégions invite à considérer, lorsque nous jugeons du contexte de la crise, non seulement l’économie, mais la vie politique générale, la situation sociale et culturelle, voire la psychologie (plus que “voire” d’ailleurs, on le verra: il s’agit de l’essentiel). Ce sera notre méthode, comme ce l’est d’une façon systématique. Lorsqu’il s’agit d’une situation générale, il n’y a aucune raison de limiter les domaines arbitrairement; il faut prendre la situation générale pour répondre à la réalité de l’intégration de tous les domaines qui la composent par définition.
C’est de cette façon que nous allons procéder. Nous prendrons le fait fondamental de cette analyse analogique sur le constat qu’octobre 1929 est le détonateur de tout le reste (la Grande Dépression notamment) alors que septembre 2008 est une explosion de plus, même si elle est particulièrement forte, dans une chaine d’explosions. Si l’on veut, notre Octobre 1929 a commencé en août 2007 et s’est poursuivi dans plusieurs autres explosions jusqu’à septembre 2008. (Et sans doute n’est-ce pas fini, il y aura d’autres explosions, – alors qu’en 1929 on s’en tint à Octobre et il n’y eut plus d’autres explosion du même domaine jusqu’à la glissade vers la dépression économique à partir de l’automne 1930, et à pleine vitesse à partir de l’été 1931.)
Pourtant, oui, l’analyse comparée des situations générales est nécessaire et instructive. Elle doit être faite. Elle nous en dira beaucoup sur ce qui nous attend.
Citons l’entame de l’éditorial.
«It is a moment Karl Marx would have relished. From every angle financial capitalism is taking a battering. Late on Sunday one of the world's biggest investment banks, Lehman Brothers, filed for bankruptcy, while another, Merrill Lynch, sold itself off in a hurry to avoid going the same way. Yesterday brought nose-diving shares and a yo-yoing dollar. AIG was once the world's biggest insurer, but its woes today are only making more of a drama out of the crisis. Two pillars of the modern economic temple - greed and prosperity - are trembling in a manner unseen for a very long time. Only a fortnight ago, Alistair Darling attracted derision when he told the Guardian that circumstances were "arguably the worst they've been in 60 years". But events of the past 48 hours suggest that – in terms of finance, at least – 75 years might have been a better benchmark. The weather in the money markets is now bleaker than it has been since the 1930s.
»Fortunately, there is more to economic life than high finance. The economy as a whole is not – yet – in the dire condition it fell into in the mid-70s, early-80s or early-90s – still less the late 1920s and early 1930s. The great danger is that this could change. Many lessons must be learned from what is happening, and in time the rules of casino capitalism will need to be rewritten. But the urgent task for the authorities now is to stop the rot from spreading from the money-men to the rest of us.»
Le mot qui nous arrête est celui-ci: “Fortunately”, puis ce qui suit sur l’état de l’économie, qui concerne dans une courte allusion l’état de l’économie à la fin des années 1929 et au début des années 1930 (« the late 1920s and early 1930s»). C’est là-dessus que nous concentrerons notre commentaire. Nous nous appuyons fortement sur l’analogie historique, puisque tout nous invite; en nous concentrons sur les conditions générales entourant le krach de 1929 et sur celles entourant celui du 15 septembre 2008.
Il y a une méthodologie contestable dans cet éditorial. Il ne rend pas compte, à notre sens, d’une description acceptable des conditions respectives des deux époques. Il subvertit d’autant une analogie comparative qui, par ailleurs, s’impose effectivement. Plusieurs remarques préliminaires.
• La référence unanime est celle du krach d’octobre 1929 à Wall Street. C’est un événement spécifiquement américaniste, des USA seuls. Or, la référence économique faite dans l’édito renvoie à la situation économique hors des USA, particulièrement au Royaume-Uni (l’état de l’économie mauvais à la fin des années 1920, comme si le krach d’octobre 1929 en était l’expression boursière logique). Les Britanniques ont trop tendance à considérer comme communes les situations US et UK (cela correspond aux illusions de leur stratégie générale) et ils renvoient cette idée à 1929. Puisque octobre 1929 est un événement spécifiquement américaniste, la seule référence économique qui vaille est la situation économique des USA. Dans ce cas, le jugement est faux. Le krach d’octobre 1929 est par excellence “le coup de tonnerre dans un ciel bleu”, un effondrement dans une économie en pleine expansion, – l’économie US, alors complètement déconnectée de l’économie hors des USA.
• Le contexte dans lequel on juge quasi unanimement des événements d’hier est celui du seul cadre économico-financier, et réduit à la sphère occidentale. Ce choix nous paraît arbitraire et vicieux. Si l’on parle du contexte, alors on ne peut s’arrêter à l’économie parce que tous les grands domaines d’activité sont liés et intégrés. Si l’économie US est florissante lorsqu’éclate le krach alors que le reste de l’économie ne l’est pas, c’est parce que les USA sont en pleine période isolationniste, isolés du reste du monde dans tous les domaines de la vie publique et de la politique générale. Le fait, autant que la logique générale que nous privilégions invite à considérer, lorsque nous jugeons du contexte de la crise, non seulement l’économie, mais la vie politique générale, la situation sociale et culturelle, voire la psychologie (plus que “voire” d’ailleurs, on le verra: il s’agit de l’essentiel). Ce sera notre méthode, comme ce l’est d’une façon systématique. Lorsqu’il s’agit d’une situation générale, il n’y a aucune raison de limiter les domaines arbitrairement; il faut prendre la situation générale pour répondre à la réalité de l’intégration de tous les domaines qui la composent par définition.
C’est de cette façon que nous allons procéder. Nous prendrons le fait fondamental de cette analyse analogique sur le constat qu’octobre 1929 est le détonateur de tout le reste (la Grande Dépression notamment) alors que septembre 2008 est une explosion de plus, même si elle est particulièrement forte, dans une chaine d’explosions. Si l’on veut, notre Octobre 1929 a commencé en août 2007 et s’est poursuivi dans plusieurs autres explosions jusqu’à septembre 2008. (Et sans doute n’est-ce pas fini, il y aura d’autres explosions, – alors qu’en 1929 on s’en tint à Octobre et il n’y eut plus d’autres explosion du même domaine jusqu’à la glissade vers la dépression économique à partir de l’automne 1930, et à pleine vitesse à partir de l’été 1931.)
Pourtant, oui, l’analyse comparée des situations générales est nécessaire et instructive. Elle doit être faite. Elle nous en dira beaucoup sur ce qui nous attend.
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