par Philippe Béchade
Vendredi 19 Septembre 2008
** Le scénario se répète de manière quasi inexorable depuis lundi : toutes les tentatives de rebond des indices boursiers avortent à une heure de la clôture, comme si la peur du lendemain occultait soudain les rachats à bon compte motivés par le constat que de nombreux titres -- pourtant étrangers à la problématique de la bulle du crédit -- sont bradés sans raisons valables.
Il est vrai que chaque journée qui débute depuis 15 jours s'apparente à un grand saut dans l'inconnu avec une succession de coups de théâtre qui ne figurent même pas dans la littérature consacrée au krach de 1929 ou à l'effondrement des banques commerciales nippones de 1990 à 1995.
Heureusement que ce genre de références ne peut pas être extrapolé "tel quel" sur la conjoncture économique du millésime 2008, sans quoi nous envisagerions déjà la division par trois du Dow Jones d'ici 2010 et un épisode déflationniste susceptible de désespérer les Etats-Unis pour une bonne décennie.
Les semaines et les mois qui se profilent s'annoncent passionnants. Wall Street et les Etats-Unis viennent en effet d'amorcer un virage historique vers une perte de leadership économique et diplomatique. La Chine et la Russie piaffent d'impatience et veulent profiter d'une situation qui s'apparente, par de nombreux aspects, à une version capitaliste de la faillite du système collectiviste soviétique ou à celui hérité de Mao fin 1989.
Nous serons peut-être tous les acteurs, à notre modeste niveau, d'une nouvelle histoire dont des pages totalement inédites vont s'écrire au jour le jour pour l'ensemble de la planète.
** La sorte de chaos auquel nous sommes tous confrontés rebat les cartes d'un jeu que certains avaient confisqué à leur seul profit, trichant de façon éhontée lorsque quelques rares audacieux parvenaient à se frayer un chemin jusqu'à leur table -- Bill Bonner appelle cela délester les naïfs de leur argent.
Les superviseurs de ce gigantesque casino financier, la SEC, la Fed, l'équivalent de notre commission bancaire, fermaient les yeux depuis plusieurs années sur des abus et des dérives que le candidat républicain McCain qualifie lui-même de "corruption" et "d'escroquerie". Les actuels locataires de la Maison-Blanche et ses propres collègues du parti conservateur, qui ont tous activement encouragé la dérégulation des marchés, apprécieront.
L'heure de régler la note, même pour les très riches et les très puissants, semblait avoir sonné... mais, dans un ultime effort pour sauver la mise des capitaines de la finance qui ont sabordé le navire, il a été décidé de nationaliser Freddie Mac et Fannie Mae puis AIG. Il se pourrait -- prétendent les mauvaises langues -- que cela ait beaucoup à voir avec les contributions de ces trois entreprises aux deux précédentes campagnes victorieuses du parti républicain.
Officiellement, c'est pour éviter une catastrophe systémique et Lehman ne représentait pas, de ce point de vue, une menace suffisante. Quand on constate l'effondrement de la plupart des autres institutions financières américaines dans les 48 heures qui ont suivi, il est permis d'en douter.
Mais l'explication qui rallie aujourd'hui la majorité des suffrages, c'est que ni la Fed, ni le Trésor n'ont les moyens financiers de sauver toutes les banques d'affaires de Wall Street directement menacées de faillite... et surtout pas celle qui avait décliné l'invitation d'Alan Greenspan lorsqu'il avait convié ses consoeurs à participer au renflouement du fonds LTCM qui perdait alors la somme, inouïe pour l'époque, de 3,4 milliards de dollars, soit à peine un demi Kerviel.
Avec la faillite et le dépeçage de Lehman, la croyance dans l'éternité et l'universalité du soutien de la Fed a volé en éclats, d'où l'échec des banques centrales pour endiguer le processus pouvant conduire à un krach non seulement boursier, mais aussi systémique.
