Dites moi quel sera le prix du baril, je vous dirai dans quel sens le monde tournera !
Plus que jamais, le prix du pétrole est fondamental, notamment pour l'Afrique. Comme nous l'avons vu dans le dernier numéro d'avant-garde de juin 2008 (article sur la flambée des prix des matières premières), le pétrole suscite autant d'espoirs de recettes d'exportations que d'enjeux de développement dans la redistribution de la « rente ». Il est donc légitime pour tout décideur, ou même consommateur africain, d'essayer d'anticiper au mieux l'évolution des prix du brut, des carburants ou dérivés de produits pétroliers. Anticiper le prix du brut c'est mieux appréhender les finance publiques d'un pays, le prix d'une course de taxi, la décision d''achat d'un véhicule, le coût d'approvisionnement de marchandises… ou même le coût d'un sac d'engrais ! Dans un monde globalisé où les équilibres et les certitudes sont plus que jamais précaires, les références sont incertaines et les modèles de prévisions ne fonctionnent plus. Au-delà de l'équilibre présent ou à venir de l'offre/demande, le prix du pétrole reflétera la perception du monde par les marchés : celle d'un monde capable de réinventer un modèle de croissance adapté au plus grand nombre ou celle d'un monde à court d'espace et de richesses ouvrant la voie à la compétition croissante et au devenir incertain. De cette croyance en un avenir optimiste ou pessimiste dépendra la course aux matières premières et donc, en filigrane, le prix du pétrole.
A la lecture des innombrables articles et commentaires qui inondent les médias depuis plus de cinq ans, il semble aussi difficile d'anticiper l'évolution des prix du pétrole que d'en identifier la cause. Pour certains, la spéculation est largement responsable de la hausse des prix laquelle serait partiellement justifiée par le repli du dollar ; pour d'autres, le contingentement des domaines miniers par les états souverains ne permettrait pas d'alimenter correctement la production qui satisfait aujourd'hui péniblement à une consommation croissante.
Le déséquilibre offre/demande en déclencheur
En revenant quelques années en arrière alors que le prix du pétrole entamait son cycle haussier, deux types d'évènement resurgissent : une accélération de la demande tirée par certains pays émergents ; la production amputées par des chocs politiques forts (grève en fin d'année 2002 au Venezuela et intervention en Irak au printemps 2003). Après des années de prix du pétrole bas sur fond de capacités excédentaires pléthoriques (supérieures à cinq millions de barils), il est indiscutable que dans un contexte d'insécurité affectant la production en son coeur (Venezuela, Irak, Nigeria), la demande importante d'hydrocarbures (deux fois plus importantes que dans les années 90) fut à même de limiter les capacités excédentaires, et à promouvoir une logique de hausse des prix.
Le mouvement haussier des prix du pétrole s'explique facilement. En revanche il est plus délicat d'apprécier l'ampleur de cette hausse qui a vu le prix du brut multiplié par presque sept en cinq ans !
Sur fond de production suivant péniblement la demande, d'autres phénomènes sont venus inquiéter les marchés faisant peser sur le moyen terme des possibilités non négligeables de perturbations : répétition des ouragans Katrina et Rita, attentats affectant la production irakienne, intervention en Iran… Parallèlement à cette tension sur la production, une sous capacité a affecté le raffinage.
Les inquiétudes en catalyseur
Dans un tel contexte, les interrogations s'accumulent. Les réserves théorique de 42 ans de production sont elles surévaluées ? Le retour du nationalisme pétrolier (Russie, Venezuela, Kazakhstan…) risque-t-il d'affecter la production à venir… ? D'autres facteurs plaident en faveur de l'hypothèse d'une sous capacité de production : les compagnies nationales, qui contrôlent près de 80% des réserves mondiales, financent moins de 35% du total annuel des investissements les actifs parapétroliers capables de développer des champs complexes (offshore profond, arctique…) ont peine à répondre à la demande, alors même que certains secteurs (sismique, services de puits…) ne disposent pas des compétences
Au-delà des fondamentaux, les spéculateurs sont aussi montrés du doigt.
