«Un enfant, un arbre» ; telle est la devise sous laquelle se déroule, depuis samedi 13 septembre, une opération décidée par deux ministères : celui de l’Education et celui de l’Agriculture. Nos institutions donnent l’impression de se réveiller à la donne environnementale dans notre pays. Cependant, le caractère “folklorique’’ et protocolaire de ce genre d’opérations risque de prendre le pas sur des programmes d’envergure capables d’apporter des solutions à une situation qui commence à toucher aux limites du soutenable. Le constat est accablant : l’Algérie s’expose chaque jour à l’insalubrité et aux phénomènes issus des conséquences d’atteinte à l’environnement. Même pour un observateur distrait, les différentes atteintes à l’environnement et au cadre de vie des Algériens ne relèvent plus du mystère.
Elles sont observables aussi bien dans des quartiers urbains résidentiels, dans des centres limitrophes des zones industrielles et même, ô comble d’hérésie, dans les espaces de l’arrière-pays considéré naguère comme le dernier bastion de la pureté de l’eau, de l’air et des paysages. Cet espace immaculé a vécu la chute aux enfers au moment où les valeurs morales et civiques et la discipline générale subissaient une nette inflexion. Au printemps dernier, la cimenterie de Meftah a fait parler une nouvelle fois d’elle, et pas toujours en bien malgré sa contribution à la réalisation du programme présidentiel d’un million de logements. Ce qui a toujours été considéré comme un problème de santé publique- à savoir les émanations poussiéreuses de cette unité industrielle- a ainsi fait l’objet d’un traitement “politique’’ peu innocent. En effet, le groupe parlementaire du parti Ennahda à l’Assemblée populaire nationale avait donné lecture à une déclaration rédigée par le parti où il se fait le ‘’porte-parole’’ des citoyens de Meftah qui menaçaient de descendre dans la rue pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur le danger que représente la cimenterie pour la population. Les pétitionnaires firent observer que les électrofiltres ne jouent plus leur rôle et que cent cinquante mille personnes seraient touchées, à un degré ou un autre, par les pathologies générées par cette pollution. En outre, les explosifs utilisés par l’unité de Meftah seraient à l’origine de plusieurs fissurations de maisons. Il est demandé à ce que des experts en santé publique et en environnement fassent le déplacement sur le site pour un diagnostic complet et objectif.
En tout cas, une vision panoramique d’Alger à partir de Sakamody ou des Deux Bassins (localités de Tablat dominant la plaine du Sahel) nous donne un premier aperçu du mouvement et de l’itinéraire de ces poussières. La poudre grise que, par méprise, on prendrait pour de la fumée montant d’un quelconque dépotoir ou d’un bosquet qui aurait pris feu, n’est en fait que le “crachat’’ éternel de la cimenterie de Meftah. Elle se répand au gré des vents et elle est même devenue un appareil de mesure de la vitesse du vent et de la détermination de son orientation. Lors de l’arrivée du vent de provenance Sud-est (siroco), les volutes de la fumée de Meftah venaient naguère renforcer l’épaisseur de la fumée de l’ancienne décharge de Oued Smar où brûlait un dépotoir cyclopéen pendant plus de deux décennies. Le résultat, en s’en doute, est peu ragoûtant, a fortiori quant on se souvient qu’à quelques kilomètres d’ici le plus grand cloaque d’Algérie, l’Oued El Harrach, exhibe son ventre béant d’où s’exhalent les miasmes les plus fétides que l’on connaisse.
Une conscience environnementale peu développée
Au cours de ces dernières années, des citoyens et des responsables se posent souvent la question de savoir pourquoi et comment se multiplient, par exemple, des cas d’éboulement de terrains réputés solides et bien ancrés, des cas de maladies infectieuses prenant parfois l’allure d’épidémies mortelles ou de maladies allergiques touchant enfants et adultes. On peut pousser les interrogations pour s’enquérir des raisons de la diminution des capacités de stockage de nos barrages et du retour de certaines pathologies, telles que la gale, la peste bubonique ou la tuberculose que seule la mémoire populaire a pu retenir des années noires de la misère et de la colonisation. En tant que pays en développement ayant la chance- ou la malchance- de disposer de gisements gaziers et pétroliers considérables, l’Algérie, avec un volontarisme et un populisme effrénés, avait investi dans la construction industrielle et l’urbanisation à telle enseigne que le visage du pays – panorama rural, tissu urbain, rythme de vie- se trouve complètement chamboulé au bout de quatre décennies. Il s’ensuit que, contrairement aux pays industrialisés, les critères environnementaux ne sont pris en charge qu’au cours de ces dernières années. Et encore, cela s’est fait généralement suite aux conditionnalités accompagnant certains programmes de développement financés par des institutions étrangères (PNUD, BIRD, FAO). Mieux vaut tard que jamais, ces tests commencent à donner leurs fruits en instaurant une certaine pédagogie dans le montage des projets, y compris ceux managés par des entreprises privées. Il devient de plus en plus impératif de faire accompagner n’importe quelle activité économique de ses variables environnementales dans l’objectif d’atténuer les effets “secondaires’’ susceptibles d’être induits par les programmes de développement. En tout cas, pour la majorité des bailleurs de fonds, la sensibilité à l’aspect écologique du développement fait désormais partie du coût des projets qu’il importe de porter sur le tableau des devis en tant que rubrique générant une charge vénale incompressible.