La Fed, la BCE, les banques centrales nippone, britannique, canadienne et suisse ont annoncé qu'elles avaient lancé des opérations conjointes de refinancement, de façon à offrir aux marchés les liquidités qui se sont évaporées avec le gel des transactions interbancaires -- c'est-à-dire l'argent que les établissements de crédit se prêtent entre eux.
** La Réserve fédérale vient d'injecter pas moins de 180 milliards de dollars de liquidités sur les marchés en 72 heures, dont 50 milliards de dollars hier. Cependant, Wall Street, après un bref épisode de rebond technique, poursuit sa chute : le Dow Jones bascule ainsi sous les 10 500 points et le Nasdaq sous les 2 100 points.
Le scénario de cette fin de séance de jeudi a été une réédition des deux précédentes. La tentative de redressement des indices boursiers sur le Vieux Continent a capoté à une heure de la clôture. Les dégagements de précaution se sont accélérés au cours de la dernière demi-heure alors que les pires scénarios s'échafaudaient en cette veille de journée des "quatre sorcières".
Le seuil des 4 000 points a été nettement enfoncé à Paris en clôture. L'Euro Stoxx 50 (-0,6%) terminait au contact du seuil psychologique des 3 000 points mais le principal support moyen terme est enfoncé depuis 48 heures. Le Dow Jones a reperdu ses 200 points de gains initiaux en l'espace de deux heures de cotations et en perdait 100 de plus une heure plus tard. Tout ceci témoigne de la fragilité des marchés mondiaux. Les places asiatiques ont elles aussi chuté hier matin, entre -2,2% et -4,75%.
Mais le mouvement de cours le plus spectaculaire sur le Vieux Continent s'est produit à Paris. Le CAC 40 a ainsi rechuté de 150 points en moins de 60 minutes "chrono" (3,5% de variation négative), avant d'enregistrer un petit sursaut de 30 points qui ne change rien sur le fond. La cassure des 4 000 points préfigure une poursuite de la glissade vers des planchers remontant à avril 2005.
Vendredi 19 Septembre 2008
** Le scénario se répète de manière quasi inexorable depuis lundi : toutes les tentatives de rebond des indices boursiers avortent à une heure de la clôture, comme si la peur du lendemain occultait soudain les rachats à bon compte motivés par le constat que de nombreux titres -- pourtant étrangers à la problématique de la bulle du crédit -- sont bradés sans raisons valables.
Il est vrai que chaque journée qui débute depuis 15 jours s'apparente à un grand saut dans l'inconnu avec une succession de coups de théâtre qui ne figurent même pas dans la littérature consacrée au krach de 1929 ou à l'effondrement des banques commerciales nippones de 1990 à 1995.
Heureusement que ce genre de références ne peut pas être extrapolé "tel quel" sur la conjoncture économique du millésime 2008, sans quoi nous envisagerions déjà la division par trois du Dow Jones d'ici 2010 et un épisode déflationniste susceptible de désespérer les Etats-Unis pour une bonne décennie.
Les semaines et les mois qui se profilent s'annoncent passionnants. Wall Street et les Etats-Unis viennent en effet d'amorcer un virage historique vers une perte de leadership économique et diplomatique. La Chine et la Russie piaffent d'impatience et veulent profiter d'une situation qui s'apparente, par de nombreux aspects, à une version capitaliste de la faillite du système collectiviste soviétique ou à celui hérité de Mao fin 1989.
Nous serons peut-être tous les acteurs, à notre modeste niveau, d'une nouvelle histoire dont des pages totalement inédites vont s'écrire au jour le jour pour l'ensemble de la planète.
** La sorte de chaos auquel nous sommes tous confrontés rebat les cartes d'un jeu que certains avaient confisqué à leur seul profit, trichant de façon éhontée lorsque quelques rares audacieux parvenaient à se frayer un chemin jusqu'à leur table -- Bill Bonner appelle cela délester les naïfs de leur argent.