Bien que des compagnies pétrolières telles que BP ou Shell qualifient de mythe la responsabilité des spéculateurs, il n'en demeure pas moins que les « marchés financiers » exercent une influence sur le prix du pétrole. Dans un contexte d'inflation généralisée, d'effondrement du dollar et de chute des actifs immobiliers, les acteurs financiers se sont servis du pétrole comme police d'assurance, prenant des positions financières d'achat sur le pétrole. Bien que « virtuels », Ces contrats financiers ont un prix qui influe sur le marché physique (certains servent de benchmark au contrat physique). Ainsi, utilisé comme couverture à des cargaisons physiques, leur impact est lui bien réel. En renchérissant le prix des actifs pétroliers (entreprises, blocs), les investisseurs (fonds de pension, compagnies pétrolières, fonds souverains) ont aussi poussé les acheteurs à prendre des positions plus offensives sur le brut (à travers les contrats long terme et les couvertures), contribuant à ce phénomène haussier des prix.
Derrière la « spéculation », l’opacité et l’incertitude sont les grandes responsables
Néanmoins, pour défendre un peu ces marchés financiers (qui servent par ailleurs aux industriels à couvrir leurs risques !!), il faut reconnaître que si ceux-ci alimentent la hausse des prix du brut, il le font de bonne fois même s'il faut admettre que la peur et l'ignorance qui les promeuvent ne constituent pas de bonne raison. Cette ignorance tient à deux faits. Une opacité majeure sur le question pétrolière. Une situation d'incertitude absolue quant à l'évolution de notre monde. Dans un environnement où la mondialisation risque de se faire plus « engagée », notamment au travers des enjeux énergétiques, où les équilibres changent extrêmement rapidement - souvent en faveur des producteurs de matières premières ou des pays à forte population -, l'avenir est plus que jamais incertain. Avec deux millions de barils de capacités excédentaires, le prix du pétrole peut être affecté par n'importe quel événement touchant de loin ou de près la production et la croissance économique mondiale. Question opacité, sans laquelle cette hausse n'aurait certainement pas été aussi forte, elle touche l'ensemble des statistiques pétrolières : incertitudes sur le montant des réserves, sur la production réelle, sur les investissements OPEP. Interrogations sur la demande réelle et la part des stocks stratégiques dans les pays émergents. Ignorance sur le taux de récupération futurs …
Anticiper le prix du pétrole, c’est donc anticiper l’annonce d’une certitude.
En l'absence de vérité prouvée et avec pour seul repère la perspective de l'épuisement de la ressource naturelle, et aussi longtemps que cette image d'un monde émergent assoiffé de pétrole perdurera, le trend haussier sera renforcé. Si l'on veut anticiper une chute du prix du brut, il faudra donc anticiper toute certitude capable de contredire cette image d'un monde en demande d'hydrocarbures: y a-t-il d'autres énergies alternatives crédibles à moyen terme? La demande ne risque-t-elle pas de chuter durablement ? Les réserves peuvent-elles être fortement revues à la hausse ? La technologie peut elle permettre de relever significativement les taux de récupération ? Seule une réponse affirmative forte à l'une de ces questions sera à même d'enrayer la hausse continue du prix du brut.
1ere certitude : le pétrole va-t-il rester vital ? ou abondant ?
Sur le plan de l'évolution de la demande de pétrole, le pétrole à plus de 100 $ pousse indiscutablement au développement tout azimut de sources énergétiques alternatives (gaz, charbon, électricité nucléaire, solaire, éolienne…). Néanmoins, le moyen terme semble toujours favorable au pétrole, notamment pour le transport, qui reste la clef de voûte de notre monde globalisé. Bien que les carburants à base de gaz ou de charbon (CNV, GTL, CTL…) soient à même de concurrencer les carburants pétroliers, leurs bilans environnementaux, énergétiques et financiers sont encore trop incertains pour qu'ils représentent une alternative sérieuse.