Mobilité des populations, exode rural et actions sur les territoires
Depuis le début de la colonisation jusqu’aux programmes de développement de l’Algérie indépendante, la population, la propriété foncière, les modes de vie, les systèmes de production, la cellule familiale et la gestion de l’espace, en tant que lieu d’habitat et ressource primaire, ont connu de tels chamboulements que le pays s’est complètement métamorphosé. De fond en comble, la relation avec la terre et avec ses éléments principaux (montagnes, ruisseaux, fermes, assiettes foncières, ressources naturelles) se trouve transformée. Le système colonial, dans une stratégie de cantonnement des populations indigènes, a construit des villes nouvelles, crée des usines, bâti des écoles et des infrastructures de desserte, comme il a institué le système de métayage qui avait réduit nos paysans à une main-d’œuvre taillable et corvéable à merci. A l’intérieur même des villes européennes nouvellement construites en Algérie, les poches de misère indigènes ont été circonscrites dans des quartiers dits “arabes’’. Entre Bab Djedid, Square Bresson et le lycée Bugeaud (actuel Emir Abdelkader), était confinée la population de la Casbah. Il en est de même pour les autres agglomérations d’Algérie, et cela quelles que fussent leurs dimensions (Koléa, Sour El Ghozlane, Perrégaux, actuelle Mohammadia,…).
Pour faire fonctionner les fermes et les ateliers tenus par des Européens, il a été fait appel à des ouvriers de l’arrière-pays montagneux et des Hauts Plateaux. Nos grands-pères se souviennent encore des campagnes de vendanges à Boufarik, Dellys et Berrouaghia qui faisaient mobiliser les jeunes paysans loqueteux de Larba Nath Irathèn, Ksar El Boukhari, Aïn Boucif et Sidi Aïssa. Toute la Mitidja était prise en charge sur le plan de la main-d’œuvre par cette armée de réserve qui a survécu aux guerres et aux épidémies. Des tâches sporadiques ou saisonnières (cueillettes d’oranges et clémentines, vendanges, arrachage de pommes de terres), des travaux exigeant une présence plus assidue (irrigation, labours, taille,…) ou des fonctions permanentes (machinisme agricole, construction, gardiennage,…) ont fait venir des milliers de personnes de la campagne déshérités vers les plaines fertiles, près des grandes villes.
A l’ancien statut de célibataire est venu se substituer, quelques temps après, le statut de chef de ménage. C’est ainsi que des milliers de familles se sont déplacées au cours du 20e siècle, créant un vaste phénomène d’exode rural. Sur le lieu d’arrivée, l’installation ne s’encombre pas de commodités ou de luxe qui, de toute façon, ne viendront jamais. Ce sont des chaumières en tôle de zinc, parfois des masures en pisé, sans sanitaires ni espace suffisant, qui vont constituer des ceintures de misère autour des villages coloniaux (Boufarik, Birtouta, Aïn Témouchent, Skikda,…). Cette situation perdurera après l’indépendance du pays.
Pire, au vu des promesses nourries par la révolution algérienne consistant à bannir le statut de khemmes et à réhabiliter le paysan algérien, d’autres “fantaisies’’ allaient voir le jour du fait d’un déracinement effectif.
Le statut de paysan a été dévalorisé au vu de son histoire peu glorieuse pendant la colonisation. Il s’ensuivit une fonctionnarisation effrénée, tendant à se décomplexer vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale et, par-là même, à vouloir reproduire les mêmes schémas d’organisation et d’ascension sociale. Cette forme de “stabilisation’’ a eu un effet d’entraînement par lequel d’autres contingents venus des campagnes ont décidé de s’installer dans les villes en rompant avec leur “bercail’’.