Les superviseurs de ce gigantesque casino financier, la SEC, la Fed, l'équivalent de notre commission bancaire, fermaient les yeux depuis plusieurs années sur des abus et des dérives que le candidat républicain McCain qualifie lui-même de "corruption" et "d'escroquerie". Les actuels locataires de la Maison-Blanche et ses propres collègues du parti conservateur, qui ont tous activement encouragé la dérégulation des marchés, apprécieront.
L'heure de régler la note, même pour les très riches et les très puissants, semblait avoir sonné... mais, dans un ultime effort pour sauver la mise des capitaines de la finance qui ont sabordé le navire, il a été décidé de nationaliser Freddie Mac et Fannie Mae puis AIG. Il se pourrait -- prétendent les mauvaises langues -- que cela ait beaucoup à voir avec les contributions de ces trois entreprises aux deux précédentes campagnes victorieuses du parti républicain.
Officiellement, c'est pour éviter une catastrophe systémique et Lehman ne représentait pas, de ce point de vue, une menace suffisante. Quand on constate l'effondrement de la plupart des autres institutions financières américaines dans les 48 heures qui ont suivi, il est permis d'en douter.
Mais l'explication qui rallie aujourd'hui la majorité des suffrages, c'est que ni la Fed, ni le Trésor n'ont les moyens financiers de sauver toutes les banques d'affaires de Wall Street directement menacées de faillite... et surtout pas celle qui avait décliné l'invitation d'Alan Greenspan lorsqu'il avait convié ses consoeurs à participer au renflouement du fonds LTCM qui perdait alors la somme, inouïe pour l'époque, de 3,4 milliards de dollars, soit à peine un demi Kerviel.
Avec la faillite et le dépeçage de Lehman, la croyance dans l'éternité et l'universalité du soutien de la Fed a volé en éclats, d'où l'échec des banques centrales pour endiguer le processus pouvant conduire à un krach non seulement boursier, mais aussi systémique.
La Fed, la BCE, les banques centrales nippone, britannique, canadienne et suisse ont annoncé qu'elles avaient lancé des opérations conjointes de refinancement, de façon à offrir aux marchés les liquidités qui se sont évaporées avec le gel des transactions interbancaires -- c'est-à-dire l'argent que les établissements de crédit se prêtent entre eux.
** La Réserve fédérale vient d'injecter pas moins de 180 milliards de dollars de liquidités sur les marchés en 72 heures, dont 50 milliards de dollars hier. Cependant, Wall Street, après un bref épisode de rebond technique, poursuit sa chute : le Dow Jones bascule ainsi sous les 10 500 points et le Nasdaq sous les 2 100 points.
Le scénario de cette fin de séance de jeudi a été une réédition des deux précédentes. La tentative de redressement des indices boursiers sur le Vieux Continent a capoté à une heure de la clôture. Les dégagements de précaution se sont accélérés au cours de la dernière demi-heure alors que les pires scénarios s'échafaudaient en cette veille de journée des "quatre sorcières".
Le seuil des 4 000 points a été nettement enfoncé à Paris en clôture. L'Euro Stoxx 50 (-0,6%) terminait au contact du seuil psychologique des 3 000 points mais le principal support moyen terme est enfoncé depuis 48 heures. Le Dow Jones a reperdu ses 200 points de gains initiaux en l'espace de deux heures de cotations et en perdait 100 de plus une heure plus tard. Tout ceci témoigne de la fragilité des marchés mondiaux. Les places asiatiques ont elles aussi chuté hier matin, entre -2,2% et -4,75%.
Mais le mouvement de cours le plus spectaculaire sur le Vieux Continent s'est produit à Paris. Le CAC 40 a ainsi rechuté de 150 points en moins de 60 minutes "chrono" (3,5% de variation négative), avant d'enregistrer un petit sursaut de 30 points qui ne change rien sur le fond. La cassure des 4 000 points préfigure une poursuite de la glissade vers des planchers remontant à avril 2005.
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