Plus que jamais, le prix du pétrole est fondamental, notamment pour l'Afrique. Comme nous l'avons vu dans le dernier numéro d'avant-garde de juin 2008 (article sur la flambée des prix des matières premières), le pétrole suscite autant d'espoirs de recettes d'exportations que d'enjeux de développement dans la redistribution de la « rente ». Il est donc légitime pour tout décideur, ou même consommateur africain, d'essayer d'anticiper au mieux l'évolution des prix du brut, des carburants ou dérivés de produits pétroliers. Anticiper le prix du brut c'est mieux appréhender les finance publiques d'un pays, le prix d'une course de taxi, la décision d''achat d'un véhicule, le coût d'approvisionnement de marchandises… ou même le coût d'un sac d'engrais ! Dans un monde globalisé où les équilibres et les certitudes sont plus que jamais précaires, les références sont incertaines et les modèles de prévisions ne fonctionnent plus. Au-delà de l'équilibre présent ou à venir de l'offre/demande, le prix du pétrole reflétera la perception du monde par les marchés : celle d'un monde capable de réinventer un modèle de croissance adapté au plus grand nombre ou celle d'un monde à court d'espace et de richesses ouvrant la voie à la compétition croissante et au devenir incertain. De cette croyance en un avenir optimiste ou pessimiste dépendra la course aux matières premières et donc, en filigrane, le prix du pétrole.
A la lecture des innombrables articles et commentaires qui inondent les médias depuis plus de cinq ans, il semble aussi difficile d'anticiper l'évolution des prix du pétrole que d'en identifier la cause. Pour certains, la spéculation est largement responsable de la hausse des prix laquelle serait partiellement justifiée par le repli du dollar ; pour d'autres, le contingentement des domaines miniers par les états souverains ne permettrait pas d'alimenter correctement la production qui satisfait aujourd'hui péniblement à une consommation croissante.
Le déséquilibre offre/demande en déclencheur
En revenant quelques années en arrière alors que le prix du pétrole entamait son cycle haussier, deux types d'évènement resurgissent : une accélération de la demande tirée par certains pays émergents ; la production amputées par des chocs politiques forts (grève en fin d'année 2002 au Venezuela et intervention en Irak au printemps 2003). Après des années de prix du pétrole bas sur fond de capacités excédentaires pléthoriques (supérieures à cinq millions de barils), il est indiscutable que dans un contexte d'insécurité affectant la production en son coeur (Venezuela, Irak, Nigeria), la demande importante d'hydrocarbures (deux fois plus importantes que dans les années 90) fut à même de limiter les capacités excédentaires, et à promouvoir une logique de hausse des prix.
Le mouvement haussier des prix du pétrole s'explique facilement. En revanche il est plus délicat d'apprécier l'ampleur de cette hausse qui a vu le prix du brut multiplié par presque sept en cinq ans !
Sur fond de production suivant péniblement la demande, d'autres phénomènes sont venus inquiéter les marchés faisant peser sur le moyen terme des possibilités non négligeables de perturbations : répétition des ouragans Katrina et Rita, attentats affectant la production irakienne, intervention en Iran… Parallèlement à cette tension sur la production, une sous capacité a affecté le raffinage.
Les inquiétudes en catalyseur
Dans un tel contexte, les interrogations s'accumulent. Les réserves théorique de 42 ans de production sont elles surévaluées ? Le retour du nationalisme pétrolier (Russie, Venezuela, Kazakhstan…) risque-t-il d'affecter la production à venir… ? D'autres facteurs plaident en faveur de l'hypothèse d'une sous capacité de production : les compagnies nationales, qui contrôlent près de 80% des réserves mondiales, financent moins de 35% du total annuel des investissements les actifs parapétroliers capables de développer des champs complexes (offshore profond, arctique…) ont peine à répondre à la demande, alors même que certains secteurs (sismique, services de puits…) ne disposent pas des compétences
Au-delà des fondamentaux, les spéculateurs sont aussi montrés du doigt.