Des besoins nouveaux sont nés avec une telle situation de fait accompli : école pour les enfants, dispensaires, raccordement aux réseaux AEP, gaz et électricité, assainissement...Une façon comme une autre de régulariser implicitement une urbanisation anarchique. Cela va encore se renforcer avec l’ouverture de nouvelles routes et pistes de desserte, l’installation de magasins d’approvisionnement et parfois d’antennes administratives d’APC.
Elles sont observables aussi bien dans des quartiers urbains résidentiels, dans des centres limitrophes des zones industrielles et même, ô comble d’hérésie, dans les espaces de l’arrière-pays considéré naguère comme le dernier bastion de la pureté de l’eau, de l’air et des paysages. Cet espace immaculé a vécu la chute aux enfers au moment où les valeurs morales et civiques et la discipline générale subissaient une nette inflexion. Au printemps dernier, la cimenterie de Meftah a fait parler une nouvelle fois d’elle, et pas toujours en bien malgré sa contribution à la réalisation du programme présidentiel d’un million de logements. Ce qui a toujours été considéré comme un problème de santé publique- à savoir les émanations poussiéreuses de cette unité industrielle- a ainsi fait l’objet d’un traitement “politique’’ peu innocent. En effet, le groupe parlementaire du parti Ennahda à l’Assemblée populaire nationale avait donné lecture à une déclaration rédigée par le parti où il se fait le ‘’porte-parole’’ des citoyens de Meftah qui menaçaient de descendre dans la rue pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur le danger que représente la cimenterie pour la population. Les pétitionnaires firent observer que les électrofiltres ne jouent plus leur rôle et que cent cinquante mille personnes seraient touchées, à un degré ou un autre, par les pathologies générées par cette pollution. En outre, les explosifs utilisés par l’unité de Meftah seraient à l’origine de plusieurs fissurations de maisons. Il est demandé à ce que des experts en santé publique et en environnement fassent le déplacement sur le site pour un diagnostic complet et objectif.
En tout cas, une vision panoramique d’Alger à partir de Sakamody ou des Deux Bassins (localités de Tablat dominant la plaine du Sahel) nous donne un premier aperçu du mouvement et de l’itinéraire de ces poussières. La poudre grise que, par méprise, on prendrait pour de la fumée montant d’un quelconque dépotoir ou d’un bosquet qui aurait pris feu, n’est en fait que le “crachat’’ éternel de la cimenterie de Meftah. Elle se répand au gré des vents et elle est même devenue un appareil de mesure de la vitesse du vent et de la détermination de son orientation. Lors de l’arrivée du vent de provenance Sud-est (siroco), les volutes de la fumée de Meftah venaient naguère renforcer l’épaisseur de la fumée de l’ancienne décharge de Oued Smar où brûlait un dépotoir cyclopéen pendant plus de deux décennies. Le résultat, en s’en doute, est peu ragoûtant, a fortiori quant on se souvient qu’à quelques kilomètres d’ici le plus grand cloaque d’Algérie, l’Oued El Harrach, exhibe son ventre béant d’où s’exhalent les miasmes les plus fétides que l’on connaisse.
Une conscience environnementale peu développée
Au cours de ces dernières années, des citoyens et des responsables se posent souvent la question de savoir pourquoi et comment se multiplient, par exemple, des cas d’éboulement de terrains réputés solides et bien ancrés, des cas de maladies infectieuses prenant parfois l’allure d’épidémies mortelles ou de maladies allergiques touchant enfants et adultes. On peut pousser les interrogations pour s’enquérir des raisons de la diminution des capacités de stockage de nos barrages et du retour de certaines pathologies, telles que la gale, la peste bubonique ou la tuberculose que seule la mémoire populaire a pu retenir des années noires de la misère et de la colonisation. En tant que pays en développement ayant la chance- ou la malchance- de disposer de gisements gaziers et pétroliers considérables, l’Algérie, avec un volontarisme et un populisme effrénés, avait investi dans la construction industrielle et l’urbanisation à telle enseigne que le visage du pays – panorama rural, tissu urbain, rythme de vie- se trouve complètement chamboulé au bout de quatre décennies. Il s’ensuit que, contrairement aux pays industrialisés, les critères environnementaux ne sont pris en charge qu’au cours de ces dernières années. Et encore, cela s’est fait généralement suite aux conditionnalités accompagnant certains programmes de développement financés par des institutions étrangères (PNUD, BIRD, FAO). Mieux vaut tard que jamais, ces tests commencent à donner leurs fruits en instaurant une certaine pédagogie dans le montage des projets, y compris ceux managés par des entreprises privées. Il devient de plus en plus impératif de faire accompagner n’importe quelle activité économique de ses variables environnementales dans l’objectif d’atténuer les effets “secondaires’’ susceptibles d’être induits par les programmes de développement. En tout cas, pour la majorité des bailleurs de fonds, la sensibilité à l’aspect écologique du développement fait désormais partie du coût des projets qu’il importe de porter sur le tableau des devis en tant que rubrique générant une charge vénale incompressible.
Mobilité des populations, exode rural et actions sur les territoires
Depuis le début de la colonisation jusqu’aux programmes de développement de l’Algérie indépendante, la population, la propriété foncière, les modes de vie, les systèmes de production, la cellule familiale et la gestion de l’espace, en tant que lieu d’habitat et ressource primaire, ont connu de tels chamboulements que le pays s’est complètement métamorphosé. De fond en comble, la relation avec la terre et avec ses éléments principaux (montagnes, ruisseaux, fermes, assiettes foncières, ressources naturelles) se trouve transformée. Le système colonial, dans une stratégie de cantonnement des populations indigènes, a construit des villes nouvelles, crée des usines, bâti des écoles et des infrastructures de desserte, comme il a institué le système de métayage qui avait réduit nos paysans à une main-d’œuvre taillable et corvéable à merci. A l’intérieur même des villes européennes nouvellement construites en Algérie, les poches de misère indigènes ont été circonscrites dans des quartiers dits “arabes’’. Entre Bab Djedid, Square Bresson et le lycée Bugeaud (actuel Emir Abdelkader), était confinée la population de la Casbah. Il en est de même pour les autres agglomérations d’Algérie, et cela quelles que fussent leurs dimensions (Koléa, Sour El Ghozlane, Perrégaux, actuelle Mohammadia,…).
Pour faire fonctionner les fermes et les ateliers tenus par des Européens, il a été fait appel à des ouvriers de l’arrière-pays montagneux et des Hauts Plateaux. Nos grands-pères se souviennent encore des campagnes de vendanges à Boufarik, Dellys et Berrouaghia qui faisaient mobiliser les jeunes paysans loqueteux de Larba Nath Irathèn, Ksar El Boukhari, Aïn Boucif et Sidi Aïssa. Toute la Mitidja était prise en charge sur le plan de la main-d’œuvre par cette armée de réserve qui a survécu aux guerres et aux épidémies. Des tâches sporadiques ou saisonnières (cueillettes d’oranges et clémentines, vendanges, arrachage de pommes de terres), des travaux exigeant une présence plus assidue (irrigation, labours, taille,…) ou des fonctions permanentes (machinisme agricole, construction, gardiennage,…) ont fait venir des milliers de personnes de la campagne déshérités vers les plaines fertiles, près des grandes villes.
A l’ancien statut de célibataire est venu se substituer, quelques temps après, le statut de chef de ménage. C’est ainsi que des milliers de familles se sont déplacées au cours du 20e siècle, créant un vaste phénomène d’exode rural. Sur le lieu d’arrivée, l’installation ne s’encombre pas de commodités ou de luxe qui, de toute façon, ne viendront jamais. Ce sont des chaumières en tôle de zinc, parfois des masures en pisé, sans sanitaires ni espace suffisant, qui vont constituer des ceintures de misère autour des villages coloniaux (Boufarik, Birtouta, Aïn Témouchent, Skikda,…). Cette situation perdurera après l’indépendance du pays.
Pire, au vu des promesses nourries par la révolution algérienne consistant à bannir le statut de khemmes et à réhabiliter le paysan algérien, d’autres “fantaisies’’ allaient voir le jour du fait d’un déracinement effectif.
Le statut de paysan a été dévalorisé au vu de son histoire peu glorieuse pendant la colonisation. Il s’ensuivit une fonctionnarisation effrénée, tendant à se décomplexer vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale et, par-là même, à vouloir reproduire les mêmes schémas d’organisation et d’ascension sociale. Cette forme de “stabilisation’’ a eu un effet d’entraînement par lequel d’autres contingents venus des campagnes ont décidé de s’installer dans les villes en rompant avec leur “bercail’’.
Des besoins nouveaux sont nés avec une telle situation de fait accompli : école pour les enfants, dispensaires, raccordement aux réseaux AEP, gaz et électricité, assainissement...Une façon comme une autre de régulariser implicitement une urbanisation anarchique. Cela va encore se renforcer avec l’ouverture de nouvelles routes et pistes de desserte, l’installation de magasins d’approvisionnement et parfois d’antennes administratives d’APC.
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