Bien que des compagnies pétrolières telles que BP ou Shell qualifient de mythe la responsabilité des spéculateurs, il n'en demeure pas moins que les « marchés financiers » exercent une influence sur le prix du pétrole. Dans un contexte d'inflation généralisée, d'effondrement du dollar et de chute des actifs immobiliers, les acteurs financiers se sont servis du pétrole comme police d'assurance, prenant des positions financières d'achat sur le pétrole. Bien que « virtuels », Ces contrats financiers ont un prix qui influe sur le marché physique (certains servent de benchmark au contrat physique). Ainsi, utilisé comme couverture à des cargaisons physiques, leur impact est lui bien réel. En renchérissant le prix des actifs pétroliers (entreprises, blocs), les investisseurs (fonds de pension, compagnies pétrolières, fonds souverains) ont aussi poussé les acheteurs à prendre des positions plus offensives sur le brut (à travers les contrats long terme et les couvertures), contribuant à ce phénomène haussier des prix.
Derrière la « spéculation », l’opacité et l’incertitude sont les grandes responsables
Néanmoins, pour défendre un peu ces marchés financiers (qui servent par ailleurs aux industriels à couvrir leurs risques !!), il faut reconnaître que si ceux-ci alimentent la hausse des prix du brut, il le font de bonne fois même s'il faut admettre que la peur et l'ignorance qui les promeuvent ne constituent pas de bonne raison. Cette ignorance tient à deux faits. Une opacité majeure sur le question pétrolière. Une situation d'incertitude absolue quant à l'évolution de notre monde. Dans un environnement où la mondialisation risque de se faire plus « engagée », notamment au travers des enjeux énergétiques, où les équilibres changent extrêmement rapidement - souvent en faveur des producteurs de matières premières ou des pays à forte population -, l'avenir est plus que jamais incertain. Avec deux millions de barils de capacités excédentaires, le prix du pétrole peut être affecté par n'importe quel événement touchant de loin ou de près la production et la croissance économique mondiale. Question opacité, sans laquelle cette hausse n'aurait certainement pas été aussi forte, elle touche l'ensemble des statistiques pétrolières : incertitudes sur le montant des réserves, sur la production réelle, sur les investissements OPEP. Interrogations sur la demande réelle et la part des stocks stratégiques dans les pays émergents. Ignorance sur le taux de récupération futurs …
Anticiper le prix du pétrole, c’est donc anticiper l’annonce d’une certitude.
En l'absence de vérité prouvée et avec pour seul repère la perspective de l'épuisement de la ressource naturelle, et aussi longtemps que cette image d'un monde émergent assoiffé de pétrole perdurera, le trend haussier sera renforcé. Si l'on veut anticiper une chute du prix du brut, il faudra donc anticiper toute certitude capable de contredire cette image d'un monde en demande d'hydrocarbures: y a-t-il d'autres énergies alternatives crédibles à moyen terme? La demande ne risque-t-elle pas de chuter durablement ? Les réserves peuvent-elles être fortement revues à la hausse ? La technologie peut elle permettre de relever significativement les taux de récupération ? Seule une réponse affirmative forte à l'une de ces questions sera à même d'enrayer la hausse continue du prix du brut.
1ere certitude : le pétrole va-t-il rester vital ? ou abondant ?
Sur le plan de l'évolution de la demande de pétrole, le pétrole à plus de 100 $ pousse indiscutablement au développement tout azimut de sources énergétiques alternatives (gaz, charbon, électricité nucléaire, solaire, éolienne…). Néanmoins, le moyen terme semble toujours favorable au pétrole, notamment pour le transport, qui reste la clef de voûte de notre monde globalisé. Bien que les carburants à base de gaz ou de charbon (CNV, GTL, CTL…) soient à même de concurrencer les carburants pétroliers, leurs bilans environnementaux, énergétiques et financiers sont encore trop incertains pour qu'ils représentent une alternative sérieuse.
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